Études
Publié le 31 mai 2010Lecture 6 min
Vaut-il mieux baisser davantage le LDL-cholestérol ou élever le HDL-cholestérol ?
J.-L. SCHLIENGER, Service de Médecine Interne, Endocrinologie et Nutrition, Hôpital Hautepierre, Strasbourg
L’athérogénicité des lipoparticules LDL ne fait plus de doute tant sont probantes les études prospectives et les métaanalyses démontrant l’intérêt de leur diminution en prévention primaire ou secondaire. La diminution de 1 mmol/l (0,39 g/l) de LDL-cholestérol est associée à une réduction de 23 % du risque de maladies coronaires fatales ou non, de procédures de revascularisation et d’AVC ischémique1. Actuellement, le débat ne porte plus sur l’efficacité des statines comme agents hypo LDL-cholestérolémiants, mais sur la concentration à atteindre pour optimiser la gestion du risque.
En France, les recommandations de l’Afssaps fixent la cible de LDL-C à 1 g/l ou moins en prévention secondaire et chez les patients à haut risque cardiovasculaire. Aux états-Unis, la NECP-ATP III fixe un objectif encore plus ambitieux (LDL-C < 0,7 g/l) chez les sujets à très haut risque sur la base du concept « lower is better ». D’aucuns considèrent même que la cible pourrait être de 0,4 g/l, valeur à peine plus élevée que celle mesurée sur le sang du cordon à la naissance !
En dépit de la remarquable puissance de feu des statines, la maîtrise des complications de l’athérosclérose est loin d’être parfaite. D’abord, parce que les statines ne permettent pas toujours d’atteindre les objectifs thérapeutiques ; ensuite, parce que le LDL-C n’explique pas la totalité du risque lié aux perturbations lipidiques. L’existence d’une relation inverse et indépendante entre la concentration plasmatique de HDL-C et l’incidence des maladies coronaires confirmée par des études épidémiologiques (dont celle de Framingham) et par des mécanismes physiopathologiques bien établis, tarde à l’être par des études d’intervention par manque de molécules agissant spécifiquement sur le HDL-C. On estime qu’une augmentation de 1 mg de HDL-C s’accompagnerait d’une diminution du risque de l’ordre de 2 à 3 %. C’est dire l’intérêt de cette voie en thérapeutique2.
Des résultats « troublants », sinon « provoquants »
Dans cette optique, l’étude ARBITER-6 HALTS (Arterial Biology for the Investigation of the Treatment Effects of Reducing cholesterol 6 – HDL and LDL treatment Strategies) fournit des résultats sinon troublants, du moins provoquants3.
Il s’agit d’une étude de stratégie randomisée ouverte comparant l’efficacité de l’ézitimibe (EZ) à la dose de 10 mg/j ou de l’acide nicotinique (AN) 2 g/j sur la progression de l’athérosclérose évaluée par la mesure de l’épaisseur intima/média de la carotide après 14 mois chez 363 patients traités par simvastatine. Cette étude a été interrompue après une analyse intermédiaire en raison de la supériorité de l’AN dès le 8e mois. Seuls 208 patients ont achevé l’étude. Tous les patients inclus étaient à haut risque cardiovasculaire. Ils présentaient une concentration plasmatique de LDL-C et de HDL-C respectivement de 0,8 et 0,42 g/l et leurs taux de triglycérides étaient normaux.
Sous traitement, les variations des paramètres lipidiques sont conformes à l’attente : diminution du LDL-C d’environ 25 % et stabilité du HDL-C et des triglycérides sous EZ ; diminution du LDL-C de 15 % et des triglycérides de 20 % et augmentation de 18 % du HDL-C.
L’association d’AN à une statine détermine une diminution de l’épaisseur intima-média carotidienne (p < 0,003), critère de jugement principal, alors que l’EZ – qui est pourtant responsable d’une plus forte diminution du LDL-C – est paradoxalement associé à une augmentation de ce paramètre (p < 0,001). L’incidence des événements cardiovasculaires majeurs a également été plus élevée dans le groupe EZ (5 % vs 1 % ; p = 0,04).
Pas de conclusions hâtives
En première analyse, ces résultats suggèrent que l’élévation du HDL-C est plus bénéfique qu’une diminution du LDL-C chez des patients dont le LDL-C était aux objectifs français. Il s’agit là d’un pavé dans la mare du dogme du « lower is better » qui pourrait faire naître une polémique autour de la stratégie thérapeutique… si cette étude n’était affectée de biais méthodologiques majeurs.
L’arrêt prématuré de l’étude après 8 mois est certainement malvenu alors que la durée planifiée n’était que de 14 mois. Il risque d’amplifier les effets bénéfiques potentiels de l’AN alors que 40 % des patients inclus n’ont pas eu de mesure de l’épaisseur intima-média à 14 mois. Il y a donc une perte de puissance regrettable. L’indicateur utilisé comme critère de jugement est lui-même très controversé. À titre d’exemple, dans l’étude JUPITER, la réduction des événements cardiovasculaires est observée alors que l’épaisseur intima-média ne diminue pas. A contrario, les thiazolidinediones diminuent l’épaisseur intima-média mais pas les événements cardiovasculaires. Enfin, l’exploitation statistique apparaît peu rigoureuse puisque les coefficients de corrélation ont été calculés sur des variables uniques… Autant de critiques qui ont fait dire que cette étude avait raté son objectif.
Retour sur le bénéfice d’une augmentation du HDL-C
L’intérêt principal de cette étude est de mettre en exergue l’intérêt qu’il peut y avoir à élever le HDL-C chez des sujets à haut risque vasculaire dont les taux de LDL-C sont satisfaisants sans être optimaux (selon les normes nord-américaines). En ce sens, elle vient à point alors que le doute s’était installé quant au bénéfice d’une augmentation du HDL-C obtenue avec des molécules spécifiques et alors qu’une métaanalyse a conclu à l’absence d’effets bénéfiques de l’augmentation du HDL-C avec les molécules hypolipémiantes disponibles4.
Il reste que le HDL-C est l’un des éléments du risque résiduel des patients sous statine. Dans l’étude TNT, la concentration du HDL-C est l’un des facteurs prédictifs de la survenue d’événements cardiovasculaires chez les patients ayant un taux de LDL-C < 0,70 g/l5. Parmi les hypolipémiants disponibles, c’est l’AN qui a l’effet le plus marqué sur le HDL-C avec une élévation pouvant atteindre 35 %. Son mécanisme d’action précis reste discuté, mais il est admis qu’il agit en augmentant la production d’Apo A1, en diminuant la clairance d’Apo A1 et en inhibant la CETP, ce qui augmente sélectivement les particules de HDL de grande taille. Les fibrates, qui activent les récepteurs nucléaires PPARa, entraînent une augmentation nette d’Apo A2 et des sous-populations de HDL de petite taille qui ont une excellente valeur protectrice. L’administration de particules synthétiques de HDL contenant de l’Apo A1 ou son mutant Milano entraîne une régression rapide des plaques d’athérome en dépit d’une absence de modification des concentrations d’HDL6.
L’intérêt d’une augmentation du HDL-C par les inhibiteurs de la CETP, protéine impliquée dans les échanges lipidiques entre lipoparticules, s’est avéré plus incertain. En théorie, c’est pourtant le moyen le plus performant pour augmenter le HDL-C. Encore faut-il souligner que l’on ne dispose pas de marqueurs permettant d’évaluer la fonctionnalité réelle de la modification des lipoparticules HDL induite par ces molécules. Dans une étude d’intervention, l’emploi de torcetrapid avec une statine a été associé à un excès de mortalité et n’a pas ralenti la progression de l’athérome coronarien ou carotidien7. Cet effet délétère inattendu de la part d’un inhibiteur de la CETP a été attribué à un effet aldostérone-like du torcetrapid. Ces résultats décevants sont atténués par la constatation que le quartile des patients ayant le plus augmenté leur taux de HDL-C présentaient une régression effective des lésions d’athérome8. D’autres inhibiteurs de la CETP en développement comme l’anacetrapid et le dalcetrapid semblent prometteurs.
Conclusion
En l’état, l’étude ARBITER-6 indique, en dépit de scories méthodologiques majeures, que l’association simvastatine-acide nicotinique est la stratégie à privilégier pour à la fois diminuer le LDL-C, augmenter le HDL-C et freiner la progression de l’athérome carotidien à condition… que le LDL-C soit au plus bas, ce qui ne peut, parfois, être obtenu qu’au moyen d’un renforcement des statines par de l’ézétimibe.
Cette molécule, qui a servi de comparateur dans ARBITER, est également capable de prévenir la progression de l’athérome, comme cela a été montré dans l’étude SANDS (Stop Atherosclerosis in Native Diabetics Study)9.
À l’évidence, des leçons à tirer d’ARBITER-6 sont moins simplistes qu’il n’y paraît. La diminution du LDL-C, objectif majeur, et l’augmentation du HDL-C, objectif moins accessible, procèdent d’une démarche logique et synergique justifiant une stratégie d’associations synergiques où chaque molécule peut trouver une juste place. Comme l’avait fait pressentir l’étude de Framinghan, LDL et HDL font finalement jeu égal dans la prévention des complications athéromateuses.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :