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Épidémiologie

Publié le 29 avr 2020Lecture 13 min

SARS-CoV-2, COVID-19 et inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone

Léa CACOUB*, Patrice CACOUB**, * Hôpital Lariboisière, Paris, **Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

Le coronavirus, initialement appelé nCOV-2019 pour nouveau coronavirus 2019, puis rebaptisé SARS-CoV-2 est à l’origine d’une maladie appelée COVID-19 (Coronavirus Disease 2019) devenue une pandémie en quelques semaines. Le SARSCoV- 2 est un virus à ARN faisant partie de la famille des Coronaviridae, famille connue pour entraîner des infections respiratoires hautes chez les adultes. Il tient son nom de « Corona » en raison de sa structure en microscopie électronique en forme de couronne. D’autres Coronavirus ont conduit durant les deux dernières décennies à des épidémies. La première en 2002- 2003, due au SARS-CoV (Severe Acute Respiratory Syndrome), avait débuté en Chine et avait infecté plus de 8 000 personnes et fait plus de 700 morts. La deuxième liée au MERS-CoV (Middle-East Respiratory Syndrome), plus virulent, a sévi au Moyen-Orient entre 2012 et 2013, et avait infecté près de 3 000 personnes et fait près de 900 morts.

Les premières études épidémiologiques chinoises publiées après l’épidémie asiatique à SARSCoV- 2, ont mis en évidence un lien entre l’hypertension artérielle (HTA) et la morbimortalité liée au COVID-19. Wu et coll. ont rapporté un risque relatif à 1,7 pour la mortalité et à 1,82 pour les syndromes de détresse respiratoire aiguë (SDRA), dans une cohorte de 201 patients COVID- 19(1). Zhou et coll. ont objectivé un risque relatif de 3,05 pour la mortalité hospitalière, dans une cohorte de 191 patients(2). Aucune de ces études n’a donné de résultat en analyse multivariée, après ajustement sur les variables confondantes, ne permettant pas de déterminer si l’association constatée est liée à l’HTA elle-même, ou à une comorbidité (telle que l’âge) ou un traitement associé. L’hypothèse soulevée et beaucoup discutée, était qu’un des facteurs confondants pourrait être le traitement de l’HTA par un inhibiteur du système rénine-angiotensinealdostérone (SRAA), inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou inhibiteur du récepteur AT-1 à l’angiotensine II (ARA II). Cette hypothèse est née du lien déjà connu entre le SARS-CoV-1, responsable de l’épidémie de SRAS (severe respiratory adult syndrome) en 2003, et l’enzyme ACE2 (angioconvertase de type 2) impliquée dans le SRAA. L’ACE2, en tant que récepteur membranaire des virus SARS-CoV-1 et 2, participerait à leur rôle pathogène(3,4). L’effet chez l’homme des inhibiteurs du SRAA sur cette ACE2 est mal connu ; il est donc difficile de savoir si la poursuite du traitement par inhibiteur du SRAA peut avoir un effet délétère ou bénéfique chez les patients COVID-19. Il est important de noter que chez les patients chinois des études épidémiologiques, seulement 30 à 40 % des hypertendus étaient traités, et parmi eux seuls 25 à 30 % recevaient des inhibiteurs du SRAA(1,2). La proportion des patients chinois hypertendus COVID-19 traités avec des inhibiteurs du SRAA devait donc être très faible. Dans cette revue, nous allons replacer les liens entre SARSCoV- 2, COVID-19 et inhibiteurs du SRAA à partir des éléments connus et publiés, pour essayer d’avoir une vision globale et en tirer des conclusions pratiques. Rappel de physiologie : SRAA et action des médicaments Le SRAA est un système clé de la régulation de la volémie chez l’homme. Ce système est activé par un trigger, la baisse de la pression de perfusion rénale, qui déclenche la sécrétion de rénine par l’appareil juxta-glomérulaire. La rénine catalyse la transformation de l’angiotensinogène en angiotensine I. Puis, l’angiotensine I se transforme en angiotensine II au niveau du poumon, sous l’action de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE1) (figure 1). Certaines enzymes (cathepsine G et t-PA) permettent le passage direct de l’angiotensinogène à l’angiotensine II, et d’autres enzymes (chymases, CAGE) jouent le même rôle que l’ACE1. Ces voies « non- ACE » semblent impliquées dans 40 % de la synthèse de l’angiotensine II. In fine, l’angiotensine II entraîne une augmentation de la volémie et de la pression artérielle via de nombreux mécanismes : stimulation de la vasoconstriction des artérioles (directe et indirecte, via le relargage de noradrénaline), provoquant une augmentation des résistances périphériques et le maintien de la filtration glomérulaire ; hyperplasie et hypertrophie vasculaire ; stimulation de la réabsorption tubulaire de sodium ; sécrétion d’aldostérone (action sur la pompe sodium-potassium, entraînant une baisse du potassium, une augmentation du sodium, et une augmentation de la pression artérielle) ; stimulation de la sécrétion de vasopressine (hormone antidiurétique ou ADH) qui limite la perte d’eau urinaire ; et stimulation de la sensation de soif augmentant le volume sanguin et donc la pression artérielle. L’angiotensine II stimule la sécrétion d’aldostérone par la cortico-surrénale via sa fixation sur les récepteurs de type AT1 (AT1-R). Le récepteur AT2, plus rare, n’est pas inhibé par les traitements antagonistes du récepteur de l’angiotensine II. Il est responsable de vasodilatation, d’inhibition de croissance cellulaire et d’apoptose. Il existe un rétrocontrôle négatif du SRAA, d’une part, en abaissant la sécrétion de rénine lorsque la pression de perfusion de l’appareil juxta - glomérulaire augmente, et d’autre part, via l’aldostérone qui régule l’expression du canal ENaC et de la pompe sodium-potassium dans le tube distal. Une autre enzyme de conversion de l’angiotensine a été découverte en l’an 2000, appelée AngioConvertase de type 2 (ACE2), dont l’expression est restreinte aux reins, au coeur, aux testicules et aux pneumocytes de type II, et dont le rôle est encore incomplètement élucidé(5,6). Comme l’ACE1, l’ACE2 est une carboxypeptidase, mais elle ne permet l’élimination que d’un seul acide aminé de l’angiotensine I pour donner naissance à l’angiotensine 1-9. Cette dernière ne peut être convertie en angiotensine II par l’ACE2 mais peut être convertie par l’ACE1 en angiotensine 1- 7, aux propriétés vasodilatatrices. L’ACE2 peut également produire l’angiotensine 1-7 en utilisant l’angiotensine II comme substrat (figure 1). L’ACE2 agit de façon opposée à l’aldostérone. Après sa fixation sur les récepteurs de type Mas des cellules du lit vasculaire, l’angiotensine 1-7 a un effet vasodilatateur, anti-inflammatoire, antifibrotique, antihypertrophique et antioxydant. Ainsi, le couple ACE2/angiotensine 1-7 apparaît comme un élément essentiel de la contre-régulation des actions du couple ACE/angiotensine II. Figure 1. Rôle des angioconvertases de type 1 et 2 dans le système rénine-angiotensine-aldostérone. L’angiotensinogène se transforme en angiotensine I sous l’effet de la rénine. L’angiotensine I peut donner de l’angiotensine II sous l’effet de l’ACE, ou de l’angiotensine 1-9 sous l’action de l’ACE2. L’angiotensine II se transforme en angiotensine 1-7 sous l’effet de l’ACE2. Et l’angiotensine 1-9 peut également donner de l’angiotensine 1-7 sous l’action de l’ACE. Interactions entre SARS-CoV-2 et son récepteur ACE2 La liaison et l’entrée de certains coronavirus, SARS-CoV et SARSCoV- 2, dans les cellules humaines sont facilitées par l’interaction entre une partie du virus (domaine de liaison au récepteur de la sous-unité S1 sur la spicule virale glycoprotéique) et l’ectodomaine de l’ACE2(7). Après son entrée par endocytose, l’ACE2 couplée à la particule virale en endosomes réduit l’expression de l’ACE2 à la surface de la cellule infectée. Ceci représente une première attaque contre le système de protection tissulaire médié par l’ACE2. Les voies de rétrocontrôle activées pour diminuer l’expression d’ACE2 après le processus d’endocytose initial concourent aux dommages tissulaires et au déséquilibre du SRAA créé par le SARS-CoV-2. L’entrée du virus dans la cellule hôte est facilitée par l’activité de deux protéases ADAM17 et TMPRSS2. L’ADAM17 est régulée à la hausse par le virus, et contribue à la perte d’ACE2 à la surface des cellules, donc à une diminution de l’effet protecteur de l’axe ACE2/angiotensine 1-7/Mas récepteur et à une accumulation d’angiotensine II (figures 2 et 3). Figure 2. Interaction entre le SARS-CoV-2 et le système rénine-angiotensine- aldostérone ; effets des inhibiteurs du SRAA (ACE inhibitors = IEC ; ARBs = ARA II). D’après Vaduganathan M et al. Renin-angiotensin-aldosterone system inhibitors in patients with Covid-19, NEJM 2020. La figure montre l’entrée initiale du SARS-CoV-2 dans les cellules, principalement les pneumocytes de type II, après s’être fixé à son récepteur fonctionnel, l’ACE2. Après endocytose du complexe viral, il y a moins d’ACE2 à la surface cellulaire, ce qui entraîne une accumulation de l’angiotensine II circulante. L’activation locale du système rénineangiotensine- aldostérone pourrait être à l’origine des lésions pulmonaires secondaires à l’agression virale. Figure 3. Rôle de l’ACE2 dans le système rénine-angiotensine-aldostérone et mécanisme proposé pour la régulation de l’expression de l’ACE2 à la surface des cellules au cours de l’infection à SARS-CoV-2. D’après Wang et al. ACE2: A Double-Edged Sword, Circulation AHA March 2020. A : L’ACE2 peut agir sur les deux axes du SRAA. L’augmentation de l’ACE2 favorise l’axe protecteur ACE2/Ang 1- 7/Mas. La perte d’ACE2 entraîne un glissement vers des états pathologiques caractérisés par une suractivation de l’axe ACE/Ang II/AT1. B : La glycoprotéine virale du SARS-CoV-2 interagit avec l’ACE2 à la surface des cellules infectées et ils s’internalisent ensemble par endocytose, entraînant une diminution de l’expression de l’ACE2 de surface. Cette endocytose augmente l’activité de l’ADAM17, carboxypeptidase qui clive l’ACE2 de la membrane cellulaire, aggravant encore la perte d’ACE2 au niveau du tissu concerné. La perte d’ACE2 entraîne l’accumulation d’angiotensine II, qui par l’intermédiaire des récepteurs AT1, régule également l’ADAM17, ce qui entraîne un clivage supplémentaire d’ACE2 à la surface cellulaire. L’ACE2 humaine recombinante soluble (rhACE2) est une voie thérapeutique prometteuse pour le SARS-CoV-2 grâce à sa capacité à (i) séquestrer les particules virales pour empêcher leur interaction et leur entrée ultérieure via l’ACE2 (ii) limiter l’activité de l’angiotensine II et augmenter les niveaux d’angiotensine 1-7 (protectrice). L’ADAM17 facilite la libération dans la circulation des précurseurs du TNF, de l’IFN , et des cytokines proinflammatoires (IL-4), expliquant son deuxième nom, enzyme de conversion du facteur de nécrose tumorale (TACE). L’IL-4 et l’IFN diminuent l’expression de l’ACE2 à la surface des cellules et réduisent les niveaux d’ARNm de l’ACE2 ; ainsi s’installe une autre voie de perte d’ACE2 due à l’inflammation systémique et tissulaire induite par le SARS-CoV-2. La sérine protéase TMPRSS2, dont une extrémité émerge à la surface des cellules, active les coronavirus SARS-CoV-1 et 2. On peut supposer que l’entrée du SARS-CoV- 2 dans la cellule est freinée par les inhibiteurs de TMPRSS2. Le SARS-CoV-2 utilise le récepteur ACE2 pour l’entrée et la sérine protéase TMPRSS2 pour l’amorçage de la protéine S(4). Un inhibiteur de la TMPRSS2, approuvé pour une utilisation clinique, bloque l’entrée du virus et pourrait constituer une option de traitement(4). Une hypothèse émise en 2011 suggère que quand une cellule présente à sa surface conjointement les deux récepteurs ACE2 et TMPRSS2 (comme les pneumocytes de type II), elle risque plus d’être pénétrée par le SARS-CoV(9). Dans les cas de lésions pulmonaires induites par le SARS-CoV, l’atteinte du SRAA par la baisse de l’ACE2 augmente la perméabilité vasculaire, l’oedème pulmonaire et la gravité des lésions. Dans des échantillons autopsiques de tissu cardiaque de patients ayant succombé au SARSCoV, ont été retrouvées une augmentation de la fibrose myocardique et de l’inflammation avec une réduction de l’expression de l’ACE2 et du génome de SARSCoV, évoquant des lésions myocardiques induites par le virus(10). Bien que les symptômes respiratoires et les lésions pulmonaires prédominent, des lésions cardiaques et rénales aiguës, des myocardites, des arythmies, et des anomalies intestinales et hépatiques sont présentes chez les patients atteints de COVID- 19, cohérentes avec l’expression généralisée de l’ACE2. Ainsi, la perte de protection du système cardiovasculaire par l’ACE2 liée à l’infection par le SARS-CoV-2 pourrait contribuer à l’apparition des événements cardiovasculaires observés chez les patients COVID-19(11). L’ACE2 humain recombinant a été proposé dans un essai clinique préliminaire chez 10 patients en SDRA, mais qui n’avait pas la puissance nécessaire pour mettre en évidence un bénéfice sur la fonction pulmonaire(12). Inhibiteurs du SRAA et COVID-19 Les médicaments agissant sur le SRAA ont vu le jour dans les années 1980, et ont véritablement révolutionné la prise en charge de l’HTA. Ils sont également fréquemment prescrits dans de nombreuses autres indications (qui concernent des patients fragiles, cibles privilégiées des formes graves de COVID- 19) : les insuffisants cardiaques (via leur effet sur la congestion), les diabétiques de type 1 (à visée antiprotéinurique lorsque la néphropathie diabétique est installée), les diabétiques de type 2 (en prévention de la néphropathie), et plus généralement en prévention des complications cardiovasculaires chez les sujets à haut risque (coronariens, diabétiques…). Il y a quatre classes de médicaments agissant sur le SRAA, du plus ancien au plus récent : les anti-aldostérone, les IEC (inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ou « prils »), les ARA II (antagonistes du récepteur AT-1 à l’angiotensine II ou « sartans »), et les inhibiteurs de la rénine. Les IEC et les ARA II rompent la boucle de rétrocontrôle négatif de l’angiotensine II sur la rénine, entraînant une augmentation de l’activité rénine plasmatique et de la concentration plasmatique en angiotensine I (et d’angiotensine II sous ARA II). Sous ARA II, l’expression des récepteurs AT-2 et des récepteurs de la bradykinine est également augmentée, du fait de l’augmentation de l’activité rénine plasmatique. L’ACE2 a des propriétés de protection cardiovasculaire dans des modèles expérimentaux de souris KO-ACE2 ou lors de l’utilisation d’inhibiteurs de l’ACE2 : susceptibilité accrue aux infarctus du myocarde, à l’HTA, aux cardiomyopathies hypertrophiques, aux complications microvasculaires, à l’inflammation, la fibrose, la dysfonction diastolique ou systolique du ventricule gauche et au stress oxydatif(13,14). La perte partielle de l’expression d’ACE2 observée sur des coeurs explantés de patients souffrant d’insuffisance cardiaque et de cardiomyopathie dilatée semble suffisante pour augmenter la susceptibilité aux maladies cardiaques(13). Inversement, dans des expériences de gain de fonction avec de l’ACE2 recombinant la surexpression de l’ACE2 et de l’angiotensine 1-7 ont des effets protecteurs pour plusieurs maladies cardiovasculaires notamment l’HTA et l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée(13,14). Les antagonistes pharmacologiques du SRAA (IEC et ARAII), protègent le système cardiovasculaire en partie en augmentant les niveaux d’ACE2. Des essais cliniques avec perfusion intraveineuse d’ACE2 humaine recombinante (rhACE2) chez des patients souffrant d’hypertension artérielle pulmonaire et de lésions pulmonaires aiguës ont montré une diminution immédiate du rapport plasmatique angiotensine II/angiotensine 1-7(13). Au cours des formes graves de COVID-19 avec SDRA, les analyses des cohortes chinoises ont suggéré un lien avec l’HTA. Toutefois, l’âge est un facteur confondant car lui-même associé à une plus grande mortalité liée au COVID-19 et un facteur de risque d’HTA. Le rôle d’un traitement par inhibiteur du SRAA utilisé comme antihypertenseur a alors été suggéré. Cette hypothèse est née du lien connu entre le virus SARS-CoV-2 et l’ACE2. L’ACE2 est utilisée par le SARS-CoV-2 comme co-récepteur pour son entrée dans la cellule cible et pourrait avoir aussi un rôle dans la pathogénicité du virus(8). La crainte d’un lien entre IEC et ARA II et le rôle pathogène du SARS-CoV-2 repose sur deux mécanismes hypothétiques. Première hypothèse, les IEC/ARAII pourraient inhiber de façon directe l’ACE2 (bien qu’aucune preuve clinique n’existe pour étayer cette hypothèse). En inhibant l’ACE2, ils priveraient l’individu des propriétés protectrices de l’ACE2 dont nous avons déjà parlé (vasodilatation, action antiinflammatoire). Seconde hypothèse, plus probable car déjà prouvée dans certains modèles animaux, les IEC/ARAII pourraient augmenter l’expression de l’ACE2, et donc augmenter la sensibilité des cellules du patient à la pénétration intracellulaire du virus. Dans ces modèles animaux, après introduction d’un IEC/ARAII, l’expression d’ACE2 était augmentée dans le coeur, le cerveau et l’urine mais pas dans le sang ou les cellules pulmonaires. Dans un modèle de lésion pulmonaire acide chez la souris, la baisse de l’expression à la surface de la cellule d’ACE2 causée par le SARSCoV- 1 (coronavirus responsable du SRAS-CoV de 2003) aggravait les lésions pulmonaires, alors que celles-ci étaient améliorées par l’introduction d’un inhibiteur du SRAA (IEC ou ARAII). Ceci suggère que le coronavirus pourrait aggraver les lésions pulmonaires en diminuant l’expression d’ACE2 à la surface des cellules ; cet effet pourrait être contrebalancé par les inhibiteurs du SRAA, leur conférant alors un rôle « protecteur »(8). Ces données précliniques suggèrent qu’une augmentation de l’expression de l’ACE2 pourrait atténuer les lésions pulmonaires induites par le SARS-CoV-2. Cependant, il n’existe aucune preuve clinique que l’ACE2 pourrait être un traitement efficace dans le SDRA induit par le virus ni qu’un traitement par inhibiteur du SRAA pourrait réduire la gravité de l’atteinte pulmonaire du SARS-CoV- 2. Le lien entre l’importance de l’expression de l’ACE2 et la morbimortalité n’a jusqu’ici pas été démontré chez les patients COVID-19. Conclusion Au cours du COVID-19, le rôle de l’ACE2 apparait complexe : d’un côté plutôt bénéfique en régulant à la baisse le SRAA, d’un autre côté délétère en rendant le système pulmonaire et cardiovasculaire plus sensible et en servant de corécepteur d’entrée cellulaire au SARS-CoV-2. Malgré le manque de preuve clinique, il y a eu débat sur la nécessité de poursuivre ou d’arrêter les IEC/ARAII chez les patients hypertendus COVID-19. Ces éléments ont pu semer le trouble chez les patients (sollicitant des changements dans leur traitement antihypertenseur), et une incertitude croissante des médecins. En réponse, le Conseil de l’hypertension de la Société européenne de cardiologie recommande vivement aux médecins et aux patients de poursuivre le traitement avec leurs antihypertenseurs habituels, car il n’y a aucune preuve clinique ou scientifique suggérant que le traitement IEC/ARAII devrait être interrompu en raison du COVID-19(15). D’autres sociétés savantes suggèrent que les patients poursuivent leur schéma thérapeutique antihypertenseur habituel par les IEC ou les ARAII (American Heart Association, Heart Failure Society of America, American College of Cardiology)(16). Pour les patients les plus graves, en état de choc, la poursuite ou l’arrêt des IEC/ARAII reste à la discrétion du médecin en charge du patient en soins intensifs(15). La communauté scientifique devra mieux décrire le rôle du SRAA et spécifiquement de l’ACE2 dans la pathogenèse du COVID-19, tandis que les données cliniques accumulées et une étude française prospective randomisée en cours (ACORES 2) devraient permettre de déterminer s’il existe un lien entre IEC/ARAII et la morbi-mortalitédu COVID-19.

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