Publié le 08 nov 2021Lecture 18 min
Stratification du risque et dépistage de la maladie coronaire chez les patients diabétiques asymptomatiques - Position commune de la Société francophone du diabète et de la Société française de cardiologie
Paul VALENSI, unité d’endocrinologie diabétologie nutrition, APHP, hôpital Jean Verdier, CINFO, CRNH-IDF, université Paris Nord, Bondy
Au cours des dernières décennies, l’incidence des événements cardiovasculaires a notablement baissé chez les patients diabétiques, et cela grâce au meilleur contrôle des facteurs de risque.
L'incidence de l’infarctus du myocarde (IDM) a baissé de 68 % entre 1990 et 2010 aux États-Unis(1). Cette même tendance favorable a été rapportée dans des registres d’Europe du Nord. Il a même été noté, dans le registre national suédois du diabète, que la mortalité et le risque d’IDM sont devenus identiques chez les diabétiques ayant 5 facteurs de risque contrôlés (HbA1c, pression artérielle systolique, LDL-cholestérol, albuminurie, et absence de tabagisme) comparativement à la population de référence(2). Les données de cette étude sont cohérentes avec le bénéfice du contrôle multifactoriel du risque démontré dans la fameuse étude STENO-2(3). Toutefois, globalement la mortalité cardiovasculaire demeure plus élevée chez les diabétiques que dans la population générale.
Le risque cardiovasculaire associé au diabète est en fait hétérogène, dépendant de différents facteurs dont certains ne sont pas propres au diabète et d’autres sont liés au diabète.
La maladie coronaire silencieuse dépistée par des méthodes non invasives a également vu sa prévalence décroître au cours des 20 dernières années. Dans nos premières études, l’ischémie myocardique silencieuse (IMS) recherchée par scintigraphie myocardique de stress était présente chez plus de 30 % des patients inclus du fait de la présence de facteurs de risque associés(4). Dans notre série actuelle, en utilisant toujours la scintigraphie de stress, cette prévalence est de seulement 11 %, réduction à mettre encore sur le compte de l’amélioration notable du contrôle des facteurs de risque. Néanmoins, l’IDM silencieux découvert sur une séquelle apparente sur l’ECG (ondes Q anormales) et avec une plus grande fréquence à l’échocardiogramme ou à la scintigraphie demeure une réalité(5). Il est donc indispensable, dans une perspective d’efficience, d’améliorer les critères devant conduire au dépistage de la maladie coronaire silencieuse (IMS).
Différentes méthodes peuvent être proposées pour ce dépistage, reposant sur des épreuves fonctionnelles de stress, éventuellement associées à des techniques d’imagerie, ou sur la visualisation des lésions coronaires. En pratique, un nombre excessif d’explorations est pratiqué, souvent sans que le risque cardiovasculaire (risque a priori) des patients soit considéré. En outre, la pertinence de ce dépistage est encore controversée surtout du fait que son bénéfice n’est pas formellement établi. Toutefois, les études ayant testé l’utilité du dépistage vis-à-vis de la prévention des événements cardiovasculaires sont méthodologiquement critiquables, dans la mesure essentiellement où le dépistage de l’IMS n’a pas été suivi de la recherche de sténoses coronaires ni d’opportunités de revascularisation. Néanmoins, une métaanalyse d’études randomisées ayant comparé un groupe de patients ayant eu ce dépistage à un groupe ne l’ayant pas eu indique une réduction de 27 % des événements cardiaques subséquents dans le premier groupe, mais sans réduction de la mortalité de cause cardiaque(6).
Les dernières recommandations françaises sur la recherche de la maladie coronaire chez les patients diabétiques asymptomatiques ont été publiées en 2004(7). L’American Diabetes Association (ADA) recommande de ne pas réaliser ce dépistage en routine bien sûr, mais de considérer le dépistage chez les patients ayant des symptômes cardiaques atypiques, des anomalies à l’ECG (ondes Q) ou des signes ou symptômes de maladie vasculaire périphérique(8). Récemment, une stratégie basée sur la stratification du risque a été développée par l’European Society of Cardiology (ESC) en collaboration avec l’Association européenne pour l’étude du diabète (EASD)(9). La stratification du risque inclut l’âge, le type et l’ancienneté du diabète, le nombre de facteurs de risque associés et l’atteinte éventuelle d’organes cibles.
Une actualisation de la position française était attendue depuis plusieurs années. Avec un groupe rassemblant des diabétologues, des cardiologues et des spécialistes de l’imagerie cardiaque, nous avons élaboré et publié cette année une position commune à la SFD et à la SFC portant sur la stratification du risque et le dépistage de la maladie coronaire chez les patients diabétiques asymptomatiques(10). Je vous en propose ici un résumé des principales lignes directrices.
Pourquoi stratifier le risque coronaire chez les patients diabétiques ?
La stratification du niveau de risque revêt un triple intérêt. Elle conduit à :
– décider ou non d’entreprendre la détection de la maladie coronaire silencieuse, en sachant que ce dépistage ne devrait être envisagé que chez les patients à risque très élevé ;
– déterminer les objectifs thérapeutiques à atteindre ;
– privilégier dorénavant, chez les patients à risque élevé ou très élevé, les médicaments antihyperglycémiants qui ont démontré un bénéfice dans la réduction du risque cardiovasculaire.
Bases de l’évaluation du risque coronaire chez les patients diabétiques
Différentes équations évaluant le risque cardiovasculaire à partir des facteurs de risque majeurs sont proposées en population générale et certaines sont proposées dans le diabète. Les premières ne peuvent s’appliquer à la population diabétique, les secondes dans l’ensemble ne sont pas validées lorsqu’elles s’appliquent à des populations différentes de celles dans lesquelles elles ont été établies. De plus, ces équations ou scores de risque paraissent difficilement applicables et, de fait, sont très peu utilisés dans la pratique clinique quotidienne.
Les facteurs entrant dans l’évaluation du risque coronaire chez les patients diabétiques sont de différents ordres. Ils incluent des facteurs cliniques et biologiques courants, certaines comorbidités, des symptômes cliniques, l’ECG standard, des marqueurs anatomiques non coronaires, des marqueurs fonctionnels de maladie coronaire, enfin une évaluation anatomique des artères coronaires. Il n’est pas question de pousser à réaliser ces différentes modalités d’explorations, mais au contraire d’en rationaliser l’usage.
Facteurs de risque cliniques et biologiques et comorbidités
Il s’agit des facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels associés au diabète et de leur niveau de contrôle : âge, HTA, tabagisme, antécédents familiaux d’accidents cardiovasculaires précoces, LDL-C ; et de facteurs liés au diabète : ancienneté de la maladie, taux d’HbA1c, atteinte d’organes cibles, à la fois micro- et macrovasculaires. Concernant le rôle des complications microangiopathiques, la microalbuminurie et encore plus la macroprotéinurie et l’insuffisance rénale sont associées à un risque cardiovasculaire plus élevé et à une augmentation de la mortalité. Certaines études ont également rapporté une association entre rétinopathie diabétique et événements cardiovasculaires. La neuropathie autonome cardiaque au stade infraclinique définie par une réduction des variations de la fréquence cardiaque au cours d’épreuves standards, dont la respiration profonde, l’épreuve d’orthostatisme et l’épreuve de Valsalva, est associée à la présence plus fréquente d’une IMS et à une augmentation de la morbi-mortalité cardiovasculaire.
Certaines comorbidités exposent également à une augmentation du risque cardiovasculaire. Il s’agit notamment de la présence d’une dysfonction érectile, d’un syndrome d’apnées obstructives du sommeil ou encore d’une maladie non alcoolique du foie (NASH).
Concernant certains marqueurs biologiques de risque comme des taux élevés de troponine ou de N-terminal pro-Brain Natriuretic Peptide (NT-pro-BNP), ce sont de bons prédicteurs d’événements cardiovasculaires, mais ils n’offrent pas de valeur discriminante suffisante pour la détection de la maladie coronaire silencieuse.
Symptômes cliniques et ECG de repos
Chez certains patients considérés comme asymptomatiques, un interrogatoire rigoureux peut retrouver une dyspnée, une gêne thoracique ou une diminution de la capacité fonctionnelle pour des efforts modérés. Ces manifestations doivent conduire à des explorations cardiologiques complémentaires.
La valeur de l’ECG de repos ne doit pas être négligée. Sa valeur prédictive négative est faible, mais sa valeur prédictive positive de maladie coronaire est élevée ; en particulier la présence d’ondes Q anormales ou d’ondes T négatives anormales est un indicateur potentiel de maladie coronaire, de même qu’un complexe QRS élargi (bloc de branche gauche ou bloc de branche droit récent) ou une fibrillation atriale. En revanche, l’enregistrement Holter ECG sur 24 heures offre une faible sensibilité pour le dépistage d’épisodes ischémiques chez les patients sans maladie coronaire connue.
Les marqueurs anatomiques non coronaires
L’athérome périphérique
La maladie artérielle intéresse souvent plusieurs territoires chez les patients diabétiques. La présence d’une maladie artérielle périphérique est un prédicteur fort de maladie coronaire. Une sténose carotidienne entre 50 % et 70 % a été trouvée associée à un risque double d’AVC ou d’infarctus du myocarde fatal ou non fatal et de mortalité totale(11). En revanche, l’intérêt pour l’épaisseur intima-média carotidienne dans l’évaluation du risque s’est atténué compte tenu de sa faible spécificité et de sa reproductibilité médiocre. Un index de pression systolique cheville/bras ≤ 0,90 ou > 1,40 est associé à un risque double ou triple de mortalité totale et de mortalité cardiovasculaire(12). Ainsi la présence d’une maladie cardiovasculaire périphérique significative doit être prise en compte dans l’évaluation du risque coronaire.
Échocardiographie de repos
Chez des diabétiques asymptomatiques, cet examen peut mettre en évidence des altérations compatibles avec une maladie coronaire ou évocatrices d’une cardiomyopathie. Dans un travail du service, nous avons rapporté une prévalence élevée, d’environ 30 %, de l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) chez des patients diabétiques asymptomatiques, et une prévalence légèrement moindre en l’absence d’hypertension ou de maladie coronaire, cette HVG témoignant alors probablement de l’existence d’une cardiomyopathie(13). Une hypokinésie segmentaire peut aussi être mise en évidence à l’échocardiographie et doit alors faire suspecter une sténose coronaire sévère et conduire à des explorations cardiologiques complémentaires. Lorsqu’une akinésie segmentaire est observée, un infarctus du myocarde silencieux ou méconnu doit être suspecté et cela doit conduire à la réalisation d’une coronarographie, éventuellement précédée d’une exploration par imagerie de stress.
Marqueurs fonctionnels de maladie coronaire
Plusieurs méthodes peuvent être proposées. L’épreuve d’effort est la méthode la plus classique et encore la plus utilisée. Ses critères de positivité reposent sur le déclenchement d’une douleur thoracique et sur l’apparition de modifications électrocardiographiques d’ischémie. L’épreuve a également l’intérêt d’évaluer la réponse et la capacité à l’effort. Les limites de cette épreuve reposent toutefois sur la fréquence d’une épreuve sous-maximale chez les patients diabétiques.
L’imagerie cardiaque couplée au stress (tableau 1) offre une sensibilité et une spécificité meilleures que l’épreuve d’effort simple pour la détection de la maladie coronaire silencieuse en prenant pour référence la présence de sténoses significatives à la coronarographie. Il s’agit de la scintigraphie myocardique couplée à l’effort et/ou à un agent pharmacologique en s’appuyant sur des critères rigoureux de positivité (défauts de fixation quantifiés selon un modèle à 17 segments). L’échocardiographie de stress, au cours d’un effort ou en utilisant un agent pharmacologique, peut aussi être proposée, ou encore une IRM de stress même si les études publiées avec cette méthode sont peu nombreuses et portent sur des effectifs limités de patients. La positivité de ces explorations d’imagerie est associée à un mauvais pronostic cardiovasculaire. Le choix de la méthode d’imagerie dépend des disponibilités locales, en sachant que les coûts sont plus élevés pour l’imagerie de stress que pour l’épreuve d’effort.
Évaluation anatomique de la maladie coronaire
Le score de calcifications artérielles coronaires (CAC)
Cet outil permet de détecter l’athérosclérose coronaire en considérant que chaque calcification correspond à une plaque athérosclérotique. Il évalue le volume des calcifications coronaires. La méthode est rapide, non invasive et peu onéreuse. Le développement de cette méthode a débuté il y a une trentaine d’années(14). Elle repose sur un scanner cardiaque simple. L’irradiation est faible (1-2 mSv), équivalente à la dose d’une mammographie et inférieure à celle du coroscan. Des classes de score d’Agatston ont été définies : < 10 (très faible risque), 10-100 (risque faible), 100-400 (risque modéré) et > 400 unités Agatston (risque élevé). Cependant, ce score devrait être interprété en regard de l’âge du patient. La prévalence d’un score CAC élevé est supérieure à 20 % parmi les patients diabétiques asymptomatiques, plus élevée que dans la population non diabétique.
Plusieurs études ont montré qu’un score élevé est associé à la survenue d’un événement coronarien et cardiovasculaire et à une augmentation de la mortalité. Pour un même niveau de score, le taux d’événements est plus élevé chez les patients diabétiques que chez les non diabétiques(15). De plus, le score CAC améliore la valeur de prédiction d’événements estimée par les facteurs de risque traditionnels(16).
Un autre intérêt majeur du score CAC consiste dans l’identification des patients à risque plus élevé de maladie coronaire silencieuse. Une métaanalyse récente va bien dans ce sens en montrant une relation forte entre le niveau du score CAC et la probabilité de détecter une ischémie myocardique lors d’une scintigraphie de stress(17).
Il est utile aussi de souligner la valeur prédictive négative d’un score bas (< 100 ou encore mieux 0-10), à la fois pour l’absence de survenue d’événements dans les 5 ans et pour l’absence très probable d’IMS.
Ainsi, ce score est retenu comme modificateur de risque dans les recommandations ADA et ESC/EASD(9,18). En pratique, cela signifie qu’un patient considéré comme à risque modéré ou élevé passera dans la catégorie du très haut risque si le score CAC est élevé.
Enfin, un score élevé pourrait aider aux décisions thérapeutiques d’incitation au renforcement des mesures d’hygiène de vie et d’initiation et de maintien des traitements préventifs. De fait, une étude randomisée a montré que les patients qui avaient eu une évaluation du CAC s’étaient vu prescrire plus de traitements de cardio-protection et avaient un meilleur contrôle de facteurs de risque que ceux qui ne l’avaient pas eue(19).
Coroscan
Cette technique permet la visualisation des artères coronaires par scanner avec injection d’un produit de contraste iodé. L’intérêt de cette méthode a surtout été mis en évidence chez les patients symptomatiques, tandis que des évaluations complémentaires sont nécessaires chez les patients diabétiques asymptomatiques. Il faut ici mentionner que la présence de calcifications importantes peut rendre difficile l’analyse des images.
Coronarographie
Elle est utilisée pour évaluer des sténoses coronaires chez des patients ayant une ischémie démontrée lors d’une épreuve de stress ou des sténoses significatives au Coroscan, lorsqu’une revascularisation est envisagée. La FFR (Fractional Flow Reserve) est une évaluation dynamique du flux coronaire au cours de la coronarographie. Cette méthode est sans doute d’intérêt pour guider l’indication de revascularisation.
Algorithme de stratification et de prise en charge du risque coronaire
Il est maintenant admis que l’évaluation du risque coronaire chez un patient diabétique ne doit plus s’appuyer seulement sur les facteurs de risque traditionnels.
L’algorithme que nous avons proposé dans cette Position SFDSFC concerne les patients ayant un diabète de type 2 ou de type 1, âgés de 35 à 75 ans. Il comporte 3 étapes (figure 1).
• La première étape (boîte rouge) consiste à identifier les patients remplissant des critères évidents de très haut risque du fait de la présence d’atteintes d’organes : ma ladie cardiovasculaire (in - cluant fibrillation atriale, insuffisance cardiaque), macroprotéinurie, insuffisance rénale sévère, présence d’ondes Q anormales sur l’ECG, altérations ventriculaires gauches à l’échocardiographie, sténose artérielle périphérique, également l’hypercholestérolémie avec LDL-C > 1,90 g/l sous traitement, témoin probable d’une hypercholestérolémie familiale. La présence d’un seul item suffit à considérer d’emblée que le patient est à très haut risque coronaire.
• La seconde étape (boîte orange) consiste à identifier les patients suspects d’être à haut risque, du fait notamment d’une longue durée de diabète, de la présence de complications microangiopathiques et de facteurs de risque non contrôlés. Concernant ce dernier critère, la proposition s’appuie sur l’étude récente du registre suédois du diabète qui amène à considérer que les facteurs de risque impactent véritablement sur le risque s’ils sont multiples et non contrôlés. Autrement dit, une hypertension seule ou une HbA1c élevée seule ne suffit pas à majorer suffisamment le risque pour inscrire le patient dans la catégorie du haut risque. Lorsque 2 items au moins dans la boîte orange sont présents, le patient est considéré à risque élevé. Les patients n’ayant aucun de ces items ou ayant un seul item présent sont considérés à risque modéré.
• La troisième étape consiste à mesurer le score CAC chez les patients répondant aux conditions du risque élevé. La stratification du risque sera alors réalisée selon ce score en tenant compte de l’âge. Ainsi, la valeur de ce score amènera éventuellement à considérer secondairement le risque comme modéré (si CAC 0-10) ou à maintenir le patient dans la catégorie du haut risque ou l’amènera dans la catégorie du très haut risque.
Ces 3 strates — risque modéré, élevé ou très élevé — s’alignent avec les recommandations européennes, mais nous paraissent plus précises en tenant compte davantage de critères diabétologiques et des données les plus récentes de la littérature. Elles permettent de définir les objectifs thérapeutiques à atteindre ainsi que certains choix thérapeutiques comme nous le verrons plus loin. En outre, c’est seulement chez les patients à très haut risque que le dépistage de la maladie coronaire silencieuse sera préconisé en recourant de préférence à l’imagerie cardiaque couplée au stress. Si le dépistage est positif, un avis cardiologique est bien sûr nécessaire et une coronarographie peut être proposée. Si le dépistage est négatif, le patient demeure dans la catégorie du très haut risque.
Chez les patients à risque modéré, l’évaluation du risque coronaire devrait être réalisée annuellement par ce même algorithme. Chez un patient à très haut risque avec des épreuves de dépistage négatives, un nouveau dépistage devrait être réalisé 3 à 5 ans plus tard si le patient demeure strictement asymptomatique.
Bénéfices potentiels du dépistage de la maladie coronaire
Le contrôle intensif multifactoriel du risque en plus de l’amélioration de l’hygiène de vie réduit de plus de 50 % l’incidence des événements cardiovasculaires et la mortalité selon l’étude STENO-2 qui a publié ses résultats de suivi jusqu’à 21 ans. Des objectifs exigeants devraient être en particulier visés chez les patients à risque très élevé de maladie coronaire.
Contrôle glycémique et traitements antihyperglycémiants
Le bénéfice du contrôle glycémique dans la prévention cardiovasculaire est encore controversé. Ce bénéfice apparaît toutefois dans les études qui ont prolongé le suivi sur une longue période (« mémoire glycémique »), notamment l’UKPDS dans le diabète de type 2 et l’étude DCCT/EDIC dans le diabète de type 1. Le contrôle glycémique intensif expose toutefois à un risque accru d’hypoglycémie. Ce risque doit être réduit en s’abstenant d’un objectif glycémique trop exigeant chez les patients coronariens ou insuffisants cardiaques et en évitant chez eux les médicaments hypoglycémiants.
Les nouvelles classes thérapeutiques, à savoir les agonistes du récepteur du GLP1 et les inhibiteurs du co-transporteur sodiumglucose (iSGLT2), ont apporté, dans les grandes études de sécurité cardiovasculaire, la démonstration de leur intérêt dans la prévention secondaire d’événements ischémiques. Rappelons que ces essais ont inclus des patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire. La majorité de ces patients avaient une maladie athéromateuse coronaire ou périphérique, soit symptomatique (en particulier avec un antécédent d’événement majeur), soit asymptomatique ou pauci-symptomatique. Les patients ayant une maladie coronaire silencieuse devraient véritablement être considérés comme en situation de prévention secondaire. Ainsi, chez les patients ayant une maladie coronaire connue comme chez ceux ayant une maladie coronaire détectée selon les modalités indiquées plus haut, les agonistes du GLP1 (liraglutide, sémaglutide et dulaglutide) devraient être préconisés pour réduire ces événements, comme cela est préconisé dans les recommandations de la SFD(20), dans les recommandations européennes et nord-américaines(9,21). Les iSGLT2 montrent également un bénéfice chez ces patients, mais il convient de retenir leur bénéfice essentiellement dans la réduction du risque d’insuffisance cardiaque et du risque rénal souvent associé.
Contrôle tensionnel
Cette Position française a retenu les mêmes objectifs tensionnels que ceux préconisés dans les recommandations ESC/EASD 2019(9), à savoir chez les patients diabétiques d’abaisser la pression artérielle systolique à 130 mmHg (ou < 130 mmHg si le traitement est bien toléré, mais non < 120 mmHg) avec une pression diastolique qui devrait être < 80 mmHg (mais non < 70 mmHg). Le traitement antihypertenseur de première ligne inclut un bloqueur du système rénine-angiotensine, en particulier chez les patients diabétiques albuminuriques ou ayant une hypertrophie ventriculaire gauche. Il est en outre recommandé d’initier le traitement par une combinaison d’un bloqueur du système rénine-angiotensine avec un antagoniste calcique ou un diurétique thiazidique.
Objectifs lipidiques
Le premier objectif porte sur le LDL-C avec une cible définie selon le niveau de risque (tableau 2). Une fois l’objectif de LDL-C atteint, il est maintenant justifié, chez les patients à risque élevé ou très élevé, de considérer le risque résiduel correspondant à la dyslipidémie athérogène définie par un taux élevé de triglycérides (> 2 g/l) avec un taux bas de HDL-C (< 0,40 g/l chez l’homme, < 0,50 g/l chez la femme). Ainsi, le cholestérol non-HDL (cholestérol total – HDL-cholestérol) devrait constituer un objectif secondaire pour le traitement de la dyslipidémie athérogène en visant un niveau de 0,30 g/l au-dessus de l’objectif défini du LDL-C. Et cet objectif trouve une place logique en particulier chez les patients à très haut risque coronaire. Une métaanalyse a en effet montré que le fénofibrate réduit significativement le risque d’événements cardiovasculaires majeurs chez les patients diabétiques avec dyslipidémie athérogène(22). Ainsi la prescription du fénofibrate peut être considérée, en association avec une statine, chez les patients à l’objectif de LDL-C qui conservent les critères de la dyslipidémie athérogène, après avis d’un spécialiste.
Quid du traitement antiagrégant plaquettaire ?
Le traitement antiagrégant ne devrait plus être systématique en prévention primaire. L’étude ASCEND a montré que chez les patients diabétiques âgés de plus de 40 ans en prévention primaire l’aspirine réduit l’incidence des événements cardiovasculaires, mais est associée à une augmentation du risque de saignements majeurs, en particulier gastro-intestinaux(23). Chez les patients à risque coronaire élevé ou très élevé, une faible dose d’aspirine peut être proposée si le risque de saignement est faible(9). À ce jour toutefois, aucune étude n’a exploré spécifiquement le bénéfice potentiel de l’aspirine chez les patients diabétiques ayant une maladie coronaire silencieuse.
Revascularisation coronaire
Chez les patients ayant une maladie coronaire significative, un traitement anti-ischémique et une revascularisation par angioplastie ou pontage peuvent être proposés, mais bien sûr, ces options thérapeutiques sont dans le champ de nos collègues cardiologues et s’appuient sur les dernières recommandations de l’ESC(24). Il en est de même pour la prise en charge des sténoses coronaires asymptomatiques.
Conclusion
▪ La stratification du risque coronaire devrait être réalisée chez tout patient diabétique dans la mesure où elle permet de décider de réaliser le dépistage coronaire de façon ciblée, individualisée et non aussi large qu’actuellement et dans la mesure où elle permet de définir des objectifs thérapeutiques et des traitements optimisés. Cette attitude s’inscrit bien dans une médecine « sur mesure ».
▪ Nous espérons que l’algorithme que nous avons proposé dans cette position commune SFD-SFC, qui s’appuie sur des critères cliniques et biologiques usuels pour les deux premières étapes et qui recourt au score CAC dans quelques cas, sera utilisé et considéré comme une aide dans la pratique quotidienne. L’appropriation et l’utilisation de cet algorithme demandent à être testées dans différents cadres d’exercice, libéral ou public, en médecine générale ou spécialisée. Au minimum l’importance de l’évaluation plus rigoureuse du risque coronaire, encore plus aujourd’hui qu’hier, devrait être prise en compte. La mise en pratique suppose également une meilleure collaboration entre diabétologues et cardiologues, avec un plus large échange d’informations et de décisions partagées, le patient étant également informé de la démarche et en acceptant les étapes(25).
▪ Quant au score CAC, il faut reconnaître qu’il n’est pas disponible partout, mais sa diffusion devrait être facilitée grâce au concours de Société française d’imagerie cardiovasculaire qui a soutenu cette position et par la sollicitation locale de nos confrères radiologues.
Déclaration de liens d’intérêts potentiels
Paul Valensi déclare avoir fait des conférences rémunérées à la demande des firmes Abbott, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Eli Lilly, Merck Sharp & Dohme (MSD), Novartis, Novo Nordisk, Sanofi, Servier ; avoir obtenu des crédits de recherche de AstraZeneca et Novo-Nordisk ; avoir participé à des comités d’experts pour Abbott, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Daiichi Sankyo, MSD, Novo Nordisk, Sanofi.
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