Société
Publié le 30 sep 2015Lecture 7 min
Quelle aide peut nous apporter l’AJD ?
E. SONNET*, C. CHOLEAU**, *Service de diabétologie-endocrinologie, CHRU de Brest **AJD, Paris
L’Aide aux jeunes diabétiques (AJD) aide et soutient les familles confrontées au diabète de l’enfant. Association de patients, elle réunit tous les acteurs de sa prise en charge. Assistée d’un large réseau de médecins hospitaliers, elle est reconnue depuis soixante ans dans la maîtrise de l’éducation thérapeutique.
Si son objectif statutaire est le même depuis sa création, « Aider les jeunes et leur famille à mieux vivre avec le diabète », les missions, les moyens mis en œuvre, les organisations ont évolué pour s’adapter au mieux aux évolutions sociétales, médicales et scientifiques et répondre aux besoins des patients comme des professionnels de santé.
Historique
Assurer la vie
En 1921, F.G. Banting et C.H. Best découvrent l’insuline. En 1922, les premiers extraits de pancréas (l’insuline) sauvent le jeune Léonard Thompson atteint de diabète insulinoprive. Si l’année 1921 est un tournant majeur dans la prise en charge du diabète (on pouvait ne plus mourir), il n’en reste pas moins que la prise en charge est restée exclusivement médicamenteuse, assortie de prescriptions restrictives tant sur le plan alimentaire que sur le plan physique.
Assurer le vivre mieux
Une dizaine d’années plus tard, LCF Neud de Détroit fait sortir les enfants de l’hôpital en créant un mini centre d’été (Summer camp) pour quatre jeunes enfants. En 1951, 17 centres d’été reçoivent 2 000 enfants diabétiques aux États-Unis. À cette même période, Henry Lestradet, jeune interne français, part aux États-Unis où il rencontre Bill Talbert, champion de la coupe Davis de tennis et patient diabétique insulinotraité – rencontre qui a permis de montrer l’intérêt d’adapter les apports glucidiques et les doses d’insuline aux besoins changeants de l’organisme. En 1953, 40 enfants participent à la première « colo de l’AJD ».
Les premières expériences réussies d’éducation médicale des jeunes dans un environnement ludique avec mise en situations, incitent patients et soignants à créer l’AJD en 1956.
Missions actuelles
L’AJD : une aide pour les patients
Dans les services, à la maison : documents d’éducation
L’AJD est depuis toujours engagée dans l’éducation thérapeutique des patients pédiatriques. Le support le plus utilisé est celui des brochures thématiques, dont le contenu est le fruit d’un long travail de réflexion et de discussions au sein d’une commission pédagogique. Les brochures sont distribuées dans les services de pédiatrie ou adressées au domicile du jeune patient ayant un diabète. Centrées sur un thème (« qu’est-ce que le diabète ? », sport et diabète, école et diabète, etc.), elles sont très appréciées car très didactiques et remises à jour régulièrement.
Signalons aussi une revue trimestrielle distribuée aux membres de l’association, riche d’informations. Chaque revue est éditée à 5 000 exemplaires.
Enfin, l’AJD distribue des carnets de surveillance glycémique. Le modèle de ces carnets est probablement le meilleur de ceux disponibles actuellement (dimensions des cases, couleurs didactiques). D’ailleurs, il est souvent utilisé au-delà de l’âge pédiatrique par ceux qui l’ont connu dans leur enfance (et qui continuent à faire un carnet…).
Les « colos » AJD
L’AJD organise lors des vacances scolaires des regroupements de jeunes de moins de 18 ans et ayant un diabète. Ils durent de 1 à 3 semaines, parfois centrés sur un thème (ex. : sports d’hiver). Ce ne sont pas de simples « colos » que pour les diabétiques. Si les caractéristiques des colonies de vacances sont présentes, elles sont surtout l’occasion de parfaire l’éducation du patient, par l’organisation de sessions d’éducation collective (au cours de temps dédié, mais aussi des jeux et des veillées ludiques) et un temps individuel (surtout lors du temps des injections et des repas). Cellesci se déroulent après une évaluation initiale, les séjours étant conclus par une évaluation finale. Ces séjours sont très motivants pour les patients, qui rencontrent d’autres jeunes ayant un diabète ayant les mêmes problèmes, qui peuvent faire des activités différentes de l’ordinaire, dans un cadre sécurisé. C’est grâce à cet intérêt éducationnel qu’une partie du séjour de soins de suite et de réadaptation est prise en charge par la Sécurité sociale.
Ces séjours s’inscrivent en effet désormais dans le cadre législatif et réglementaire des établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR), selon la loi HPST de 2009. Les autorisations s’intègrent dans les orientations stratégiques des régions, selon des conventions signées avec l’Agence régionale de santé de chaque région.
Cette organisation est par ailleurs évaluée tous les 4 ans par la Haute Autorité de santé.
En 2013, 1 091 enfants ont pu bénéficier de ces séjours. À signaler deux sessions particulières :
- une l’été où, dans un même centre, sont réunis des diabétiques et des non-diabétiques (Crozon, Finistère) ;
- à l’automne et au printemps, et ce depuis 1987, des sessions de 10 jours où sont réunis enfants et parents, voire fratrie et/ou grands-parents (séjour parentsenfants à Gouville-sur-Mer, Manche).
Au-delà de 18 ans, les patients ne peuvent plus participer à ces sessions. Anciens membres de l’AJD, ils ont du mal à se retrouver dans les activités et centres d’intérêt d’autres associations de diabétiques. Aussi, l’AJD organise depuis un an des regroupements de jeunes adultes, de 18 à 25 ans, qui élaborent ensemble leur programme de séjour. La première expérience a permis d’en faire profiter 15 jeunes ; 30 jeunes devraient y participer en 2014.
Soutien de l’entourage : association de familles
La survenue du diabète chez un enfant a de multiples conséquences dans l’entourage proche : parents, frères, sœurs, grands-parents. Cette pathologie chronique modifie les relations intrafamiliales, peut être source de ressenti psychologique et d’un vécu lourds. Certains moments sont majeurs : l’annonce du diabète (injustice, incompréhension, culpabilité, impuissance, etc.), l’éventuelle hypoglycémie profonde avec perte de connaissance, et puis tous ces moments anodins du quotidien qui deviennent questionnement permanent et source de stress (alimentation, exercice physique, école, sortie avec les copains, etc.). Enfin, le diabète ne prend pas de vacances…
Face à cette maladie que le monde médical soigne sans pour l’instant guérir, le soutien d’autres familles confrontées aux mêmes problèmes peut être primordial. C’est en ce sens que dans la plupart des départements, il existe une Association de familles AJD. Ces associations locales sont parfois très actives : réunions d’information, sorties, campagnes de sensibilisation, etc. Les familles AJD ont un poids important dans la vie de l’association nationale. Leur poids a été majoré dans le fonctionnement de l’AJD.
Une journée nationale de l’AJD est organisée une fois par an, proche de la journée mondiale du diabète (14 novembre). Elle réunit les familles autour d’exposés médicaux, de temps d’échanges et d’informations.
L’AJD pour les professionnels de santé : un partenaire majeur
Aide à l’éducation du patient
Pour le médecin pédiatre ou diabétologue adulte, l’AJD est un soutien indéniable à l’éducation :
- les brochures thématiques peuvent servir de base ou renforcer les messages d’éducation apportés par le médecin. Elles peuvent servir de validation des synthèses des connaissances lors de la transition de la pédiatrie vers des structures d’adultes ;
- les sessions d’éducation, expériences partagées lors des rencontres des Associations de familles sont des moments privilégiés de partage des expériences et des connaissances.
Commission pédagogique
Cette commission regroupe médecins pédiatres, infirmières, diététiciennes, psychologues fortement impliqués dans l’éducation. Elles élaborent et valident les recommandations de prise en charge et les différents supports d’éducation. Elles sont un lieu riche d’échanges de pratiques et très formatrices.
Aide à la formation continue : journée scientifique AJD
Une journée scientifique organisée par l’AJD se déroule maintenant depuis plusieurs années lors du congrès annuel de la Société francophone du diabète (SFD). Différents thèmes, pas forcément purement pédiatriques, y sont abordés. La participation est importante : lors du dernier congrès à Paris en 2014, 440 personnes y étaient présentes.
Formation par la participation, l’encadrement des séjours AJD
Les étudiants en médecine dès la 4e année peuvent participer en tant qu’animateurs de santé aux séjours AJD. Certaines facultés de médecine ont d’ailleurs passé convention avec l’AJD pour reconnaître ces séjours comme terrain de stage validant. Les animateurs de santé ont une activité d’animation, mais aussi d’éducation dans la prise en charge du diabète. Cette activité est donc plus que formatrice, dans un contexte convivial. Afin d’aller plus loin dans leurs connaissances, un week-end d’intégration est organisé en juin, avant les sessions d’été.
La formation apportée par la participation à une colo AJD est aussi essentielle pour tous les internes de pédiatrie et d’endocrinologie adulte dès qu’ils s’intéressent à la prise en charge des patients ayant un diabète (enfants, adolescents, transition, jeunes adultes).
Les compétences des infirmiers, des médecins pédiatres diabétologues et des diabétologues d’adultes sont très appréciées pour encadrer les sessions d’éducation. Leur participation a aussi un intérêt pour leurs connaissances : validation des messages d’éducation, meilleure connaissance de la vie de tous les jours de l’enfant ou l’adolescent dans ses aspects théoriques et surtout pratiques (utilisation du matériel, connaissance des « bidouilles », application des messages délivrés, etc.). Cette participation, certes fatigante, est riche d’enseignements et de moments forts sur le plan humain. Pour répondre à l’organisation des 20 000 journées en séjours SSR, 420 professionnels soignants ou de l’animation sont recrutés de façon temporaire chaque année.
Conclusion
Depuis de nombreuses années, l’AJD est un partenaire incontournable dans la prise en charge de nos patients diabétiques, surtout d’âge pédiatrique. Le message porté par l’association repose sur la volonté d’accompagner l’enfant et sa famille dans la gestion quotidienne de son traitement et la certitude que le partage du savoir médical et scientifique contribue à l’autonomie des jeunes et de leur famille.
Ses actions ont contribué à améliorer la vie des jeunes et à formaliser les valeurs fondatrices de l’éducation thérapeutique. Son rôle est primordial dans le soutien des patients et de leurs familles, dans l’éducation thérapeutique, mais aussi dans la formation des professionnels de santé. À bientôt 60 ans de sa création, souhaitons-lui encore longue vie.
Pas de conflit d’intérêt avec l’article (collaborations régulières avec l’AJD)
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