Publié le 25 oct 2022Lecture 2 min
Sciences et politique, quelle frontière ?
Pierre-Yves BENHAMOU, CHU de Grenoble
Tout est politique, disait un célèbre philosophe. Vraiment ? La science aussi ? En 2022, accepter de reviewer un article pour la revue The Lancet suppose de répondre au préalable à trois questions destinées à garantir un processus inclusif, équitable et respectant la diversité.
La première question (vous identifiez-vous le plus au genre féminin, masculin, ou non binaire ?) est désormais passée dans les mœurs, mais interroge d’emblée sur sa pertinence par rapport au processus de reviewing. La seconde question (quelle est votre origine ethnique, sélectionnez la région géographique du monde d’où vos ancêtres provenaient « à l’origine » ?) est plus déstabilisante, si vous considérez, d’une part, qu’un grand nombre de nos frères humains ne sont pas « des imbéciles heureux qui sont nés quelque part », comme disait le poète (pour ce qui me concerne, il m’est difficile de remonter au-delà de 1870), et si vous envisagez, d’autre part, que le brassage ethnique, bien démontré par la génétique des populations, rend cette question scientifiquement discutable. La troisième question (comment vous identifiez-vous en termes de race ?) est à l’avenant, mais tout aussi intrusive.
Dois-je décliner les tréfonds de mon identité pour entreprendre une mission scientifique ? Paradoxal, à l’heure où d’aucuns voudraient au contraire imposer le CV anonyme, non sans raison. Fidèles à l’esprit de tolérance apparente bien dans l’air du temps, les éditeurs du Lancet nous laissent encore la possibilité de botter en touche et de voter blanc (si j’ose dire). Mais pour combien de temps ? Ce processus imposé aujourd’hui aux reviewers ne s’appliquera-t-il pas demain aux auteurs ? À quand une discrimination positive dans le monde de la publication scientifique ? Mais, à l’inverse, comment qualifierai-je cette démarche si la revue The Lancet rapporte qu’en 2022, la majorité des publications sont reviewées par des hommes blancs occidentaux, contribuant à un entre-soi verrouillé et sclérosé ? J’applaudirai volontiers si ce processus aboutit à diversifier les points de vue et, finalement, à faire progresser la connaissance.
Alors, la science doit-elle être dans l’air du temps ? À condition que l’ouverture à l’écho du monde contribue à son épanouissement.
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