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Nutrition

Publié le 31 mai 2010Lecture 6 min

Diabète et Ramadan

M. LÉVY, Service de diabétologie-endocrinologie, Hôpital Max Fourestier, Nanterre

La prise en charge du diabète durant le ramadan a été radicalement modifiée, ces dernières années, du moins pour les diabétiques de type 1, par la mise à disposition des analogues lents de l’insuline.

Le contexte Qu’est ce que le ramadan ? Le ramadan correspond au 9e mois de l’année islamique. L’observation du ramadan est l’un des 5 piliers de l’Islam et constitue une obligation religieuse. La période du ramadan se caractérise par l’obligation d’abstinence de l’aube au coucher du soleil. Il est interdit de manger, boire, de fumer et d’avoir des relations sexuelles.   Ce que dit le Coran Le jeûne est une obligation durant la journée, sauf dans certains cas particuliers : les enfants prépubères, la femme enceinte ou allaitant, les malades, les personnes souffrant de troubles mentaux. La dispense du jeûne a un caractère circonstanciel et limité dans le temps. C’est un report de date au cours de l’année ; les jours de non-jeûne doivent être rattrapés ultérieurement (en cas de maladie passagère, périodes menstruelles chez les femmes). Ceux qui ne peuvent récupérer doivent s’acquitter de l’aumône correspondant à la nourriture du pauvre.   Le contexte psychologique Pour ceux qui ne font pas le ramadan, un sentiment d’exclusion peut être ressenti parce que le ramadan est signe de revendication d’une identité communautaire, quitte à renier leur diabète. Le ramadan a pour but d’améliorer l’homme dans son ensemble, c’est-à-dire sur le plan spirituel, relationnel et physique. Le ramadan est aussi décrit comme une école de solidarité et d’humilité pour les musulmans. En effet, il brise leur routine face aux repas. La sensation de faim est présente surtout les premiers jours et donc leur rappelle aussi qu’actuellement des millions de personnes meurent de faim dans le monde. C’est le moyen de remercier Allah de les nourrir tous les jours, avant même qu’ils n’aient faim. C’est aussi un moment privilégié pour l’individu, sa famille, sa communauté, sa société, surtout les soirs de ce mois. Ce mois est très attendu en raison de l’ambiance qui règne, le resserrement des liens amicaux, fraternels et familiaux en plus de la relation qui se fait avec le créateur. Tout le monde se retrouve, sans retard, autour de la table familiale. À la joie qui suit la rupture du jeûne, s’ajoute la joie d’être ensemble, en famille ou avec des amis. C’est cette ambiance exceptionnelle qui fait que, même ceux qui n’ont pas le devoir de jeûner, souhaitent fortement participer au jeûne qui unit les croyants.   Ce qui se passe durant le ramadan Outre le problème posé par le jeûne, la modification de l’alimentation durant cette période et les repas festifs entraînent, pour les diabétiques, des difficultés supplémentaires. Traditionnellement, les repas se décomposent de la façon suivante : – avant le début du jeûne, la plupart des pratiquants absorbent un petit-déjeuner ; – à la rupture du jeûne, et selon l’heure et les habitudes familiales, une collation ou un repas sont pris ; – certaines familles, plus tard dans la soirée, dînent à nouveau. Nous avons évalué les apports possibles pour une journée (encadré 1). Les apports caloriques peuvent atteindre plus de 5 000 calories chez les hommes et près de 4 000 calories chez les femmes. L’apport énergétique total est estimé à 5 300 kcal avec une répartition de 13 % de protides, 36 % de lipides et 51 % de glucides.   Les recommandations   Dans certains cas où il est impossible de modifier le traitement, le jeûne est impossible. Contre-indications absolues Le jeûne est contre-indiqué en raison de sa nocivité potentielle pour le patient (ou son bébé) : - diabète de type 2 insulinotraité avec une insulinothérapie faite de 2 injections ou plus, hors basal-bolus (risque d’hypoglycémies) ; - diabète et grossesse (risque fœtal) ; - diabète gestationnel (risque fœtal) ; - diabète et allaitement (risque pour le bébé) ; - diabète de type 2 avec complications dégénératives qui justifient un équilibre glycémique parfait ; - diabète déséquilibré avec risque d’hyperosmolarité ; - diabète du 4e âge (risque d’hypoglycémie ou de déséquilibre) ; affection intercurrente. Ce qui est négociable : - diabète de type 1 bien équilibré traité par une pompe ou avec un schéma basal-bolus ; - diabète traité par l’insuline glargine avec antidiabétique oral (ADO) ou insuline rapide ; - diabète déséquilibré, lorsque le patient est prêt à majorer sa surveillance et à adapter son traitement. Il est donc tout à fait possible, si les modifications sont anticipées, de laisser jeûner un patient traité par 2 injections de semi-lentes, si préalablement avant le début du jeûne, il a modifié son traitement en passant par exemple à un schéma basal-bolus.   La surveillance Bien entendu, durant cette période, une surveillance est obligatoire : • autosurveillance glycémique en cas de malaise, en postprandial et, si possible, le matin, cela surtout si des modifications thérapeutiques ont été effectuées ; • éviter une prise de poids trop importante, générée par les excès du soir.   Critères d’arrêt du jeûne Les règles doivent être établies dès le départ avec les patients. Le jeûne doit être stoppé en cas d’hypoglycémie dans la journée, de pathologie intercurrente et de déséquilibre glycémique important.   Les adaptations thérapeutiques   Selon les traitements, certains aménagements doivent être effectués, chez les patients qui jeûnent.   Diabète de type 1 sous basal-bolus ou pompe • garder la basale ou les débits de base à l’identique ; • faire les bolus, en fonction du contenu du repas au moment de celui-ci.   Diabète de type 2 • Régime seul : RAS. • Biguanides ou glitazones seuls : prise du midi supprimée ou prise la nuit. • Traitement par sulfamides : – inversion et réduction de la posologie ; – si possible, remplacement du sulfamide par un glinide (1 repas, 1 prise). • Insuline bed time + ADO : – diminuer les sulfamides (cf plus haut) ou les remplacer par un glinide ; supprimer la prise du midi pour tous les ADO ; – pour l’insuline : adapter la posologie comme habituellement. • Traitement associant un inhibiteur des DPP-4 : ne rien faire s’il y a association avec la metformine, diminuer le sulfamide (cf plus haut) s’il existe. • Traitement par un analogue du GLP1, même attitude. Les deux dernières attitudes ne sont pas validées, l’introduction de ces traitements étant toute récente.   Les adaptations diététiques   • Prise alimentaire progressive et modérée, aussi bien sur le plan calorique que sur le plan lipidique. • Faire des recettes plus « allégées » (pas moins goûteuses pour autant). • Supprimer les sodas, consommer davantage d’eau. • Thés à la menthe ou cafés au lait sans sucre (avec de l’aspartam éventuellement). • Consommer davantage de légumes verts avec des assaisonnements légers sans matière grasse cuite. • Éviter le grignotage, ne pas se resservir. • Continuer à avoir une activité physique quotidienne (marche, bicyclette).   En pratique   Anticiper les problèmes, discuter lors de la consultation qui précède le début du ramadan, afin d’avoir le temps de modifier les traitements. Utiliser si besoin, les versets du Coran (encadré 2) pour argumenter sa démarche. Ceux-ci traitent des circonstances pouvant amener à ne pas jeûner, mais aussi à limiter les excès alimentaires. Négocier en reformulant les objectifs et obtenir une surveillance glycémique pour évaluer les modifications thérapeutiques. Se faire aider par la famille. En cas de refus du patient, en cas de traitement insulinique : - négocier un changement de traitement avec un renforcement de l’autosurveillance ; - remplacer les deux injections de NPH par une glargine ou détémir le soir et faire un analogue rapide avec chaque repas ou collation.

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