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Éducation-Législation

Publié le 15 déc 2017Lecture 7 min

Les déterminants réglementaires de l’aptitude médicale à la conduite professionnelle de trains, bateaux, aéronefs

Brice LODDÉ, Université de Brest ; EA 4324 ORPHY, Brest ; Service de santé au travail et maladies liées à l’environnement, CHRU du Morvan, Brest

Des questionnements reviennent très fréquemment lors des consultations de diabétologie à savoir quels sont les textes qui régissent la conduite de trains, bateaux ou aéronefs et dans quel cadre ils sont appliqués. À titre d’exemple, un diabétique peut-il actuellement piloter un avion en regard de la législation sur cette aptitude médicale spécifique ?
C’est ce que nous allons voir dans cet article. Nous envisagerons également les expositions professionnelles qui peuvent être à l’origine de l’apparition d’un diabète sucré. Enfin, nous dresserons un état des lieux de la réglementation actuelle qui sera sans nul doute amenée à évoluer.

Conduite professionnelle civile de trains Concernant l’aptitude physique (qui est distinguée de l’aptitude psychique dans le secteur ferroviaire), le médecin agréé qui réalisera l’examen du conducteur de train a pour référence l’arrêté du 17 juillet 2015 portant modification de l’arrêté du 6 août 2010 relatif à la certification des conducteurs de train qui fixe des conditions générales à remplir par l’intéressé s’il veut se voir déterminé physiquement apte à cette conduite. À la lecture de ce texte, il est précisé qu’en dehors des conditions spécifiques… concernant les fonctions sensorielles, le conducteur de train sur le réseau ferroviaire doit être exempt d’affections susceptibles d’altérer la vigilance, la concentration et le comportement. Pour vérifier l’aptitude physique du conducteur de train, le médecin se prononcera au cas par cas, à partir de la liste ci-dessous, en fonction de l’état de santé du conducteur, des progrès de la thérapeutique et, au besoin, après avis spécialisé […] sur le diabète traité par insuline ou par sulfamides hypoglycémiants… Ce qui revient à dire que le médecin chargé de cette aptitude peut, certes, prendre sa décision seul en regard de l’atteinte du conducteur mais aussi demander l’avis d’un diabétologue. La détermination finale de cette aptitude lui reviendra de toute manière. Cependant, cet arrêté laisse apparaître qu’il s’agit d’une affection qui demande à être considérée comme supposément invalidante pour la conduite de trains. Conduite professionnelle civile de bateaux Lorsqu’un candidat souhaite obtenir le permis de conduire un bateau de plaisance à moteur, il faudra qu’il se forme, passe et valide un examen en parallèle d’une détention d’un certificat médical attestant qu’il ne présente pas de contre-indication médicale à cette conduite. Le conducteur professionnel (civil) de bateaux (figure) est suivi par le médecin des gens de mer du quartier maritime dont il dépend. Ce médecin des gens de mer détermine son aptitude médicale selon sa fonction à bord et son type de navigation. À ce titre, une visite d’aptitude médicale à la navigation est requise : – avant l’accès à la profession de marin ; – avant le premier embarquement ; – avant toute entrée en formation maritime ; – avant l’expiration du certificat d’aptitude médicale (antérieur) et lors de certaines reprises du travail (après un arrêt de travail de plus de 30 jours par exemple). Figure. Poste de conduite d’un bateau (passerelle). Si la plupart des éléments réglementaires figurent dans le code des transports, concernant le diabète, le médecin des gens de mer se réfère au décret n° 2015-1575 du 3 décembre 2015 relatif à la santé et à l’aptitude médicale à la navigation où il est mentionné que : – le diabète insulinodépendant entraîne l’inaptitude médicale à l’entrée dans la profession de marin et à la navigation ; – les sujets atteints de diabète non insulinodépendant, non compliqué, correctement équilibrés par le régime alimentaire seul ou associé à un traitement oral et ayant une bonne compréhension du traitement font l’objet d’une décision particulière prenant en compte la nature du traitement, les résultats des examens biologiques, la navigation pratiquée et les fonctions exercées à bord ; – le diabète non équilibré, compliqué ou évolutif entraîne l’inaptitude temporaire ou définitive à la navigation ; – le diabète non insulinodépendant n’est pas compatible avec la navigation au long cours. Ainsi, peu ou pas de diabétiques accéderont à l’exercice de marin professionnel, non seulement en France mais dans de nombreux pays car une convention internationale datant de 2006 (Convention de Manille) rappelle également ces contre-indications. Conduite professionnelle civile d’aéronef Dans l’aviation civile, le pilote doit avoir une licence de vol qui est sous-tendue par une aptitude médicale. En effet, selon l’arrêté du 27 janvier 2005 (relatif à l’aptitude physique et mentale du personnel navigant technique de l’aéronautique civile) modifié par l’arrêté du 6 juin 2010, le détenteur d’un certificat médical doit être mentalement et physiquement apte à exercer en toute sécurité les privilèges de la licence correspondante. • Nécessité d’un certificat médical : pour demander une licence de personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile ou en exercer les privilèges, le candidat ou le titulaire de cette licence doit détenir un certificat médical de classe 1 valide et délivré en conformité avec les dispositions de la présente annexe FCL 3. Ce certificat médical de classe 1 vaut le certificat médical de classe 2 requis pour demander une licence de personnel navigant non professionnel ou en exercer les privilèges. • Information du candidat : à l’issue de l’examen médical, le candidat doit être informé de la décision d’aptitude ou d’inaptitude. En cas d’inaptitude, le candidat est informé de son droit de contester cette décision d’inaptitude devant le CMAC. Il est en outre informé, le cas échéant, de la nécessité de porter son cas devant le CMAC pour obtenir une dérogation aux normes médicales fixées à la présente annexe. Il doit être informé de toutes les conditions médicales ou opérationnelles susceptibles de restreindre les privilèges afférents à la licence délivrée ou d’avoir des incidences sur le contenu ou les modalités de sa formation. Un bilan biologique comportant notamment la détermination des taux sanguins, du cholestérol et du glucose est pratiqué lors de l’examen d’admission. Il est renouvelé au moins tous les cinq ans jusqu’à la quarantième année du candidat et tous les deux ans par la suite. Les troubles du métabolisme, de la nutrition et des glandes endocrines peuvent entraîner l’inaptitude temporaire ou définitive selon qu’ils constituent ou non en état passager. Lors de l’examen d’admission, l’existence d’un diabète sucré caractérisé entraîne l’inaptitude. Les cas de diabète sucré caractérisé, constaté lors d’un examen révisionnel et que le navigant peut incontestablement contrôler sans l’administration d’une substance antidiabétique, peuvent ne pas entraîner l’inaptitude. Le candidat ne doit pas présenter de maladie métabolique, nutritionnelle ou endocrinienne, fonctionnelle ou organique, susceptible d’interférer sur l’exercice en toute sécurité des privilèges de la ou des licences concernées. Le candidat présentant des dysfonctionnements métaboliques, nutritionnels ou endocriniens peut être déclaré apte par le CMAC si les conditions du paragraphe 1, appendice 4, de la sous-partie B sont satisfaites. Le candidat atteint de diabète sucré ne peut être déclaré apte que s’il remplit les conditions édictées dans les paragraphes 2 et 3 de l’appendice 4 de la sous-partie B. Le diabète insulinodépendant entraîne l’inaptitude. Le candidat dont l’index de masse corporelle est supérieur ou égal à 35 peut être déclaré apte seulement si l’excès de poids n’est pas susceptible d’interférer sur l’exercice en toute sécurité des privilèges de la licence et si un examen des risques cardiovasculaires a été effectué et a été jugé satisfaisant (voir FCL 3.200). Là encore, il existe des textes très restrictifs ne laissant que peu de place aux diabétiques dans le cadre de la conduite d’aéronefs. Le conseil que l’on peut donner aux jeunes patients diabétiques de type 1 est donc de ne pas se lancer dans ce type de carrière sous peine de se voir déclarés médicalement inaptes à la conduite d’aéronefs et cela, même s’ils sont en capacité de suivre la formation théorique. Conduite, diabète et causes professionnelles Plusieurs causes existent ou coexistent dans la genèse de la maladie diabétique et l’étiologie professionnelle est à ne pas oublier. En effet, agissant comme facteurs de risque ou en tant que cofacteurs de risque, le travail en horaires alternant dans le nycthémère, le travail de nuit ou encore une exposition à certains perturbateurs endocriniens peuvent favoriser l’apparition de diabète sucré. Ainsi, un conducteur professionnel de nuit qui développe une maladie métabolique peut être déclaré inapte à la conduite et perdre son emploi du fait de ses propres conditions de travail devenues pathogènes. On comprend alors l’intérêt de la prévention primaire face à ces risques et le bénéfice que les conducteurs peuvent en tirer. Conclusion En regard de cette synthèse réglementaire concernant la maladie diabétique et les aptitudes médicales à la conduite ou à des activités nécessitant de la conduite, force est de constater que très peu de patients atteints passent actuellement le couperet de la visite médicale, a fortiori s’il s’agit d’un diabète sucré de type 1. Ainsi, les carrières militaires, la conduite civile de navires, d’aéronefs ou encore la conduite de poids-lourds sont (pour l’instant) à déconseiller chez ces patients. Ces derniers peuvent, à ce titre, très mal vivre cette maladie diabétique puisqu’ils en ont la double peine, à savoir être atteints de façon chronique et ne pas pouvoir travailler ou réaliser certaines activités du fait de cette même maladie. Néanmoins, la réglementation évolue et évoluera sans doute dans le sens d’une diminution des restrictions médicales dès lors que des progrès thérapeutiques permettront de mieux contrôler la maladie et d’en diminuer les complications. L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

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