Publié le 31 oct 2023Lecture 9 min
Comment optimiser la prise en charge des patients diabétiques traités par insuline ?
Michèle DEKER, Neuilly
La mesure continue du glucose (MCG) est indiquée et prise en charge chez les patients diabétiques de type 1 ou 2 traités par au moins 3 injections quotidiennes d’insuline ou par pompe. Depuis juin, le système FreeStyle Libre 2 est devenu le seul capteur à bénéficier d’une extension de prise en charge chez les patients DT2 insulinés. Quels sont les bénéfices attendus dans cette population ? Comment le système FSL s’intègre-t-il à la boucle fermée chez les patients traités par pompe à insuline ?
Place de la MCG dans l’éducation thérapeutique
Les patients diabétiques ont besoin d’une éducation spécifique pour utiliser au mieux les outils de mesure en continu du glucose. L’usage du système FreeStyle Libre recommande de poser le capteur sur la face postérieure du bras après désinfection au savon (les lingettes alcoolisées sont déconseillées en cas d’irritation cutanée). En cas d’irritation, on propose des interfaces entre la peau et le capteur, sous forme de spray ou de pansement hydrocolloïde ; on peut aussi utiliser des corticoïdes locaux sous forme de spray chez les patients ayant une intolérance cutanée à la colle.
Un point important à aborder avec le patient concerne la différence entre la glycémie mesurée en autosurveillance et la mesure du glucose interstitiel fournie par le capteur de glucose. En effet, il existe un écart entre ces deux valeurs, lié au retard temporel de quelques minutes (2-7 min) de l’équilibration du glucose interstitel par rapport à la glycémie capillaire. Ce décalage temporel augmente lors des périodes de grandes variations (activité physique par exemple).
Trois informations essentielles sont fournies par le capteur : le taux de glucose, les flèches de tendance et les courbes. Cependant, d’autres éléments sont à prendre en considération pour interpréter les données du capteur : la quantité de glucides ingérés et l’horaire de leur prise ; la dose d’insuline injectée et l’heure de son administration ; l’activité physique (depuis quand, pour combien de temps) ; le niveau de stress ; la raison pour laquelle le patient se scanne. Les flèches de tendance reflètent le passé et doivent être interprétées comme tel. Elles nécessitent une action de la part du patient : injection d’un bolus si la flèche est ascendante ; prise de glucides si elle est descendante ; attendre et se recontrôler. En pratique, le patient ne devrait jamais faire un bolus de correction si la flèche est descendante, même si la valeur est haute.
Trois types d’alarme sont disponibles avec le dispositif de MCG en temps réel FreeStyle Libre 2(FSL2) : glucose bas (60 mg/mL à 100 mg/mL) ; glucose élevé (120 ou 400 mg/mL) ; perte de signal (jusqu’à 6 mètres). Le bénéfice des alarmes a été démontré du point de vue des patients et des soignants, en particulier en prévention des hyperglycémies et des hypoglycémies, en termes d’amélioration du vécu du diabète et de la sécurité. Une enquête réalisée en France a notamment montré que les meilleurs résultats sont obtenus avec les paramètres suivants : en réglant l’alarme Hyper à < 200 mg/dL et l’alarme Hypo à ≥ 75 mg/dL(1).
En France, la fréquence des scans/vues réalisés par les patients est d’environ 10/j. Il existe une corrélation démontrée entre cette fréquence et l’amélioration des paramètres métaboliques : amélioration du temps dans la cible de glucose (TIR), du temps sous la cible (TBR), du temps au-dessus de la cible (TAR) et de l’indice de gestion du glucose (GMI, glucose management indicator)(2,3).
Les patients doivent comprendre que l’utilisation du FSL2 se fait en deux temps : un temps synchrone pour adapter en temps réel le traitement aux données du capteur et un temps asynchrone pour analyser rétrospectivement les données.
Convergence des données de glucose issues de FreeStyle LibreLink avec les stylos connectés
Un environnement connecté permet d’alléger la charge mentale grâce à l’enregistrement automatique des données, de faciliter l’analyse des données, d’améliorer l’équilibre métabolique, de repérer les oublis/mésusages, inadéquation ratio insuline/glucides, de suivre le patient à distance pour la télésurveillance et/ou par les aidants et de prioriser les besoins éducatifs.
Chez les patients sous pompe, le téléchargement des données permet de visualiser la dose réellement administrée par rapport à la dose prescrite, la répartition de l’insuline basale/bolus, l’utilisation de débits temporaires si le patient utilise des fonctions avancées de la pompe, la fréquence de changement des cathéters, la temporalité de réalisation des bolus, le suivi ou non des préconisations de l’assistant bolus et de vérifier les quantités de glucides renseignées. Ces renseignements sont utiles pour comprendre le comportement des patients.
Chez les patients utilisant les stylos à insuline, il faut que les patients renseignent les doses, ce qui nécessite une action de leur part. Depuis mars 2022, l’Assurance maladie prend en charge les stylos connectés qui mémorisent les doses effectivement délivrées sur les 3 derniers mois. Les doses d’insuline (unités, jour, heure) sont disponibles dans l’application FreeStyle LibreLink permettant au patient de comprendre l’impact de l’insuline sur son taux de glucose, et de les partager automatiquement avec la plateforme d’analyse LibreView pour une analyse enrichie du profil glycémique. Deux études ont évalué l’impact des stylos connectés sur la gestion du traitement et l’équilibre métabolique. Chez l’adulte, une amélioration du contrôle glycémique et une diminution du nombre de repas avec oubli de l’injection de bolus ont été mises en évidence(4).
Chez les enfants, une amélioration de l’équilibre métabolique et une diminution du temps passé en hypoglycémie ont été montrées(5). Dans l’expérience du l’hôpital Robert-Debré (Paris), la majorité des jeunes patients utilisent des stylos à cartouches — car des ½ unités sont nécessaires en pédiatrie — et sont sous capteur, le plus souvent FSL2. Les stylos connectés ont été proposés aux patients qui utilisaient déjà un stylo à insuline, ce qui a été accepté sur le principe et avec un sentiment de grand progrès technologique de la part des familles. Cet outil a été proposé sans préjuger de l’âge, de l’équilibre métabolique ou des ressources numériques (l’appli peut être installée sur l’un des téléphones parentaux) et présenté comme un allié précieux dans l’arsenal thérapeutique du diabète.
Pour faciliter la mise en application, les patients peuvent consulter le programme d’accompagnement Abbott. Il est recommandé de renseigner les glucides ou au minimum le repas. La fréquence de déchargement des stylos doit être déterminée avec la famille. Les retours d’expérience sont plutôt positifs. Cette solution est à proposer à tous les patients. Elle est très bien acceptée en pédiatrie quel que soit l’âge ou l’équilibre métabolique. Elle offre des informations précieuses pour mieux cibler les priorités éducatives. Loin d’être un gadget, l’utilisation des stylos connectés aide les familles à se familiariser avec un environnement connecté intuitif et pourrait constituer le prélude à une intégration encore plus complète.
Intérêt du FSL2 chez les patients DT2
Globalement, 24,3 % des personnes ayant un diabète de type 2 (DT2) sont traités par insuline ± antidiabétique oral ; 44 % (soit 300 000 patients) sont sous insuline basale.
L’hypoglycémie représente un frein à l’intensification et à l’observance du traitement. La HAS recommande de 2-4 autosurveillances glycémiques par jour ; or, 31 % des patients ne réalisent aucune glycémie capillaire principalement en raison de la douleur de la piqûre au doigt, constituant un obstacle majeur à l’atteinte d’un contrôle glycémique optimal. Une méta-analyse ayant regroupé 30 000 patients DT2 sous multi-injections utilisant la technologie FSL a montré une réduction significative de l’HbA1c, avec un maintien dans le temps(6).
Une étude observationnelle rétrospective nord-américaine portant sur 191 patients DT2 sous insuline basale a évalué le bénéfice de FSL et montré une diminution de 1,4 % de l’HbA1c à 3-6 mois d’utilisation du dispositif, quels que soient l’âge, l’IMC et le genre(7). Une étude observationnelle longitudinale française réalisée sur la base de données de la Sécurité sociale chez des patients DT2 traités par insuline basale a montré à 1 an d’utilisation de FSL2 une réduction des hospitalisations liées aux événements diabétiques aigus(8). Cette amélioration persiste à 2 ans et ne dépend pas du prescripteur, qu’il soit diabétologue ou médecin généraliste. Une autre étude confirme le bénéfice de FSL sur l’équilibre métabolique quel que soit l’équilibre initial(9).
Chez les patients DT2 non insulinés, les bénéfices du FSL2 sont tout aussi manifestes, comme le montre l’étude IMMEDIATE, étude multicentrique randomisée contrôlée en ouvert : amélioration du TIR, du TAR et de l’HbA1c(10). Depuis le symposium, l’extension du remboursement de FreeStyle Libre 2 chez les patients diabétiques de type 2 traités par insulinothérapie non intensifiée (< 3 injections par jour) dont l’équilibre glycémique est insuffisant (HbA1c ≥ 8 %) a été validée par le Journal Officiel du 13 juin 2023. Dans cette indication, la primo-prescription peut être réalisée par un diabétologue ou médecin généraliste. Cela fait aujourd’hui de FreeStyle Libre 2 le seul capteur à bénéficier de cette indication remboursée.
Boucle fermée : de la théorie à la pratique
L’administration automatique d’insuline nécessite trois éléments : un capteur de glucose en continu tel le FSL3, un algorithme qui détermine la délivrance de l’insuline et envoie un signal à la pompe à insuline. Ypsomed et Abbott se sont associés avec la société CamDiab pour former un nouveau système automatique de délivrance de l’insuline.
Le système FSL3 est très bien adapté à l’interopérabilité dans le cadre de la boucle semi-fermée. En effet, c’est le système le plus discret au monde ; permettant de mesurer en continu le glucose avec une mesure chaque 1 minute. Il est doté de la meilleure précision du marché (MARD 7,8 %) ; enfin le capteur FSL3 est le seul capteur à présenter une mémoire de 14 jours permettant d’avoir un profil glycémique complet, et ce sans calibration préalable. Le capteur communique les données de glucose à l’algorithme de l’application CamAPSFX. Cet algorithme adapte automatiquement l’administration d’insuline par la pompe dès que le capteur est prêt, après avoir activé le mode « auto » (mode de la boucle semi-fermée). Le système prend alors en charge le débit basal du patient puis délivre l’insuline automatiquement. Le capteur est démarré de la même manière qu’avec les systèmes de lecture, avec l’algorithme mylife CamAPS FX. Il est nécessaire de déterminer initialement le taux d’insuline basale. Après 60 minutes de mise en route, il mesure les taux de glucose et envoie automatiquement ses informations à l’algorithme CampAPSFX placé dans le smartphone, lequel détermine automatiquement la dose de bolus et le débit de base de l’insuline sans que le patient ait besoin d’agir.
La pompe fonctionne après certains paramétrages tels que le débit de base ; lorsque le mode « auto » est interrompu, le débit de base programmé est repris. L’algorithme utilise les données MCG du système FSL3, les données de l’insuline et des ratios/repas qui sont intégrées dans un algorithme basé sur l’intelligence artificielle. Ce dernier apprend la sensibilité à l’insuline du patient pour prédire les niveaux futurs de glucose afin d’administrer la dose d’insuline nécessaire à atteindre l’équilibre glycémique. Les patients aussi peuvent booster l’administration d’insuline ou la réduire.
L’un des premiers bénéfices de la boucle fermée est l’obtention de taux de glucose régulièrement dans la cible tout particulièrement durant la nuit, ce qui représente pour les patients une tranquillité inestimable. La variabilité glycémique est réduite et l’équilibre métabolique est amélioré.
D’après un symposium organisé par Abbott Diabetes Care lors des JADE & ITD 2023 (Journées antillaises de diabétologie et endocrinologie Innovation et nouvelles technologies) avec la participation de C. Fagour, E. Bismuth, S. Bekka, J. Seufert et J.-P. Donnet
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