Diabéto-Cardio
Publié le 28 avr 2023Lecture 5 min
Cibler l’ARN pour traiter les dyslipidémies
Jean FERRIÈRES, Fédération de cardiologie, CHU de Toulouse
Les dyslipidémies sont avec le tabagisme, les deux facteurs majeurs de l’athérosclérose coronaire. C’est de la connaissance précise des mécanismes des dyslipidémies que sont issues les nouveautés thérapeutiques dans ce domaine. L’inhibition de l’HMG-CoA réductase a donné naissance à la classe des statines qui ont révolutionné la thérapeutique en cardiologie que ce soit au niveau de la prévention primaire ou de la prévention secondaire.
Les études récentes ont montré que l’objectif du LDL-cholestérol n’était pas obtenu dans la plupart des situations cliniques pour lesquelles le LDL-cholestérol de départ était relativement haut. D’autre part, l’hypercholestérolémie ne résume pas les dyslipidémies en général et la recherche bute toujours sur les traitements du HDL-cholestérol. Il y a en revanche de nouveaux traitements performants vis-à-vis de l’élévation de majeure des triglycérides, du LDL-cholestérol ou des remnants. Le but de cet article est de faire le point sur les médicaments qui ont un impact sur l’ARN.
Les étapes contemporaines des traitements des dyslipidémies
Les dyslipidémies ont connu tout d’abord un âge de bronze : c’était la période où on est passé du concept de l’athérosclérose jusqu’aux premières études d’intervention menées par l’Organisation mondiale de la santé ou par des industriels avec des médicaments comme l’acide nicotinique, les résines ou les fibrates. L’âge du fer a permis de comprendre la régression de l’athérosclérose coronaire avec les médicaments ou son éventuelle stabilisation ; les métaanalyses des nombreuses études sur les lipides ont montré qu’il y avait une possibilité de modifier le pronostic cardiovasculaire et le pronostic vital en traitant les dyslipidémies.
L’âge d’or est celui de la cardiologie où les statines ont montré avec les études 4S, Woscops et Care que le pronostic cardiovasculaire pouvait être maîtrisé. Les statines ont exploré tous les champs de la cardiologie moderne, de l’insuffisance rénale jusqu’à l’insuffisance cardiaque, mais les principaux succès sont dans le domaine de l’athérosclérose vasculaire : plus le risque d’athérosclérose est élevé et plus les chances de modifier le pronostic vital sont grandes.
L’âge de la reconquête
Pendant de nombreuses années, il n’y a pas eu de vraies innovations dans le domaine des lipides, car les statines et l’ézétimibe dominaient le marché et l’innovation est venue subitement du domaine des biothérapies et non plus de la chimie traditionnelle (figure 1).
La première grande avancée a été représentée par les anticorps monoclonaux qui ont des cibles protéiques. L’alirocumab et l’évolocumab ciblent la protéine PCSK9 et le dernier anticorps, l’evinacumab cible l’angiopoïetine like-3 ou ANGPTL3.
Il existe toujours des médicaments traditionnels comme l’acide bempédoïque ou les fibrates. Ces deux médicaments occupent une place comme un traitement d’appoint des dyslipidémies, mais ne viendront sûrement pas en première ligne, car leur efficacité est plus limitée par rapport aux traitements modernes.
Enfin, sont arrivés plus récemment les médicaments qui modifient l’ARN messager que ce soit des oligonucléotides anti-sens vis-à-vis de l’ARN messager ou des médicaments qui modifient l’expression de l’ARN messager.
Les médicaments ciblant l’ARN messager (figure 2)
Comme on peut le voir sur la figure, cette nouvelle classe de médicaments ne cible pas que les lipoprotéines riches en cholestérol. C’est effectivement le cas pour les médicaments de l’ARN messager qui cible la protéine PCSK9 dont le chef de file est l’inclisiran.
D’autres médicaments ciblent l’apolipoprotéine CIII, et donc ciblent les lipoprotéines riches en triglycérides, c’est-à-dire les remnants.
D’autres médicaments vont cibler l’ARN messager de l’apolipoprotéine (a) et vont donc avoir une action originale sur ce nouveau facteur de risque bien connu des lipidologues et de ceux qui s’intéressent au rétrécissement aortique.
Il y a des médicaments qui ciblent l’angiopoïetine like-3 ou ANGPTL3 et ces médicaments ont des actions multiples agissant sur les triglycérides, sur le LDL-cholestérol, ainsi que sur le HDL-cholestérol.
Quels sont les mécanismes de base pour expliquer l’efficacité des médicaments qui ciblent l’ARN messager ? (figure 3)
La première option est représentée par les oligonucléotides antisens ; ces médicaments sont des molécules d’ADN simple brin de l’ADN complémentaire de l’ARN messager ciblé ; ils peuvent bloquer la translation de la protéine en question en favorisant la dégradation de l’ARN messager par l’intermédiaire d’une enzyme qui s’appelle RNase H1.
Le deuxième type de mécanisme est représenté par le changement d’épissage de l’ARN messager précurseur en favorisant l’inclusion ou l’exclusion de certains exons.
Les ARN de petites tailles interférants peuvent être simple brin ou double brin. Ces médicaments exploitent la voie endogène des ARN de petite taille c’est-à-dire les micro-RNA. Ils induisent l’extinction d’un signal d’un ARN messager complémentaire par l’intermédiaire du chargement sur une pièce maîtresse qui est le RISC c’est-à-dire le « RNA induced silencing complex ».
Les deux avenues principales de traitement de l’ARN messager (figures 4 et 5)
Le premier mécanisme est celui des oligonucléotide anti-sens et un médicament est déjà commercialisé, c’est le mipomersen (figure 4).
Dans l’hépatocyte, après traitement par le mipomersen, ciblant l’ARN messager de l’alipoprotéine B, c’est-à-dire la protéine principale du LDL-cholestérol, le mipomersen va venir s’hybrider avec l’ARN messager de l’alipoprotéine B et va attirer et activer l’enzyme RNase H1. Cette enzyme reconnaît le complexe « RNA-DNA heteroduplex » et elle va venir cliver l’ARN messager de l’apolipoprotéine B. Ceci va diminuer la production de la lipoprotéine VLDL et in fine va diminuer la présence de LDL-cholestérol dans la circulation sanguine.
Le deuxième mécanisme est représenté par les médicaments qui agissent sur le complexe RISC (figure 5).
La protéine PCSK9 diminue l’expression du récepteur LDL à la surface des hépatocytes. L’inclisiran par exemple va se lier sur le récepteur asialoglycoprotéine sur la surface des hépatocytes et ainsi être internalisé.
Quand le brin qui sert de guide va être chargé dans le complexe RISC, ce complexe scanne l’ARN messager pour des séquences homologues.
L’hybridation de l’ARN messager pour la protéine PCSK9 induit un clivage de l’ARN messager et donc une diminution de l’expression de la protéine PCSK9. Ceci réduit les effets négatifs de régulation de la protéine PCSK9 sur le niveau du LDL récepteur et cela va favoriser la clairance du LDL-cholestérol de la circulation sanguine.
Les cibles des différents traitements de l’ARN et leurs phases de développement (tableau 1)
Les caractéristiques précises des différents médicaments ainsi que leur pharmacologie et les données cliniques sont représentées dans le tableau 1.
Les avantages et les inconvénients des nouveaux traitements des dyslipidémies (tableau 2)
Publié dans Cardiologie Pratique
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