Études
Publié le 31 mar 2010Lecture 7 min
La meilleure façon de commencer… et de poursuivre l’insulinothérapie dans le DT2 ? Résultats de l’étude 4T
H. HANAIRE, Pôle CardioVasculaire et Métabolique, CHU de Toulouse
Après plusieurs années d’évolution du diabète de type 2, malgré l’intensification de l’hygiène de vie et des traitements oraux, l’équilibre glycémique devient de plus en plus difficile à maîtriser. Cela s’explique par la diminution progressive des capacités de sécrétion d’insuline, et conduit finalement chez de nombreux patients au recours à l’insuline. Si l’habitude et les recommandations plaident en faveur d’une insulinothérapie « basale » (une injection quotidienne d’insuline NPH ou d’analogue de durée d’action prolongée) associée aux hypoglycémiants oraux pour commencer, il n’est pas rare que le schéma choisi soit différent, par exemple avec deux injections quotidiennes d’insulines prémélangées ou prémix, contenant une proportion variable d’analogue rapide et d’insuline NPH.
Y a-t-il un avantage ou un inconvénient à débuter l’insulinothérapie d’une façon ou d’une autre ? À quels résultats peut-on s’attendre à moyen terme (1 an) et à plus long terme (3 ans) après l’instauration de l’insulinothérapie ? L’étude 4T, publiée récemment, apporte des éléments de réponse à ces questions.
Comment débuter l’insulinothérapie dans le diabète de type 2 ?
Étude 4T : comparaison de 3 schémas d’initiation de l’insulinothérapie en association aux antidiabétiques oraux (ADO) dans le diabète de type 2
4T est une étude multicentrique contrôlée en ouvert1,2. Sept cent huit patients diabétiques de type 2, mal équilibrés sous bithérapie metformine + sulfamides à dose maximale, ont été recrutés dans 58 centres au Royaume-Uni et en Irlande. Ils ont été randomisés en 3 groupes de traitement, pour recevoir soit une injection quotidienne d’insuline basale (détémir), soit 2 injections quotidiennes, matin et soir, de premix comportant 30 % d’analogue rapide (Novomix® 30), soit 3 injections quotidiennes, avant chacun des repas, d’analogue rapide (aspart). Les patients surveillaient leurs glycémies capillaires et les doses d’insuline étaient ajustées en fonction des résultats obtenus. L’objectif principal de l’étude était l’HbA1c obtenue à 1 an. Les objectifs secondaires comportaient des éléments de tolérance du traitement, tels que la fréquence des hypoglycémies et la prise de poids. Les principales caractéristiques des patients sont résumées dans le tableau 1. L’HbA1c au moment de l’inclusion était en moyenne de 8,5 %, et les doses d’insuline de départ de l’ordre d’une quinzaine d’unités par jour.
Résultats à 1 an
(tableau 2)
L’équilibre glycémique s’est amélioré dans les trois groupes, mais on observe des différences d’efficacité et de tolérance entre les trois schémas.
Les résultats finaux en termes d’équilibre global sont un peu meilleurs dans les groupes 2 injections de prémix (HbA1c : 7,3 %) et 3 injections de rapide (HbA1c : 7,2 %) que dans le groupe 1 injection de basale (HbA1c : 7,6 %) et cette différence est significative. La glycémie à jeun est mieux contrôlée dans le groupe insuline basale, tandis que les glycémies postprandiales sont mieux contrôlées dans le groupe réalisant 3 injections d’insuline prandiale.
Les doses d’insulines ont été ajustées au fur et à mesure de l’étude, pour atteindre en moyenne 0,5 U/kg, ce qui est habituel quand on débute une insulinothérapie dans le diabète de type 2. Cependant, les doses utilisées ont finalement été plus importantes dans les groupes à 2 et surtout 3 injections par jour que dans le groupe insuline basale. En miroir, plus le nombre d’injections quotidiennes et la dose d’insuline totale sont importants, plus les hypoglycémies sont fréquentes et plus la prise de poids est importante.
Quels enseignements en tirer ?
Tout d’abord, seule une minorité de patients atteint l’objectif de passer en dessous de 7 % d’HbA1c (à peine la moitié dans le groupe 3 injections, 40 % dans le groupe 2 injections et moins d’un tiers dans le groupe insuline basale). Cela traduit bien la difficulté d’arriver à la cible, malgré une surveillance glycémique soutenue et un ajustement attentif des doses. Ensuite, plus le schéma d’insulinothérapie initial est complexe, et plus le risque de prise de poids et d’hypoglycémies est important, ce qui pose le problème de la balance bénéfice/risque dans la conduite du traitement.
Le meilleur compromis entre résultat sur la réduction de l’HbA1c, prise de poids et hypoglycémies semble donc être le schéma le plus simple, reposant sur une injection d’insuline basale associée à la metformine et aux sulfamides, mais en ayant conscience de ses limites. En effet, la question qui vient ensuite est la suivante : l’efficacité de cette stratégie est-elle durable ?
Comment poursuivre l’insulinothérapie dans le diabète de type 2 ?
L’étude 4T s’est poursuivie pendant 2 ans supplémentaires. Au terme de la première année de suivi, chez les patients dont l’HbA1c restait > 6,5 %, une intensification du schéma d’insulinothérapie a été proposée sous forme de 3 injections d’insuline par jour, tout en arrêtant le sulfamide (figure 1). Cette intensification a été nécessaire chez trois quarts des patients. C’est une information intéressante, qui confirme que le diabète de type 2 est une maladie évolutive, en particulier pour la composante altération de la sécrétion d’insuline. Par conséquent, une fois le traitement par insuline débuté, il faut périodiquement reconsidérer son efficacité et ne pas hésiter à changer pour un schéma plus complexe si le contrôle glycémique n’est pas assez bon.
Figure 1. Les schémas d’insulinothérapie et leur intensification dans 4T.
Cette intensification du traitement a été efficace. En effet, au terme des 3 ans de suivi, l’HbA1c est voisine de 7 % chez ces patients majoritairement en insulinothérapie intensive avec 3 injections par jour, quel que soit le schéma initial (1 basale, 2 prémix ou 3 rapides) (tableau 3). Les résultats sont un peu moins bons chez les patients qui ont débuté avec 2 premix que chez les autres. En effet, seulement la moitié d’entre eux parvient à obtenir une HbA1c < 7 %, alors qu’ils sont deux tiers dans les deux autres groupes.
Il est sans doute plus facile et plus efficace d’adapter les doses d’insuline dans un vrai schéma « basal-bolus », où l’insuline lente et les insulines rapides peuvent être modifiées indépendamment les unes des autres, que dans un schéma plus contraint avec des insulines prémélangées qui comportent 2 inconvénients :
– d’une part, un ajustement simultané des deux sortes d’insuline qui manque de souplesse (si on augmente la lente, on augmente la rapide en même temps et inversement) ;
– d’autre part, l’utilisation d’une insuline lente, la NPH, un peu moins bien profilée que les analogues longs.
Quoi qu’il en soit, pour être efficace, il ne faut pas hésiter à augmenter les doses d’insuline, qui au terme de cette étude sont de l’ordre de 1 U/kg/j dans les trois groupes.
L’efficacité maximale est donc obtenue chez les patients qui ont commencé l’insulinothérapie, soit avec une injection de basale, soit avec 3 injections de rapide, et qui finalement ont pour la majorité d’entre eux un schéma « basal-bolus » associant les 2 types d’insulines après 1 an de suivi.
En revanche, les résultats en termes de tolérance sont bien différents : c’est chez les patients initialement sous insuline basale que la fréquence des hypoglycémies et la prise de poids sont les moins importantes au terme des 3 ans de suivi. La prise de poids sous insuline, qui est un frein réel à la mise en route de ce traitement, se fait majoritairement dans la première année. La différence entre les 3 stratégies, en faveur de l’insulinothérapie basale pour commencer, est visible sur la prise de poids dès la première année et se maintient même quand le traitement devient plus complexe. C’est un argument majeur en faveur du choix de cette stratégie.
Conclusion
Au moment de débuter une insulinothérapie dans le diabète de type 2, il faut prendre en compte plusieurs éléments. On souhaite avant tout obtenir une amélioration de l’équilibre glycémique, avec une HbA1c aussi proche que possible de l’objectif. Mais on souhaite aussi limiter les effets indésirables qui peuvent accompagner ce traitement, essentiellement les hypoglycémies et la prise de poids. Enfin, il faut considérer l’acceptabilité du traitement et l’aisance des patients à l’adapter.
Les résultats de l’étude 4T, confirmés par une métaanalyse récemment publiée3, montrent qu’à l’initiation de l’insulinothérapie, les schémas à 2 ou 3 injections par jour comportant de l’insuline rapide font un peu mieux qu’une injection quotidienne d’insuline basale en termes d’HbA1c, mais plutôt moins bien pour la fréquence des hypoglycémies et pour la prise de poids. Cela plaide en faveur d’une insulinothérapie basale simple en première intention, du moment que l’on n’a pas attendu que s’installe un déséquilibre profond.
Au-delà de la première année, il est habituel que l’équilibre soit suboptimal. Il ne faut alors pas hésiter à intensifier le traitement pour arriver à l’objectif, c’est-à-dire augmenter le nombre d’injections pour adopter un schéma « basal-bolus », et augmenter les doses d’insuline. Au bout du compte, c’est chez les patients qui ont débuté prudemment l’insulinothérapie avec une injection de basale, et qui l’ont intensifiée au bout d’un an devant une HbA1c encore un peu trop haute, que les résultats sont les meilleurs, avec le compromis le plus favorable entre la baisse de l’HbA1c et la prise de poids.
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