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Congrès

Publié le 31 mai 2014Lecture 6 min

La fibrillation atriale chez le diabétique : faut-il la dépister ?

L. FAUCHIER CHU Trousseau, Tours


La fibrillation atriale (FA) est la forme d’arythmie la plus commune au monde. Sa prévalence sera multipliée par 2,5 dans les 50 prochaines années, ce qui en fait une incontestable épidémie. Dans le même temps, le diabète est une maladie pandémique des pays développés. Les facteurs de développement reconnus de la FA sont l’hypertension artérielle (HTA), l’insuffisance cardiaque, les maladies valvulaires cardiaques et les cardiomyopathies. Le développement ainsi multifactoriel de la FA n’est pas complètement éclairci, alors qu’il semble exister une corrélation entre FA et diabète. Ces deux pathologies partagent une association à des comorbidités communes comme l’HTA, l’athérosclérose et l’obésité. L’association indépendante entre diabète et FA est discutée et, parallèlement, diabète et FA sont des facteurs prédictifs communs d’accident vasculaire cérébral (AVC) et de mortalité cardiovasculaire.

Le diabète comme facteur de risque de FA Il existe plusieurs mécanismes hypothétiques pour expliquer le rôle arythmogène du diabète et/ou de l’augmentation de la glycémie. Il ne semble pas que le diabète de type 1 soit associé à une augmentation du risque de FA, ce qui suggère plutôt que l’hyperglycémie au long cours dans le diabète n’est pas elle-même promotrice de FA. Celle-ci serait plutôt liée à l’insulinorésistance qui est également le mécanisme par lequel l’HTA et l’obésité semblent associées à une augmentation du risque de FA(1). Dans l’étude de Ostgren, les patients qui avaient à la fois un diabète et une HTA avaient un risque 3 fois plus élevé de FA associée comparativement aux sujets non diabétiques non hypertendus, mais cette association n’était plus significative après ajustement sur l’insulinorésistance qui paraissait donc être le déterminant principal de la FA(2). Le diabète et l’intolérance au glucose sont associés à une augmentation du risque d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), qui pourrait expliquer l’augmentation du risque de FA. De plus, l’inflammation chronique est un lien possible, suspect de jouer un rôle entre diabète et fibrillation atriale : l’inflammation, retrouvée dans ces deux pathologies, peut en partie prédire le développement du diabète et également de la FA, et des traitements anti-inflammatoires ont montré une efficacité relative sur certains paramètres d’évaluation chez des patients avec diabète et/ou FA. Dans la métaanalyse de Huxley qui regroupait 7 études prospectives et 4 études cas-contrôles sur 1,7 million de sujets, dont 109 000 avaient de la FA, le diabète a été associé à une augmentation du risque de FA d’environ 40 %. Néanmoins, après ajustement sur les possibles facteurs de confusion associés, l’effet paraissait plus limité avec une augmentation du risque de seulement 24 %(3). Les auteurs en déduisaient que la proportion de FA attribuable au diabète dans la population était de 2,5 % seulement. Une analyse ultérieure réalisée chez 35 000 femmes professionnelles de santé, suivies pendant 16 ans, a été rapportée en 2012. Les 3 % de femmes avec un diabète de type 2 avaient un risque de FA multiplié par 2 au cours du suivi, mais le risque attribuable était assez nettement atténué après ajustement sur les éventuels facteurs de confusion liés aux caractéristiques des patientes : le risque n’était plus que de 15 % après analyse multivariée(4). Ceci semble donc suggérer que les patients ayant un diabète de type 2 ont un risque plus élevé de FA prévalente (environ 15 %), puis incidente (environ 0,8 %/an), mais qui semble principalement corrélé aux autres facteurs de risque associés, fréquemment rencontrés chez ces patients(5). Le diabète comme facteur de risque d’AVC en cas de FA La détection d’une FA chez les patients diabétiques a des conséquences cliniques majeures car le risque d’AVC est majoré. En l’absence d’autres comorbidités, le risque annuel d’AVC peut être estimé à 2,2 % par an en cas de diabète isolé. En réalité, il est souvent plus élevé chez les patients diabétiques du fait de l’association à d’autres facteurs de risque d’AVC, identifiés dans les items du score CHA2DS2-VASc : HTA, âge ≥ 65 ou 75 ans, maladie vasculaire associée ou insuffisance cardiaque (tableau). Deux études ont montré que le diabète est un facteur prédictif indépendant d’AVC chez les patients avec FA, mais à un moindre degré chez les sujets âgés. Deux autres études n’ont pas retrouvé de sur-risque d’AVC en cas de FA associée à un diabète(6). Le diabète n’est donc probablement pas le facteur de risque d’AVC le plus puissant en cas de FA comparativement aux autres items du score CHA2DS2-VASc, mais il est inclus dans cet outil de stratification de risque, évalué à 1 point au même titre que l’antécédent d’insuffisance cardiaque, l’HTA, l’âge ≥ 65 ans ou l’existence d’une maladie vasculaire artérielle. Seul un antécédent d’AVC ou l’âge ≥ 75 ans semblent être des facteurs de risque franchement plus puissants d’événements thromboemboliques ultérieurs en cas de FA, rapportant chacun 2 points. Faut-il rechercher systématiquement une FA chez le sujet diabétique ? Du fait de la prévalence non négligeable de la FA en cas de diabète et dans la mesure où l’on peut estimer le développement d’une FA en cas de diabète à près de 1 %/an, se pose la question de rechercher plus activement cette arythmie car elle aura des implications pour la prise en charge thérapeutique : une FA associée à un diabète justifie un traitement oral au long cours, soit par AVK, soit par un des nouveaux anticoagulants oraux directs, ce que toutes les recommandations internationales sur la prise en charge de la FA ont confirmé(7). Chez les patients symptomatiques rapportant des palpitations (ou éventuellement limitation à type de dyspnée), le diagnostic sera probablement fait lors d’une consultation auprès d’un cardiologue. La FA est toutefois asymptomatique dans 30 à 50 % des cas. Elle peut être retrouvée de différentes manières : sur un ECG 12 dérivations conventionnel en consultation ou en hospitalisation, sur un enregistrement Holter ECG de 24 heures, ou chez un patient porteur d’un stimulateur cardiaque en analysant les fonctions diagnostiques (qui font office de Holter simplifiée de longue durée). Les moniteurs implantables en sous-cutané avec enregistrement de longue durée sur 24 à 36 mois ont techniquement la capacité de faire le diagnostic de FA symptomatique ou asymptomatique, mais leur prise en charge n’est à ce jour reconnue que pour l’évaluation diagnostique des patients avec syncopes.   Il n’y a pas actuellement de recommandations incitant à rechercher systématiquement l’arythmie chez les patients diabétiques sans FA connue et qui sont asymptomatiques, mais des données émergentes sont concordantes sur deux points : - lorsque le diabète est associé à d’autres facteurs de risque, en d’autres termes lorsque le score CHA2DS2-VASc est élevé, le risque de développer une FA dans les mois ou les années suivantes va en augmentant, pouvant atteindre plus de 50 % dans les 2 ans qui suivent dans certains sous-groupes à risque élevé ; - chez ces patients diabétiques avec FA, le risque thromboembolique annuel croît de manière exponentielle, pouvant atteindre 8 à 10 % par an(7). Il semblerait assez logique à l’échelle d’une population de diabétiques de rechercher activement une FA afin de réduire le risque d’AVC qui est la complication majeure à redouter dans ce contexte. Néanmoins, cette démarche n’a pas encore été validée dans une étude randomisée : une telle stratégie nécessite sûrement un screening vaste, puis le traitement d’un large groupe de patients où la FA sera dépistée, pour obtenir in fine une éventuelle diminution statistiquement significative du risque d’AVC avec un rapport bénéfice/risque favorable pour le traitement anticoagulant. Conclusion L’association entre FA et diabète paraît assez bien établie à l’échelle des populations. Le lien causal entre ces deux pathologies doit encore être mieux précisé.  Plusieurs études épidémiologiques et l’avis de certaines autorités de santé indiquent que des efforts doivent être faits pour la prévention de la FA sans céder à certaines surenchères de traitements une fois que l’arythmie est diagnostiquée, mais il n’y a pas encore de niveau de preuve solide pour établir que cette stratégie se traduira par un bénéfice avéré en termes de morbidité (au premier rang desquelles l’AVC) ou de mortalité.

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