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Cardio-diabétologie

Publié le 09 oct 2024Lecture 4 min

Repenser la classification du syndrome cardio-rénal : une nécessité clinique et scientifique

Nans FLORENS, Nouvel Hôpital Civil - Hôpitaux universitaires de Strasbourg

Depuis une quinzaine d’années, la classification en 5 sous-types du syndrome cardio-rénal (SCR) a structuré les discussions cliniques autour des interactions complexes entre le cœur et les reins. Cette classification, proposée par Ronco et al. en 2008(1), a certainement permis une meilleure visibilité de ces interactions, mais elle est aujourd'hui remise en question par de nombreux experts. Des travaux récents soulignent les limites de cette approche, appelant à une redéfinition conceptuelle pour mieux répondre aux besoins de la pratique clinique et de la recherche.

Une classification obsolète et incomplète La classification en cinq stades du SCR repose sur la chronologie de l’atteinte des organes, distinguant des sous-types selon que l’insuffisance cardiaque ou rénale est aiguë ou chronique. Si cette approche a permis de mieux formaliser les interactions entre ces deux organes, elle est critiquée pour son manque de pertinence en pratique clinique. En effet, la distinction entre certaines catégories, comme les atteintes aiguës de type I et III, est souvent difficile à établir. Dans la pratique, il est rarement possible de déterminer lequel des deux organes — cœur ou rein — a dysfonctionné en premier. De plus, comme l’ont souligné de nombreux cliniciens, les stratégies thérapeutiques restent identiques dans ces deux cas, rendant cette distinction quasi inutile. Les critiques les plus percutantes viennent des récentes publications qui remettent en cause le bien-fondé de cette classification, notamment celle de Zoccali et al.(2). Ces auteurs proposent d’abandonner la chronologie comme critère principal de la classification pour se concentrer sur une approche plus globale, intégrant les interactions bidirectionnelles et simultanées entre le cœur et le rein. Ils préconisent l’utilisation du terme de « désordre cardiovasculaire et rénal chronique » (CCKD) pour mieux refléter la nature continue et progressive des interactions pathologiques entre ces deux organes, souvent médiées par des facteurs communs tels que l’inflammation et la fibrose.   Fibrose et inflammation : les véritables moteurs du syndrome cardio-rénal L’une des principales critiques de la classification actuelle est qu’elle néglige les mécanismes physiopathologiques sous-jacents. Comme évoqué dans notre récente revue(3), la fibrose, conséquence d'une inflammation chronique et du stress oxydatif, joue un rôle central dans le SCR. Que ce soit dans le cadre d’une insuffisance cardiaque ou rénale, la fibrose se développe progressivement dans les tissus interstitiels des deux organes, entraînant une dysfonction irréversible. Cette fibrose est non seulement un marqueur de la progression de la maladie, mais également un moteur clé de la dégradation fonctionnelle. Cela est particulièrement vrai dans le contexte de maladies chroniques comme l’hypertension, le diabète, et l’obésité, où les deux organes subissent des dommages à long terme. Cette vision rejoint celle proposée par l'article du JACC paru très récemment(4), qui analyse l'impact de la progression de la maladie rénale sur les événements cardiovasculaires majeurs chez les patients atteints de diabète de type 2. Il y est démontré que la progression de la maladie rénale triple le risque d’événements cardiovasculaires majeurs, tout en quadruplant le risque de décès d’origine cardiaque. Inversement, la survenue d'événements cardiaques accélère la détérioration de la fonction rénale, renforçant l’idée que le cœur et les reins sont interdépendants et s'influencent mutuellement dans une dynamique bidirectionnelle.   Une approche unifiée pour le diagnostic et la prise en charge La notion d’« effet papillon », introduite par notre groupe(3), complète cette redéfinition des interactions cardio-rénales. Ce concept nouveau doit être intégré dans un cadre plus large où l’on reconnaît les multiples facteurs déclenchants et aggravants qui affectent simultanément le cœur et les reins. Les événements aigus, qu'ils soient cardiaques ou rénaux, laissent souvent des séquelles chroniques dans l’autre organe, même après une récupération apparente. La fibrose interstitielle dans les deux organes, résultant d'une lésion aiguë, s'installe insidieusement et compromet la fonction des organes à long terme. Les récents développements thérapeutiques, comme les inhibiteurs du SGLT2 et les agonistes GLP-1, offrent de nouvelles perspectives en freinant cette cascade pathologique. En ciblant directement les mécanismes sous-jacents de la fibrose et de l’inflammation, ces traitements promettent non seulement d'améliorer la fonction rénale et cardiaque, mais aussi de ralentir la progression des dommages interstitiels(2).   Perspectives cliniques et implications pratiques Les découvertes récentes suggèrent une redéfinition nécessaire du SCR en intégrant les mécanismes pathophysiologiques communs aux deux organes. Abandonner la classification chronologique rigide et reconnaître la fibrose comme le moteur central de la maladie permettrait de mieux adapter les traitements. Il devient ainsi essentiel d’adopter une approche unifiée de la prise en charge du SCR, en prenant en compte les interactions dynamiques entre les deux organes et en ciblant précocement les mécanismes inflammatoires et fibrotiques. L'article du JACC confirme que, pour améliorer le pronostic des patients atteints de maladies cardiaques et rénales, il est indispensable de traiter ces organes de manière conjointe. Les données épidémiologiques montrent que l’atteinte de l’un des organes prédit presque inévitablement une dégradation de l’autre. Cela renforce l’idée que les néphrologues et les cardiologues doivent travailler en étroite collaboration pour prévenir la progression du désordre cardiovasculaire et rénal.   En conclusion, la redéfinition du syndrome cardio-rénal en tant que désordre cardio-rénal chronique, intégrant l’effet papillon et la fibrose comme facteurs centraux, ouvre la voie à des stratégies thérapeutiques plus efficaces et mieux ciblées. La reconnaissance de ces mécanismes communs permettrait d’adapter les traitements dès les premiers signes de dysfonctionnement, améliorant ainsi la qualité de vie et le pronostic des patients.

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