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Nutrition

Publié le 30 déc 2024Lecture 3 min

Alimentation méditerranéenne et diabète de type 2 : pourquoi attendre ?

Patrice DARMON, Marseille

Fin mai 2024, et après onze longues années d’attente, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié ses nouvelles recommandations sur les stratégies thérapeutiques chez les patients vivant avec un diabète de type 2. Si ces recommandations réactualisées reconnaissent enfin — parfois jusqu’à l’excès… mais c’est un autre débat — les bénéfices apportés par les inhibiteurs de SGLT2 et les agonistes des récepteurs du GLP-1 en matière de protection d’organes, elles font également, et de façon légitime, la part belle aux stratégies non médicamenteuses : les modifications du mode de vie (prise en charge nutritionnelle, promotion d’une activité physique régulière et adaptée, lutte contre la sédentarité) doivent être proposées dès le diagnostic posé, constituer — sauf cas particuliers — un préalable à l’instauration d’un éventuel traitement médicamenteux antihyperglycémiant et être ensuite maintenues dans le temps, en s’inscrivant toujours dans une démarche d’éducation thérapeutique du patient. Si la quasi-totalité des recommandations relatives aux modifications du mode de vie émises par la HAS rejoignent celles des sociétés savantes internationales, il en est une qui ne manque pas de surprendre : celle qui stipule qu’il est « recommandé la poursuite des études sur les effets de l’alimentation méditerranéenne en prévention primaire et secondaire des risques cardiovasculaires chez les patients vivant avec un diabète de type 2 ».

Cette préconisation, émise avec le grade « avis d’experts », est en complète contradiction avec la littérature scientifique, d’une part, avec les recommandations internationales, d’autre part. En contradiction avec la littérature scientifique d’abord car, chose rare en nutrition clinique, deux grands essais randomisés contrôlés ont démontré le bénéfice cardiovasculaire de l’alimentation méditerranéenne comparée à une alimentation pauvre en lipides, toutes deux données ad libitum : l’étude PREDIMED (publiée en 2013 dans le New England Journal of Medicine, corrigée en 2018) menée chez 7 447 patients à haut risque cardiovasculaire en prévention primaire, et l’étude CORDIOPREV (publiée en 2022 dans le Lancet) conduite chez 1 002 patients en prévention secondaire car présentant une maladie coronarienne ; dans ces deux essais, la protection cardiovasculaire conférée par l’alimentation méditerranéenne était retrouvée à l’identique chez les patients vivant ou non avec un diabète de type 2 (environ 50 % des effectifs dans les deux cas). Si elles ne sont pas exemptes de quelques faiblesses méthodologiques, ces deux études d’envergure démontrent le caractère cardioprotecteur de l’alimentation méditerranéenne, déjà largement illustré par de nombreuses études d’observation. En contradiction ensuite avec les recommandations des principales sociétés savantes internationales, beaucoup plus tranchées que celles de la HAS dans notre pays : ainsi, les bénéfices de l’alimentation méditerranéenne sont soulignés par l’EASD (European Association for the Study of Diabetes) dans un référentiel daté de 2022 (avant la publication de CORDIOPREV), conduisant à une recommandation de niveau de preuve faible à modéré pour réduire le risque cardiovasculaire des patients avec un diabète de type 2 ; en janvier 2024, à l’occasion de l’actualisation annuelle de leurs recommandations, les experts de l’ADA (American Diabetes Association) ont quant à eux attribué un grade A pour la recommandation incitant à proposer un mode alimentaire méditerranéen ou d’inspiration méditerranéenne aux patients vivant avec un diabète dans le but de réduire les événements cardiovasculaires ; la palme revient toutefois à l’ESC (European Society of Cardiology) qui, dans ses guidelines de 2023, octroie le plus haut niveau de preuve possible (classe 1, niveau A) à cette recommandation. Alors pourquoi ce décalage en France ? Pourquoi cette prudence excessive de la part des experts de la HAS alors que promouvoir un mode alimentaire d’inspiration méditerranéenne de façon plus affirmée auprès des cliniciens pour les patients vivant avec un diabète de type 2 permettrait à la fois de s’aligner sur les recommandations internationales et de favoriser la diffusion plus large d’une modification comportementale simple et efficace en matière de prévention cardiovasculaire et sans doute, plus largement, de santé ? Même si certaines critiques concernant l’alimentation méditerranéenne sont tout à fait recevables (difficultés d’adoption dans certaines régions ou cultures, accessibilité et coût des aliments, temps de préparation des aliments non ou peu transformés peu compatible avec le rythme effréné de la vie moderne… mais aussi absence de données permettant la généralisation des résultats de PREDIMED et CORDIOPREV à des populations non originaires de l’Europe du Sud), cela reste difficile à comprendre… Il reste simplement à espérer que la HAS ne mettra pas onze ans à rectifier le tir cette fois-ci. 

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