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Diabète de type 1

Publié le 30 avr 2024Lecture 10 min

Détresse liée au diabète de type 1 : comment l’identifier et comment la prendre en charge ?

Yves REZNIK(1), Karine BIGNON(2), 1. Service d’endocrinologie et diabétologie, CHU Côte de Nacre, Caen 2. Médecin, coach de santé, service de santé au travail, CHU Côte de Nacre, Caen

Un intérêt croissant est porté par la communauté diabétologique internationale aux conséquences psychosociales de la maladie chronique. Celles-ci dépendent en partie de ses manifestations somatiques et des aléas du contrôle glycémique, mais également de facteurs individuels liés à la capacité de l’individu de gérer techniquement et émotionnellement la charge mentale du diabète. Nous examinerons dans cet article ce que l’on entend par « détresse liée au diabète », comment l’identifier, quelle est sa prévalence dans la population des personnes vivant avec un diabète de type 1, et enfin, les approches pour sa prise en charge.

De la charge mentale à la détresse liée au diabète   La personne vivant avec un diabète de type 1 est confrontée dès l’entrée dans la maladie à une succession de problématiques qui vont nécessiter la mise en place de stratégies de résolution et qui vont être à l’origine d’importants remaniements psychiques. Le concept de détresse liée au diabète couvre le large champ des émotions négatives liées aux préoccupations et inquiétudes engendrées par la maladie chronique, qui concernent les contraintes liées à sa gestion au quotidien, les complications aiguës et chroniques pourvoyeuses de perte fonctionnelle voire de handicap, les difficultés pour l’accès aux soins, la gêne sociale et in fine l’altération de la qualité de vie. La détresse liée au diabète doit être distinguée d’un état psychopathologique de dépression, bien que cette dernière soit bien une des composantes de la détresse. Ainsi, il a été retrouvé une corrélation entre échelle de dépression et échelle de détresse, ainsi qu’un certain degré de chevauchement des symptômes de détresse et de dépression chez les personnes ayant un diabète. Un authentique état dépressif peut parfois être observé chez des personnes ayant un diabète de type 1, mais dans ce cas les principaux symptômes décrits ne sont pas en relation directe avec le diabète. Ces chevauchements de symptômes entre les deux entités cliniques ont pu conduire à une sous-estimation de la détresse liée au diabète au profit d’un diagnostic abusif de dépression. Ainsi, il est important de réaliser une analyse sémiologique précise dans le but de distinguer les 2 entités. Une troisième entité clinique est le burnout lié au diabète, qui peut être défini comme une réponse inappropriée à la détresse liée au diabète. Le sentiment d’épuisement/burn-out est aussi évalué dans les échelles de détresse, mais cette dernière englobe d’autres dimensions comme on va le voir. Quelle est l’expression clinique de la détresse liée au diabète ? Elle intègre l’ensemble des perceptions négatives d’une personne vivant avec un diabète, qui incluent les émotions négatives, la charge mentale liée aux contraintes d’auto-soin, la vie sociale et familiale, la peur de l’avenir. Ces perceptions négatives participent grandement au déséquilibre glycémique. Cependant un niveau élevé de détresse liée au diabète n’est pas toujours corrélé à un échec dans la gestion de la maladie au quotidien ; il peut être observé chez des personnes qui effectuent de manière appropriée les tâches et actions nécessaires et qui obtiennent un bon contrôle de la glycémie. Il traduit l’impact négatif de la charge mentale liée au diabète ainsi que l’inquiétude d’un avenir qui est obscurci. L’expression clinique de la détresse liée au diabète est plus ou moins consciente chez la personne ayant un diabète et peut être variable dans le temps, au gré des événements de vie liés au diabète. Aussi, la recherche d’une détresse liée au diabète devrait aussi être effectuée chez les personnes qui n’expriment pas un ressenti négatif vis-à-vis de la maladie.   Comment dépister la détresse liée au diabète ?   Plusieurs auto-questionnaires ont été mis au point pour balayer les différents champs affectés par cette détresse.   Questionnaire PAID Le PAID pour Problem Areas In Diabetes (que l’on pourrait traduire par « champs des problèmes liés au diabète ») se présente sous la forme d’un auto-questionnaire comportant 20 items standardisés pour examiner les différents champs qui peuvent être affectés par le diabète de type 1. Chaque item est évalué sur une échelle de Likert qui comporte 5 niveaux d’impact de la maladie, correspondant du plus faible impact (pas un problème) au plus fort impact (un sérieux problème). Chaque item est affecté d’un score de 0 à 4 dans un ordre d’impact croissant. L’addition des scores aboutit à un score global de détresse (sur 80 points) qui est converti en base 100. Un score global ≥ 40 correspond à une détresse sévère liée au diabète. Les différents champs évalués par le PAID sont listés dans le tableau 1.   T1-DDS Le DDS dédié au diabète de type 1 ou T1-DDS est une autre échelle de détresse communément utilisée. Le DDS (pour « Diabetes Distress Score ») a été mis au point dans sa version initiale pour évaluer des adultes atteints d’un diabète de type 2, et comporte 17 sousscores évalués sur une échelle de Likert en 6 points allant de « l’absence de problème » à « un sérieux problème » pourle calcul du score global de détresse. Cette échelle a été secondairement adaptée au diabète de type 1 (T1-DDS) et cette version comporte 28 questions couvrant 7 sous-échelles incluant le sentiment d’impuissance face à la maladie, les difficultés d’auto-soin, la détresse vis-à-vis des hypoglycémies, les perceptions sociales négatives, les difficultés liées à l’alimentation, les difficultés dans les relations avec les professionnels de santé, les difficultés avec l’entourage familial et amical. Chaque sous-échelle est appréhendée par 3 à 5 questions. Pour le score global comme pour chacune des sous-échelles, une gradation de 1 à 6 couvre une intensité croissante de détresse. Un score moyen global ou de chacune des 7 sous-échelles < 2 indique l’absence de détresse, un score moyen entre 2 et 2,9 indique une détresse modérée et un score > 3 indique une détresse sévère. À titre indicatif, le tableau 2 énumère les 28 questions évaluées par une échelle de Likert, et les 7 sous-échelles.   Les questionnaires PAID et T1-DDS sont les outils les plus utilisés pour caractériser et quantifier la détresse liée au diabète. Les deux sont validés pour la population ayant un diabète de type 1. Le PAID est validé uniquement pour l’analyse de son score global, alors que le T1-DDS peut être exploité de manière globale ou par sous-échelle. Le T1-DDS évalue plutôt les croyances négatives concernant les différents champs de la maladie, alors que le PAID décrit plutôt les ressentis émotionnels vis-à-vis des différents champs de la maladie. Le PAID couvre un champ plus large d’objets de détresse, et il est plus corrélé à la faillite des stratégies d’adaptation (coping), aux symptômes dépressifs et à la détérioration de la qualité de vie. Le T1-DDS évalue davantage les variables métaboliques et la gestion du diabète au quotidien. Les 2 questionnaires sont validés dans plusieurs langues, dont le français.   Quelle est la prévalence de la détresse liée au diabète ?   Les premières études réalisées aux États-Unis sur des cohortes de patients adultes ayant un diabète de type 2 ont retrouvé une prévalence de détresse cliniquement significative de l’ordre de 36 à 42 %, et celles effectuées chez des personnes avec un diabète de type 1 ont retrouvé une prévalence du même ordre de grandeur. Les observations longitudinales ont montré la persistance, voire l’aggravation des états de détresse au fil du temps, en l’absence de prise en charge spécifique. Certaines études ont retrouvé un impact favorable d’un bon contrôle glycémique sur le niveau de détresse.   Comment prendre en charge la détresse liée au diabète ?   La détresse liée au diabète doit être appréhendée dans le cadre d’une prise en charge globale du diabète par les prestataires de soins de santé, et ne doit pas être considérée comme une « pathologie » qui relèverait de soins spécialisés sortant du cadre de la prise en charge du diabète. En informant la personne vivant avec un diabète qu’en tant que soignant (diabétologue, infirmier(ère) ou tout autre membre de l’équipe de diabétologie), vous êtes concerné et intéressé par son expérience personnelle et son vécu émotionnel du diabète, le professionnel de santé ouvre la possibilité d’un échange qui à terme pourrait aider le patient à anticiper et mieux gérer ses réactions émotionnelles liées aux événements de vie difficiles. Certaines équipes sont à même d’offrir un cadre de soins individuels ou collectifs où la personne vivant avec un diabète va pouvoir exprimer ses doutes, ses questionnements, ses inquiétudes voire ses angoisses vis-à-vis de la maladie, et où elle saura qu’elle peut être écoutée et accompagnée. Différentes approches peuvent être offertes aux personnes vivant avec un diabète, par exemple l’entretien motivationnel pourrait induire un changement de perception des contraintes. L’accompagnement psychothérapeutique d’inspiration psychanalytique ou comportementale, le coaching de vie, les groupes de parole animés parmédecins et psychothérapeutes, les programmes thérapeutiques d’acceptation et d’engagement vis-à-vis de la maladie chronique sont des alternatives.   Impact des dispositifs médicaux sur la détresse liée au diabète   Les nouvelles technologies du diabète ont profondément modifié l’approche de la maladie diabétique par les patients et les soignants, en leur apportant des outils qui permettent de comprendre et mieux maîtriser les fluctuations de la glycémie, et grâce à l’automatisation de certaines tâches antérieurement dévolues au patient, d’alléger la charge mentale liée à la gestion du diabète. La mesure continue du glucose interstitiel par capteur a pu être généralisée à toutes les personnes vivant avec un diabète de type 1 en France, permettant à tout moment l’accès au niveau de glycémie instantané, et ouvrant la possibilité d’anticiper et de corriger les fluctuations liées aux repas, à l’activité physique, au stress. Grâce à ces dispositifs, les signaux d’alerte d’une glycémie haute ou basse constituent un élément sécurisant qui, pour certains, va réduire leur niveau d’anxiété et permettre un gain significatif de qualité de vie et une plus grande liberté d’agir. Ces outils sont de formidables vecteurs pour une connaissance intime de la physiologie de la glycémie et pour une meilleure compréhension de l’influence sur la glycémie des variables environnementales, comportementales et émotionnelles. Ces dernières années, l’accès à l’insulinothérapie automatisée par la technologie de boucle fermée hybride s’est considérablement démocratisé avec sa prise en charge dans le champ conventionnel, et son impact positif sur le contrôle glycémique a été largement démontré aussi bien dans les études contrôlées que dans les études « de vraie vie ». Des résultats prometteurs sur l’impact psycho-social des boucles fermées hybrides commencent à émerger. Ainsi, l’étude française « IMPLIQUE » a évalué chez 257 adolescents et adultes vivant avec un diabète de type 1 les conséquences de l’introduction d’une boucle fermée hybride sur la détresse liée au diabète, et également sur la qualité de vie et sur une série de déterminants psycho-sociaux mesurés par des échelles standardisées. Avant l’initiation de la boucle fermée, 65 % des participants à la cohorte adulte traitée par pompe et capteurs présentaient sur l’échelle PAID un niveau de détresse émotionnelle sévère. Après 6 mois d’utilisation, la boucle fermée a permis de réduire de 16 % le pourcentage de participants ayant une détresse émotionnelle sévère. En particulier, on a pu constater une amélioration des items qui concernent l’inquiétude de survenue future de complications du diabète et de leur gestion, la sensation de culpabilité et d’anxiété vis-à-vis de la gestion du diabète, la crainte des hypoglycémies, l’épuisement physique et psychique causés parle diabète. Seules la sensation de « burn-out » engendré par les efforts constants pour gérer le diabète et la gêne sociale n’ont pas été améliorées. Dans la population de l’étude IMPLIQUE, la qualité de vie globale évaluée par l’échelle ADDQOL a aussi été améliorée avec l’utilisation de la boucle fermée hybride. Une méta-analyse récente a confirmé l’impact favorable de la technologie d’insulinothérapie automatisée sur la détresse liée au diabète.   CONCLUSION   Par-delà les progrès liés à la prise en charge de la glycémie qui ont été spectaculaires au cours de la dernière décennie, la compréhension des facteurs psycho-sociaux du diabète constitue un réel progrès dans la prise en charge des personnes vivant avec la maladie chronique diabétique. Il est important que tous les partenaires de santé soient sensibilisés à la détection de cette détresse émotionnelle liée au diabète qui constitue pour certains patients un frein à leur bien-être, voire un véritable handicap de vie. La mise au point de stratégies adaptées aux problématiques psychosociales singulières à chaque personne vivant avec un diabète de type 1 constitue un nouveau challenge dans la prise en charge de la maladie. Liens d’intérêts : Y. R. a des liens d’intérêts avec Insulet, Abbott, Sanofi, Eli Lilly, Embecta, Air Liquide Santé Int., TIMKL, Vitalaire. K.B. n’a pas de conflits d’intérêts.   Pour en savoir plus • Fisher L et al. Addressing diabetes distress in clinical care: a practical guide. Diabet Med 2019 ; 36 : 803-12. • Dennick K et al. What is diabetes distress and how can we measure it? A narrative review and conceptual model. J Diabetes Complications 2017 ; 31 : 898-911. • Reznik Y et al. The use of an automated insulin delivery system is associated with a reduction of diabetes distress and improvement of quality of life in people with type 1 diabetes. Diabetes Obes Metab 2024 (in press).

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