Publié le 31 jan 2012Lecture 6 min
L’accompagnement du patient : quelle régulation ?
B. CHARBONNEL, Université de Nantes
Depuis la loi HPST, l’éducation thérapeutique du patient « à la française » résulte de la coexistence de plusieurs modalités opérationnelles concourant peu ou prou à couvrir le domaine entendu sur le plan international sous le vocable usuel d’ « éducation thérapeutique ».
L’éducation thérapeutique « à la française »
Il y a d’un côté l’éducation thérapeutique médicalisée, et c’est ce qu’on entend désormais en France, du moins du point de vue réglementaire, par « éducation thérapeutique » stricto sensu. Les décrets d’application de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) ont bien encadré les modalités d’autorisation des programmes d’éducation thérapeutique ainsi définie, et la procédure d’autorisation a été mise en place sans trop de difficultés par les différentes Agences régionales de santé (ARS) au cours de l’année 2010. Il y a désormais en France de nombreux programmes d’éducation thérapeutique officiellement autorisés, avec un financement public (via les missions d’intérêt général, MIG) dans les établissements hospitaliers, avec une incertitude de financement pour les programmes autorisés en dehors des établissements hospitaliers.
Il y a d’un autre côté les programmes d’apprentissage, dont les modalités d’autorisation sont également assez précises.
Il y a enfin « l’accompagnement du patient », qui se distingue de l’éducation thérapeutique stricto sensu (définie par sa médicalisation) par le fait qu’il n’est pas nécessairement médicalisé. Il recouvre donc un champ opérationnel beaucoup plus large. Il n’existe actuellement aucun texte pour en fixer les régulations, sauf un rapport remis au ministre sur sa demande, par les mêmes signataires (Dominique Bertrand, Bernard Charbonnel, Christian Saout) que le rapport initial qui avait posé les bases dans le domaine de l’éducation thérapeutique de la loi HPST. Ce rapport sur l’accompagnement du patient est actuellement à l’étude dans les cabinets du ministère…
Des pistes pour l’accompagnement du patient
Voici quelques pistes proposées par ce rapport, sans savoir à vrai dire quelle suite lui sera donnée :
- Il n’apparaît pas souhaitable de modifier les définitions ci-dessus qui cependant recèlent quelques difficultés d’application pour les actions d’accompagnement.
- Il n’y a pas de réelle difficulté lorsque les actions d’accompagnement s’inscrivent dans un programme d’éducation thérapeutique médicalisée, autorisé par l’ARS. Il existe une rubrique dans le dossier d’autorisation pour décrire l’action d’accompagnement qui vient enrichir le programme sans soulever de questions quant à l’autorisation qui reste celle du programme pris dans son ensemble.
- La difficulté d’application existe pour les actions d’accompagnement autonomes, distinctes d’un programme d’éducation thérapeutique médicalisée soumis à autorisation.
- L’article L 1161-3 de la loi HPST indique que les actions d’accompagnement « font partie de l’éducation thérapeutique » et cet article, rédigé à l’époque par les parlementaires, est source d’importantes difficultés juridiques dès lors que l’action d’accompagnement ne s’inscrit pas dans un programme d’éducation thérapeutique médicalisée soumis à autorisation. La question d’abroger cet article, ou de le rédiger différemment, est soulevée mais il est improbable que ce point précis de la loi HPST retourne à court terme devant le parlement.
- Dès lors que l’article en question subsiste en l’état, il convient d’élaborer une typologie des actions d’accompagnement des patients reposant sur une catégorisation en fonction des acteurs.
La loi HPST définit ainsi les actions d’accompagnement : « elles ont pour objet d’apporter une assistance et un soutien aux malades, ou à leur entourage, dans la prise en charge de la maladie ». Autant dire que, rapportée par exemple à une association de patients, cette définition englobe parfois la quasi-totalité de son activité et que, appliquée aux promoteurs potentiels de ces actions, il convient de n’exclure aucun acteur. Ce sont alors des actions très différentes qui sont embrassées par la même définition. Pour en donner une idée, relèveraient du même périmètre le programme Sophia de la Caisse nationale d’assurance maladie, qui touche des milliers de personnes, aussi bien que des séances de renforcement de capacité des patients face à la maladie proposées par une association à quelques dizaines de personnes, trois fois l’an, par le moyen de l’auto-support…
Compte tenu des difficultés à limiter la portée de la notion d’accompagnement, il convient sans doute, du point de vue réglementaire, de s’en tenir à une typologie par nature d’acteurs.
- Une piste pour catégoriser les actions d’accompagnement par nature d’acteurs pourrait être de distinguer : les actions de l’Assurance maladie, les actions des organismes de protection complémentaire, les actions des associations, les actions des entreprises (compagnies pharmaceutiques, prestataires de services d’aide à la personne, prestataires de services de soins à domicile, prestataires de télé-santé, y compris les réseaux sociaux, etc.), sans que cette liste ne soit exclusive.
- Un cahier des charges devra être publié, à la fois large pour recouvrir tous les champs, assurant le respect de règles prudentielles, et minimal ou du moins très général pour assurer la souplesse indispensable au développement des actions d’accompagnement.
- Mais ce cahier des charges ne peut constituer à lui seul, une régulation suffisante à prévenir les dérives marchandes, sectaires et éthiques que la mission a identifiées. C’est la raison pour laquelle il est proposé un régime d’enregistrement de ces actions de façon à ce que la puissance publique ait une idée plus exacte de ce qui se fait sous couvert d’action d’accompagnement. À charge pour elle de décider ce qu’elle choisira ensuite de soutenir financièrement, seule ou avec d’autres partenaires. Cette solution souple permet de soutenir le développement des actions d’accompagnement tout en restant vigilant sur la qualité de ces actions, et le respect du cahier des charges général, le citoyen n’étant pas de son côté dénué de solutions pour alerter ou saisir les autorités administratives et judiciaires en cas de dérives, ce dont il doit être informé dans tous les documents relatifs à l’action.
En ce qui concerne le financement public, il est apparu que ces actions, dans le cadre des ressources contraintes actuelles, devaient être soutenues dans le cadre des allocations budgétaires des ARS qui sont le lieu naturel du mixage des financements des actions de santé.
Concernant les financements privés, ils ne sont possibles que dans le cadre des contraintes fixées par la loi : prohibition du contact direct et interdiction d’élaborer et de mettre en œuvre les actions d’accompagnement, pour une entreprise exploitant un médicament ou des personnes responsables de la mise sur le marché d’un dispositif médical. Il appartient alors à ces entreprises de décider librement d’user de cette possibilité d’un financement des actions d’accompagnement, mais en passant probablement par le truchement d’un organisme placé entre elles et l’action d’accompagnement afin de respecter les limites fixées par la loi.
Enfin, la mission croit utile que l’ensemble du domaine bénéficie d’une gouvernance sous l’égide d’une seule instance, la Haute Autorité de Santé, ce qui devrait permettre une approche prospective et de suivi, dans le cadre d’une commission existante ou d’une commission ad hoc.
Conclusion
Voilà quelques pistes, pour éclairer un dossier protéiforme, d’une grande importance dans le champ général de l’éducation thérapeutique et complexe, du fait de son aspect protéiforme, en termes de financement et de régulation.
L’avenir dira si une régulation, à la fois éthique et souple, se met ou non en place.
Aux acteurs intéressés par ce champ en train de s’organiser, de l’éducation thérapeutique des maladies chroniques et de l’accompagnement du patient, de se mobiliser pour faire avancer les choses dans la bonne direction.
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