Publié le 07 avr 2024Lecture 9 min
Repères nutritionnels : une aide pour les consommateurs à faire le juste choix alimentaire ?
Jean-Louis SCHLIENGER, Faculté de médecine, Université de Strasbourg
De nombreuses études observationnelles et quelques études d’intervention ont démontré que l’alimentation est un déterminant de santé majeur. Elles ont guidé les recommandations formulées par les sociétés savantes et les autorités de santé pour prévenir les maladies chroniques cardio-métaboliques ou néoplasiques. Divers outils ont été mis au point pour aider le consommateur à faire les bons choix face à une offre alimentaire débordante et un marketing offensif ne craignant pas de manipuler les informations nutritionnelles à leur avantage.
Les bases rationnelles permettant d’élaborer des évaluations et des recommandations diététiques sont assez fragiles et discutables. Fondées sur la teneur en nutriments (matières grasses, sucre ou sel), elles sont critiquables parce que l’intérêt d’un aliment ne se limite pas à la somme de ses nutriments. L’exemple du fromage est éloquent puisque sa consommation est souhaitable bien qu’il soit riche en graisses. C’est pourtant la démarche choisie par l’étiquetage nutritionnel ou la création de scores nutritionnels. Une autre façon consiste à caractériser les aliments par leur degré de transformation selon la classification NOVA qui regroupe les denrées alimentaires en catégories selon leur niveau de transformation. D’autres indications comme les allégations, les labels et les logos concourent à guider le choix alimentaire.
Information nutritionnelle
L’information nutritionnelle est obligatoire. Elle est présente au dos des aliments emballés (à l’exception des mono-ingrédients comme la farine, le sucre, le café ou les boissons alcooliques) sous la forme d’un tableau indiquant la valeur énergétique et les quantités de matières grasses, d’acides gras saturés, de glucides, de sucres, de protéines et de sel pour 100 g ou 100 ml de produit. Mention peut également être faite du taux de couverture des besoins d’un adulte pour un nutriment par la consommation de 100 g ou d’une portion (définie par le fabricant). Des informations complémentaires sont obligatoires lorsque le fabricant communique sur le bienfait d’un (micro)nutriment tel qu’oméga-3, minéraux, vitamines, fibres, etc. Pour de nombreux consommateurs, le tableau nutritionnel reste une information complexe ne fournissant pas une appréciation globale et simple de la qualité nutritionnelle d’un produit alimentaire.
Étiquettes nutritionnelles placées en face avant des aliments (Front-of-Pack Nutrition Labels)
Ces étiquettes non obligatoires sont des symboles apposés sur les aliments emballés afin d’alerter les consommateurs sur la teneur excessive des aliments en énergie, sucre, graisses (saturées) et sel ou pour les aider à identifier les aliments qui contiennent des nutriments positifs. Leur objectif principal est d’orienter d’un simple coup d’œil les consommateurs vers des choix alimentaires vertueux. Ces informations graphiques sont également utiles pour inciter les industriels à reformuler des produits, pour réglementer la publicité auprès des enfants, pour décider des allégations de santé et nutritionnelles et pour justifier la taxation de certains aliments(1,2).
Il existe deux types de symboles. Les uns sont spécifiques d’un ou plusieurs éléments nutritifs préoccupants en termes de santé publique et se basent sur des quantités journalières indicatives transformées en feux de signalisation (vert, orange, rouge) ou en avertissement (noir). Le deuxième type de symbole traduit la valeur nutritionnelle globale en prenant en compte le contenu énergétique et la composition nutritionnelle des aliments.
Un score d’évaluation élaboré par un algorithme traduit la valeur santé de l’aliment sous une forme numérique ou alphabétique. Il en est ainsi du score de qualité nutritionnelle « NutriScore » symbolisé par une lettre et une couleur : de A (vert foncé) pour un aliment de meilleure qualité nutritionnelle à E (orange foncé), pour un aliment dont la consommation est à limiter (figure 1). Il prend en compte certains nutriments et aliments favorables (fibres, protéines, fruits et légumes), l’énergie et les nutriments à réduire (calories, acides gras saturés, sucres et sel). Le consommateur peut aisément comparer plusieurs produits proches et choisir le produit le mieux noté. Le Nutri-Score élaboré par l’équipe de Serge Hercberg a fait la preuve de sa supériorité par rapport à d’autres logos en termes d’amélioration de la qualité nutritionnelle des paniers d’achat(3). Recommandé par les pouvoirs publics et plébiscité par les consommateurs, il est à ce jour facultatif et son apposition dépend du bon vouloir des fabricants dont certains préfèrent créer leur propre logo, ce qui brouille quelque peu les messages. La consommation d’aliments mal notés sur l’échelle Nutri-Score a été associée de façon prospective à un risque accru de maladies chroniques (cancer, maladies cardiovasculaires, syndrome métabolique, etc.). Des modifications significatives ont été apportées récemment à l’algorithme utilisé pour le Nutri-Score afin de renforcer sa pertinence nutritionnelle. L’adoption de ce score à l’échelle de la Communauté européenne pourrait contribuer à réduire l’incidence des maladies chroniques en incitant les consommateurs à choisir une alimentation de bonne qualité nutritionnelle. La France a officiellement adopté le Nutri-Score à 5 couleurs en octobre 2017 et a été suivie par la Belgique, l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas et le Luxembourg.
Figure 1. Le Nutri-Score est un logo apposé sur les emballages, qui note les produits de A, vert foncé, pour les plus favorables sur le plan nutritionnel, à E, orange foncé, pour les moins favorables.
À l’heure actuelle, d’innombrables logos de ce type ont été proposés, dont une trentaine ont été approuvés par des gouvernements. L’obligation d’apposer un logo de ce type est réglementairement interdite par l’Union européenne qui s’est engagée à mettre au point un logo harmonisé en dépit de l’opposition de certains industriels.
Important à noter : pour une alimentation saine, associez nutrition et naturalité. Évitez les aliments ultra-transformés (multiplicité d’étapes de transformation, additifs et ajouts d’éléments que l’on ne trouve pas dans une cuisine).
Aliments ultra-transformés (AUT)
Parmi d’autres la fermentation, le séchage ou le salage des aliments sont des techniques ancestrales de transformation des aliments qui appartiennent au patrimoine culinaire. Ce n’est que récemment que l’industrie agroalimentaire a développé des aliments transformés conçus pour répondre à l’attente des consommateurs en leur proposant d’une part des plats préparés ne nécessitant pas de préparation fastidieuse et, d’autre part, des aliments nouveaux plus agréables à manger ayant une durée de conservation prolongée grâce à l’ajout d’additifs. L’accent a été mis sur les propriétés organoleptiques et de texture plutôt que nutritionnelles. Ces aliments qui créent un espace sensoriel parfois addictif, notamment chez les plus jeunes consommateurs, cible privilégiée, ont des qualités nutritionnelles souvent discutables et un impact environnemental médiocre.
Le concept d’AUT a été mis sur le devant de la scène à la suite de données observationnelles suggérant que les aliments ayant subi des transformations avaient des effets potentiellement délétères sur la santé(4). Accueillis favorablement par les consommateurs, les AUT très présents dans les supermarchés (63 % des soupes, 73 % des plats préparés, 85 % des biscuits, 91 % des pains de mie, selon Open Food Facts) sont hyperénergétiques, sucrés, salés et gras. Parce que les consommateurs actuels en ingèrent des quantités de plus en plus importantes, il est légitime de les distinguer des autres aliments (figure 2). La classification « NOVA », proposée en 2010 par un groupe brésilien, regroupe les aliments selon leur degré de transformation (tableau 1)(5).
Figure 2. Proportion des aliments selon la classification NOVA dans l’alimentation des sujets ayant participé à l’enquête prospective française Nutrinet-Santé exprimée en termes de kcal (orange) ou en grammes (bleu) dans l’alimentation (d’après Delbras et al.[6]).
Cette classification a ses limites et devrait être affinée en différenciant l’ultra-formulation comportant un usage extensif d’ingrédients et d’additifs, des procédés permettant de bonifier un aliment. Une maîtrise accrue des procédés de transformation permettra probablement de réduire l’usage des ingrédients et des additifs qui sont les véritables pierres d’achoppement en termes de santé. Les recommandations du PNNS 2019-2023 ont fixé pour objectif de diminuer de 20 % la consommation d’aliments ultra-transformés.
Les épidémiologistes de la nutrition ont exploré les relations entre la consommation d’AUT, la qualité de l’alimentation ou la santé sur la base de la classification NOVA. Dans la cohorte française Nutrinet-Santé, 7 études incluant plus de 100 000 adultes ont mis en évidence des associations entre la consommation d’AUT et un risque accru d’obésité, de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires, de mortalité et de cancer(6). Ces résultats sont cohérents avec d’autres études épidémiologiques ou expérimentales(7).
Labels et logos alimentaires
Labels et logos sont des « marques de qualité » qui sont largement apposées sur les emballages dans le but de valoriser le produit et d’inciter à l’acheter. Il en est peu qui sont des gages de qualité certifiés par un organisme officiel (figure 3) :
– AB (Agriculture biologique) : garantit que 95 % des ingrédients sont issus de l’agriculture biologique. Le logo Agriculture biologique européenne a des règles de production un peu moins contraignantes en matière de filières animales ;
– AOC (Appellation d’origine contrôlée) : attribuée par décret et certifiée, elle garantit un produit originaire d’un pays, d’une région ou d’un terroir ayant des caractéristiques de savoir-faire et appartenant à une AOP ;
– AOP (Appellation d’origine protégée) : équivalent européen de l’AOC ;
– IGP (Indication géographique protégée) : plus facile à obtenir que l’AOC ou l’AOP, ce logo indique que le produit provient d’une zone géographique déterminée ;
– Label rouge : attribué par décret et certifié par un organisme officiel, il correspond au respect d’un cahier des charges rigoureux et est cumulable avec l’IGP ;
– Spécialité traditionnelle garantie (STG) : atteste qu’un produit alimentaire a été fabriqué selon une recette traditionnelle.
Figure 3. Les labels et logos certifiés : de gauche à droite et de haut en bas : IGP, AOC, AOP, STG, Label Rouge, Agriculture biologique et Agriculture biologique européenne.
Allégations
Les allégations nutritionnelles et de santé sont des mentions, images ou symboles destinés à valoriser les denrées alimentaires sur le plan nutritionnel ou de la santé. Depuis 2007, elles font l’objet d’une évaluation scientifique centralisée au niveau de l’Autorité européenne de sécurité des aliments et sont encadrées par le règlement (CE) no 1924/2006. Seules les allégations autorisées par cette procédure peuvent être utilisées selon le principe des listes positives. Les allégations nutritionnelles font référence à un apport énergétique ou à une teneur significative en un nutriment par rapport à l’apport journalier recommandé (exemples : « jus de fruits riche en vitamine C », « riche en calcium », « allégé en sucres »). Les allégations de santé font état de l’intérêt particulier d’un produit pour la santé, mais ne peuvent faire référence à des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d’une maladie. La plupart des allégations de santé portant sur les propriétés antioxydantes de substances ou de denrées alimentaires ont été rejetées tout comme celles concernant les microorganismes. La réglementation a pour but d’éviter la tromperie du consommateur, de préserver la pertinence nutritionnelle et de faire la chasse aux allégations imprécises. Les allégations ne devraient être attribuées que si le produit a un profil nutritionnel satisfaisant.
Conclusion
• L’aide au choix alimentaire s’est étoffée au cours de la dernière décennie. L’étiquetage nutritionnel, les étiquettes nutritionnelles apposées en face avant des aliments dont le logo Nutri-Score est la forme la plus aboutie, les logos et labels officiels et les allégations ont pour but d’aider le consommateur à faire le juste choix dans le cadre d’une alimentation de qualité préservant la santé et l’environnement. Des applications pour mobile comme Yuka, Kwalito ou Open Good Facts ont vu le jour pour compléter l’information santé en mettant l’accent sur les risques imputables aux additifs et aux AUT. Cet ensemble d’informations souvent accessibles d’un simple coup d’œil devrait faciliter l’accès à une alimentation saine optimale associant nutrition et naturalité qui repose sur trois piliers :
– privilégier les aliments de bonne qualité les mieux notés au Nutriscore ;
– éviter autant que possible les aliments ultra-transformés et les additifs non indispensables ;
– préférer par principe les aliments issus de l’agriculture biologique pour limiter l’exposition aux résidus de pesticides et protéger l’environnement.
• Il reste que la durabilité des modifications du comportement alimentaire n’est pas acquise, car l’aliment est un objet identitaire susceptible de satisfaire un espace sensoriel qui est souvent en contradiction avec les actions éducatives normatives.
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