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Thérapeutique

Publié le 31 mai 2011Lecture 7 min

Statines chez le diabétique : faut-il pousser la dose ?

B. VERGÈS, Service d’endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques, Hôpital du Bocage, Dijon

Plusieurs études ont clairement mis en évidence le lien entre les anomalies lipidiques et l’augmentation du risque cardiovasculaire au cours du diabète de type 21-6.
Ainsi, les traitements hypolipidémiants sont apparus comme des armes potentielles pour réduire le risque d’événements cardiovasculaires, chez les diabétiques de type 2 (DT2). Parmi ceux-ci, les statines ont, au cours des dernières années, apporté la preuve incontestable de leur efficacité sur la réduction du risque de survenue d’événements cardiovasculaires majeurs, au cours du DT2. Cependant, la question actuelle est de savoir si un traitement « intensif » par statines, réduisant les taux de LDL-cholestérol à des valeurs basses, est susceptible d’apporter un bénéfice cardiovasculaire supplémentaire, chez les patients DT2.

Bénéfice démontré du traitement par statines   Les études 4S avec la simvastatine et CARE avec la pravastatine ont été les premières à montrer un effet significatif des statines sur la réduction du risque cardiovasculaire, dans le DT2, avec cependant une analyse de sous-groupes de patients diabétiques réduits en nombre (202 pour l’étude 4S et 586 pour l’étude CARE)7,8. C’est surtout l’étude de prévention primo-secondaire HPS qui, chez 5 963 patients diabétiques, a montré une réduction significative de 25,8 % du risque de survenue d’accidents cardiovasculaires sous simvastatine9. Ces résultats ont été confirmés par l’étude de prévention primaire CARDS, réalisée spécifiquement chez 2 838 patients DT2, qui a mis en évidence une diminution significative du risque d’événements cardiovasculaires de 37 % sous 10 mg d’atorvastatine10. Dans le sous-groupe des 753 patients diabétiques de l’étude TNT, comparant l’efficacité de 80 mg d’atorvastatine contre 10 mg d’atorvastatine, il a été observé une réduction significative de 25 % des événements cardiovasculaires majeurs parallèle à la diminution plus importante du LDL-C (p = 0,026)11. Toutes les études d’intervention avec des statines, chez des patients diabétiques, vont dans le même sens et une métaanalyse confirme que le bénéfice cardiovasculaire obtenu sous statines est directement lié à la réduction du LDL-C, estimé à une diminution significative de 21 % du risque de tout événement cardiovasculaire et de 19 % de la mortalité cardiovasculaire pour une réduction de 1 mmol/l (0,39 g/l) du LDL-C12.   Traitement « intensif » par statines   Au cours des dernières années, plusieurs études ont été réalisées afin de savoir si un traitement « intensif » par statines, visant à réduire les valeurs de LDL-C à des taux bas, est susceptible d’apporter un bénéfice cardiovasculaire supplémentaire.   En prévention secondaire Après un syndrome coronaire aigu (SCA) • L’étude MIRACL a étudié l’effet de 80 mg d’atorvastatine versus placebo chez 3 086 patients ayant présenté un SCA dans les 96 heures avant l’instauration du traitement13 ; 24 % des patients étaient diabétiques. Dans le groupe recevant 80 mg d’atorvastatine, le LDL-C obtenu était de 72 mg/dl, alors qu’il était de 135 mg/dl dans le groupe traité par placebo. Au cours des 16 semaines de suivi, il a été observé une diminution significative de 16 % de l’objectif primaire (décès, IDM non mortel, hospitalisation pour nouveau SCA) (p = 0,048). Ce bénéfice était observé pour tous les sous-groupes, y compris les patients diabétiques. • L’étude PROVE-IT TIMI est une étude de prévention secondaire ayant évalué l’effet de 80 mg d’atorvastatine contre 40 mg de pravastatine, chez des patients ayant présenté un SCA dans les 10 jours précédents, avec un suivi de 18 à 36 mois14. Parmi 4 162 patients, 17,5 % étaient diabétiques. Le taux de LDL-C sous 80 mg d’atorvastatine était de 62 mg/dl contre 95 mg/dl sous 40 mg de pravastatine. Il a été observé une diminution significative de 16 % des événements cardiovasculaires majeurs (p = 0,005), bénéfice observé dans tous les sous-groupes, y compris chez les diabétiques. Cependant, le nombre limité de ces derniers, dans cette étude, rend difficile toute conclusion définitive. Enfin, signalons que la réduction du risque d’événements cardiovasculaires n’a été observée que chez les sujets dont le taux initial de LDL-C était > 125 mg/dl. • L’étude A to Z est une étude de prévention secondaire ayant évalué l’effet de fortes doses de simvastatine (80 mg/j vs 20 mg/j) chez des patients ayant présenté un SCA15. Sur 4 497 patients, 24 % étaient diabétiques. Sous simvastatine 80 mg, la valeur de LDL-C obtenue était de 66 mg/dl contre 81 mg/dl sous simvastatine 20 mg. Il n’a pas été observé de diminution significative de l’objectif primaire (décès cardiovasculaire, IDM, AVC ou nouveau SCA) chez les sujets ayant reçu de fortes doses de simvastatine. Cette absence de bénéfice concerne aussi le sous-groupe de patients diabétiques. • L’étude SEARCH est une vaste étude de prévention secondaire ayant comparé de fortes doses de simvastatine (80 mg/j) à de faibles doses de simvastatine (20 mg/j)16, chez 12 064 patients suivis pendant 6,7 ans, parmi lesquels 36 %  présentaient un diabète. Les valeurs de LDL-C sous de fortes doses de simvastatine étaient de 83 mg/dl contre 97 mg/dl sous faible dose de simvastatine. Il n’a pas été mis en évidence de diminution significative du risque d’événements cardiovasculaires majeurs sous de fortes doses de simvastatine (OR = 0,94 [0,88-1,01 ; p = 0,10]). Cette absence de bénéfice a aussi été observée dans le sous-groupe des patients diabétiques. Chez le coronarien stable A côté de l’étude TNT, qui avait mis en évidence chez les patients diabétiques un bénéfice de fortes doses d’atorvastatine, l’étude IDEAL a évalué l’effet de 80 mg d’atorvastatine contre 20 mg de simvastatine chez 8 884 patients, avec antécédent d’IDM, qui ont été suivis pendant 4,8 années17. Parmi ces patients, 12 % étaient diabétiques. Le LDL-C sous atorvastatine 80 mg était de 80 mg/dl contre 100 mg/dl sous simvastatine 20 mg. Une diminution non significative de 11 % du risque d’événements cardiovasculaires majeurs a été observée. Cette absence de bénéfice était aussi notée dans le sous-groupe des patients diabétiques. Une métaanalyse des études de prévention secondaire ayant analysé l’effet d’un traitement intensif par statines fait apparaître une diminution significative de 16 % des événements cardiovasculaires majeurs18. En revanche, elle ne montre pas de diminution significative de la mortalité cardiovasculaire ni de la mortalité globale. Une métaanalyse plus récente analysant les données de 170 000 sujets ayant participé à 26 études randomisées analysant les effets d’un traitement intensif par statines, fait apparaître, pour une diminution moyenne de 20 mg/dl du LDL-C, une baisse significative de 15 % du risque d’événements cardiovasculaires majeurs (p < 0,0001)19. En revanche, aucune diminution significative de la mortalité cardiovasculaire n’est observée. Cette métaanalyse montre que le bénéfice du traitement intensif par statines sur la morbidité cardiovasculaire est aussi retrouvé dans le sous-groupe de patients diabétiques de type 2. Si d’une façon générale il semble exister un bénéfice cardiovasculaire d’un traitement intensif par statines en prévention secondaire, la réduction significative des événements cardiovasculaires majeurs n’est obtenue que lorsque la diminution du LDL-C est suffisante (c’est-à-dire > 20 mg/dl).   En prévention primaire Parmi les rares études effectuées en prévention primaire, comme l’étude JUPITER20 et l’étude SEAS21, aucun patient diabétique n’était inclus, ce qui ne nous permet pas de savoir actuellement si le traitement intensif par prévention primaire présente un avantage.   Risque résiduel malgré le traitement « intensif » par statines, au cours du diabète de type 2   La baisse du LDL-C n’est pas suffisante pour réduire le risque cardiovasculaire chez les patients diabétiques de type 2 qui conservent un risque cardiovasculaire résiduel élevé, malgré le traitement par statines. Ainsi, dans l’étude HPS, le risque cardiovasculaire à 5 ans, chez les patients DT2 avec antécédents cardiovasculaires, reste élevé sous statines (33,4 %), significativement plus élevé que chez les patients non diabétiques avec antécédents cardiovasculaires traités par placebo (25,11 %)9. De même, dans CARE, le risque d’événements cardiovasculaires majeurs chez les patients diabétiques sous pravastatine est de 29 %, alors qu’il n’est que de 25 % chez les non-diabétiques sous placebo8. Ce risque cardiovasculaire résiduel chez les patients DT2 s’explique en partie par le non-contrôle sous statines des anomalies spécifiques de la dyslipidémie diabétique telles que l’hypertriglycéridémie, le HDL-C bas et la présence de particules LDL petites et denses. En effet, il a bien été montré que la persistance d’une hypertriglycéridémie et/ou d’un taux bas de HDL-C sous statines est associée à un risque cardiovasculaire résiduel significatif. Ainsi, dans l’étude PROVE-IT TIMI, malgré un taux de LDL-C < 0,70 g/l sous atorvastatine, les sujets ayant une hypertriglycéridémie > 2 g/l présentent un risque cardiovasculaire augmenté de 56 % comparé à ceux dont le taux de triglycérides est < 2 g/l22. Dans l’étude TNT, malgré un taux de LDL-C < 0,7 g/l sous statines, les sujets dont le taux de HDL-C est bas (< 0,43 g/l), présentent une augmentation significative du risque cardiovasculaire de 39 % comparés à ceux dont le taux de HDL-C est ≥ 0,55 g/l23. Dans l’étude LIPID, le risque cardiovasculaire résiduel sous pravastatine est de 14 % chez les patients dont le taux de HDL-C est < 0,39 g/l contre 10 % chez ceux dont le taux de HDL-C est ≥ 0,39 g/l24. Ainsi, les objectifs lipidiques, chez le patient diabétique de type 2, ne doivent pas se limiter à la seule réduction du LDL-C, mais aussi s’attaquer au problème de l’hypertriglycéridémie et du HDL-C bas, ce qui nécessite souvent d’envisager des combinaisons thérapeutiques hypolipidémiantes25.   Conclusion   Il semble exister un faisceau de preuves en faveur d’un bénéfice thérapeutique à réduire le LDL-C à des valeurs se situant aux alentours de 0,70 g/l en prévention secondaire. Les analyses de sous-groupes des différentes études semblent indiquer que ce bénéfice est aussi valable pour les patients diabétiques. En revanche, nous n’avons pas de preuve de l’efficacité d’un traitement intensif par statines en prévention primaire. Quoi qu’il en soit, la réduction du LDL-C est indispensable pour diminuer le risque cardiovasculaire chez les patients diabétiques de type 2. Cependant, elle n’est qu’une étape et il apparaît indispensable de s’attaquer aussi aux autres anomalies de la dyslipidémie du diabète : hypertriglycéridémie et HDL-C bas. Pour recevoir les références : biblio@diabetologie-pratique.com

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