Publié le 08 avr 2019Lecture 3 min
Le cœur du diabétique - Insuffisance cardiaque : pensez à une cardiomyopathie diabétique
Michèle DEKER, Paris - D'après Michael JOUBERT (Caen)
Quel diagnostic évoquer chez un patient diabétique de type 2 obèse se plaignant d’une dyspnée d’effort sans antécédent de maladie coronarienne, avec un BNP à 60 pg/ml et une FE à 55 % à l’échographie ? Cette situation fréquente est souvent interprétée comme une dyspnée liée à l’obésité et au déconditionnement. En pratique, le BNP n’est pas toujours dosé ; les résultats de l’échographie cardiaque, examen très opérateur-dépendant, ne sont pas forcément concluants…
L’incidence de l’infarctus du myocarde a régressé chez les patients diabétiques grâce à l’intensification des traitements, alors que celle de l’insuffisance cardiaque progresse. Chez les patients diabétiques, l’insuffisance cardiaque est fréquente et corrélée à l’âge, avec un risque de survenue plus précoce de 10 à 20 ans environ comparativement à la population générale. Le risque d’insuffisance chez les hommes diabétiques est 2 fois plus élevé, celui des femmes diabétiques 5 fois plus élevé comparativement aux sujets non diabétiques. Son pronostic est médiocre, avec une survie à 5 ans proche de celle du cancer broncho-pulmonaire.
Cardiomyopathie diabétique : une entité reconnue
L’insuffisance cardiaque chez le diabétique peut être consécutive à un événement cardiaque ischémique, type infarctus du myocarde ou revascularisation coronaire mais cette étiologie n’est pas prédominante. Les principales causes d’insuffisance cardiaque chez le diabétique sont l’hypertension artérielle, la cardiopathie ischémique et la cardiomyopathie diabétique, entité longtemps débattue mais reconnue aujourd’hui comme une cause authentique de cette maladie. Pour chaque augmentation de 1 % d’HbA1c, le risque d’insuffisance cardiaque augmente de 8 % (Iribarren C. Circulation 2001 ; 103 : 2668). Le lien entre les désordres glycémiques et la cardiomyopathie diabétique (CMD) est corroboré par les études réalisées dans le diabète de type 1 qui montrent un lien avec le niveau d’HbA1c. Les premiers signes de CMD peuvent être observés après 5-10 ans d’évolution du diabète de type 1 chez l’enfant.
Deux phénotypes distincts de cardiomyopathie diabétique sont décrits :
– une CMD hypertrophique avec FE préservée, caractérisée par une hypertrophie des cardiomyocytes, une fibrose réactionnelle, une structure sarcomérique préservée, l’absence de dilatation du ventricule gauche, une hypertrophie ventriculaire gauche et une dysfonction diastolique. Cette forme est la plus fréquente chez le patient diabétique, en particulier de sexe féminin, et la plus difficile à diagnostiquer car les signes échographiques sont assez modestes ;
– une CMD à FE altérée, caractérisée par une dilatation des cavités, en particulier du ventricule gauche, une perte des cardiomyocytes et une altération de la structure sarcomérique.
Le diagnostic repose sur l’association d’un diabète, en l’absence de coronaropathie, valvulopathie ou cardiopathie congénitale, après exclusion d’une cardiopathie hypertensive, virale ou infiltrative, et de critères échographiques. Les profils associés sont :
– pour la CMD hypertrophique, l’obésité, le diabète de type 2 et l’insulinorésistance ;
– pour la CMD dilatée, le diabète de type 1, l’insulinopénie et l’auto-immunité. Le mécanisme initial est la rigidification du myocarde, qui peut être évaluée avec la technique du strain en échographie ou en IRM. L’observation d’une altération du strain est associée à un plus mauvais pronostic. L’augmentation de la rigidité myocardique est due à celle de la matrice extracellulaire (davantage de collagène, notamment de type 1, de ponts entre les fibres de collagène, favorisés par les dépôts de produits avancés de glycation) et à un effet direct sur les cardiomyocytes (anomalies de la décontraction active par dysfonction de la recapture du C++ par le réticulum endoplasmique ; mécanismes passifs d’oxydation/phosphorylation de la Titin, protéine ayant un rôle de ressort moléculaire).
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