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Congrès

Publié le 14 juin 2016Lecture 7 min

Inhibition de PCSK9 : perspectives chez le patient à haut risque cardiovasculaire

M. DEKER

Aujourd’hui, nous disposons avec les inhibiteurs de PCSK9 de nouveaux outils thérapeutiques ultrapuissants pour abaisser le cholestérol et l’hypothèse « lower is better » est avérée. Cette hypothèse est basée sur une approche génétique avec les études de randomisation mendélienne qui montrent que les polymorphismes abaissant le cholestérol sont associés à une diminution des événements cardiovasculaires, et sur les études d’intervention. En pratique clinique, il est toutefois difficile d’atteindre la cible fixée dans les recommandations de 0,7 g/l dans le très haut risque cardiovasculaire ; même dans les essais cliniques, 40 % des patients n’atteignent pas l’objectif avec les statines. Nous savons en outre que c’est la baisse du LDL-C qui importe et non le traitement utilisé pour y parvenir.

La découverte des i-PCSK9 est un exemple de recherche translationnelle accélérée où il a fallu moins de 10 ans entre la découverte d’une cible potentielle dans une famille d’hypercholestérolémie familiale (HF) et la mise au point d’une stratégie thérapeutique. L’HF est une maladie génétique autosomale dominante liée à des mutations touchant le récepteur des LDL, l’apoB, ou la proconvertase PCSK9 (initialement dénommée NARC-1), impliquée dans la neurogenèse, la néphrogenèse et l’hépatogenèse. L’identification de PCSK9 a été faite dans une famille d’HF, les mutations de PCSK étant rares en clinique (< 1 % des cas en France). Ensuite, le séquençage réalisé chez plus de 3 300 sujets noirs de la cohorte ARIC a identifié des mutations pertes de fonction de PCSK9 chez 2,6 % des sujets, associées à une baisse du LDL-C de 28 %, qui se traduit par une diminution du risque cardiovasculaire de 88 %, qui s’explique non seulement par les taux bas de LDL mais aussi par la durée de protection. Quelle est la fonction de PCSK9 ? PCSK9 est une sérine protéase pour laquelle on ne connaît pas de substrat hormis elle-même ; elle s’autoclive. Elle est fortement exprimée au niveau du foie et de l’intestin et uniquement sécrétée par le foie à des taux variables. Chez la souris, la surexpression de PCSK9 au niveau du foie augmente le taux de LDL-C de façon dépendante du LDL-R. PCSK9 est capable d’agir à distance pour réguler le LDLR, le bloquer et entraîner sa dégradation. Les statines inhibent la synthèse endogène de cholestérol via l’inhibition de l’HMG-CoA réductase et ont pour effet d’augmenter les récepteurs des LDL à la surface des cellules ; elles augmentent l’expression de PCSK9 qui est un frein à l’action des statines. L’inhibition de PCSK9 a donc pour effet de potentialiser l’action des statines. L’inhibition PCSK9 serait pour un tiers liée à des effets sur d’autres organes que le foie, notamment l’intestin en favorisant une voie d’excrétion intestinale du cholestérol. La perte de fonction de PCSK9 ne semble pas avoir d’impact sur le métabolisme du glucose. Plusieurs stratégies d’inhibition de PCSK9 ont été développées : la première a consisté à utiliser des anticorps monoclonaux (ACM), humains (alirocumab, evolocumab) ou humanisé (bococizumab). Les autres stratégies s’appuient sur de petits peptides (adnectines), des siRNA, des oligonucléotides antisens, quoique les deux premiers développés aient été arrêtés pour des problèmes de toxicité, ou des peptides bloquant la maturation de PCSK9. Pour l’instant, seuls les deux ACM anti-PCSK9 ont reçu une AMM. Après l’injection, les taux d’anticorps augmentent ; cette augmentation s’associe à une diminution des taux de PCSK9 libre parallèlement à une diminution des taux de LDL-C. Chez les souris génétiquement modifiées, l’association d’une statine et d’alirocumab diminue l’athérogenèse, la diminution de volume des plaques étant très bien corrélée à la baisse du LDL-C, ce qui suggère une absence d’effet pléiotrope. HF : un modèle de haut risque cardiovasculaire L’hypercholestérolémie familiale est une maladie particulière, à caractère monogénique autonomique dominant, à distinguer des formes polygéniques plus fréquentes. Le diagnostic, initialement purement clinique, est de plus en plus souvent génétique aujourd’hui. Avant l’avènement des statines, la moitié des hommes porteurs d’une HF avaient fait un événement cardiovasculaire majeur avant 50 ans. En population générale, l’étude de Copenhague qui fait référence montre une augmentation du risque cardiovasculaire par 13. Cette augmentation du risque est corroborée par une étude basée sur une approche génétique chez des patients ayant fait un événement cardiovasculaire précoce montrant que la présence d’une mutation disruptive (absence de protéine fonctionnelle) confère un risque d’IDM précoce multiplié par 13. Malheureusement, une large majorité des médecins ignorent ce niveau de risque associé à l’HF. Les caractéristiques des complications associées aux formes homozygotes ont été récemment précisées ; avant les aphérèses et les statines, l’espérance de vie de ces patients était de 18 ans, l’âge moyen du 1er accident vasculaire étant de 12 ans. Un lien a récemment été établi entre l’HF et les calcifications de la valve aortique et le score calcique. L’une des raisons expliquant le risque élevé d’événements cardiovasculaires chez les patients HF est la durée d’exposition au cholestérol (le cholestérol au sang du cordon est le double en cas d’HF). D’autres anomalies lipidiques sont associées à l’HF : une augmentation de la Lpa et des anomalies du HDL-C. La diminution du HDL-C n’est pas un facteur causal reconnu des complications cardiovasculaires. Toutefois, une altération de la capacité d’efflux du cholestérol par des particules HDL dysfonctionnelles est associée de manière indépendante à l’atteinte coronaire. L’arrivée des statines et de l’ézétimibe a eu un impact considérable sur la mortalité des patients avec HF hétérozygotes et homogygotes ; le sur-risque persiste toutefois lorsque les statines ont été débutées après l’âge de 40 ans. Il reste des questions non résolues concernant le risque cardiovasculaire des patients HF en termes de risque pour l’enfant en cas d’exposition du fœtus à l’HF de sa mère, pour identifier au sein de la population HF une sous-population à risque encore plus élevé et susceptible de bénéficier des nouveaux traitements, pour comprendre pourquoi certains patients sévèrement hypercholestérolémiques n’ont pas d’athérosclérose, pour déterminer le bilan cardiovasculaire idéal à faire chez ces patients. Enfin, pour mieux appréhender les patients HF dans la vraie vie, un registre a été créé. Nous savons déjà qu’en prévention secondaire, plus de 75 % de ces patients ont un LDL-C restant largement supérieur à 1 g/l. i-PCSK9 : enseignements clés des programmes de développement Les programmes de développement de l’alirocumab et de l’évolocumab sont terminés et ces deux traitements ont reçu l’approbation de l’EMA et de la FDA, avec une approche différente entre les deux continents. En Europe, il s’agit d’une indication large sur des données biologiques chez des patients n’ayant pas atteint les objectifs de LDL-C sous statine et, pour l’évolocumab, dans les formes homozygotes d’HF. Aux États-Unis, les indications sont plus restrictives, réservées à des catégories de patients chez lesquels on peut espérer un remboursement : HF hétérozygote, HF homozygote pour l’évolocumab ou les patients en prévention secondaire ayant besoin d’un traitement complémentaire. Même ainsi, ce sont des populations très larges et tout l’enjeu consistera à définir des populations prioritaires. Globalement, les programmes cliniques ont montré l’efficacité des deux ACM anti-PCSK9 dans les trois indications principales : HF (baisse d’environ 60 % du LDL-C, de 30 % chez l’homozygote), patient à haut risque non à l’objectif et patient intolérant aux statines. Pour l’instant nous ne disposons pas de résultats d’études spécifiques chez le diabétique, mais des analyses des patients traités par alirocumab ou évolocumab dans les différentes études de phase 3 ont été réalisées qui ne montrent pas de différence d’efficacité comparativement aux non-diabétiques. Dans une analyse complémentaire chez les patients traités par alirocumab, il n’apparaît pas de signal en faveur d’un risque diabétogène. Les deux ACM anti-PCSK9 sont très bien tolérés, ce qui est essentiel pour la compliance. En termes d’événements indésirables, un signal neuro-cognitif a été observé dans l’étude OSLER avec l’évolocumab, mais sans rapport avec les taux de LDL-C très bas sous traitement, et dans l’étude ODYSSEY-LTS avec l’alirocumab, ici aussi sans rapport avec le taux de LDL-C. D’après l’analyse de ces deux études, l’incidence cumulée des événements cardiovasculaires, qui étaient adjudiqués, serait inférieure de 50 % dans les groupes i-PCSK9 vs groupe de comparaison. La réponse viendra des essais de prévention en cours chez plus de 70 000 patients. Il reste de nombreuses questions à résoudre au-delà de l’efficacité sur le LDL-C de cette classe de médicaments, concernant leur effet sur la morbi-mortalité cardio vasculaire, les effets éventuels sur les autres paramètres lipidiques et la sécurité d’emploi : les taux de LDL-C très bas fontils courir un risque ? Qu’en estil du risque de développer un diabète en traitement au long cours et du risque de développer des anticorps dirigés contre le médicament pouvant entraîner une perte d’efficacité s’ils sont bloquants ? Le challenge sera de définir les populations prioritaires candidats à un i-PCSK9, quitte à élargir les indications après les résultats des études de prévention cardiovasculaire. D’après P. Moulin, B. Cariou, E. Bruckert et M. Farnier Symposium Sanofi Congrès de la SFD, Lyon, 22-25 mars 2016

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