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Publié le 15 avr 2018Lecture 5 min

La prise de position de la SFD… en pratique quotidienne - Une observation d’une patiente insuffisamment contrôlée sous la bithérapie recommandée : metformine + i-DPP4

Bernard CHARBONNEL, Université de Nantes, Patrice DARMON, service d’endocrinologie, maladies métaboliques et nutrition, CHU Conception, Marseille

Madame C., 64 ans, dont le recul connu de maladie diabétique est de 6 ans, présente les principales caractéristiques cliniques et biologiques suivantes :
– HbA1c 7,9 % sous metformine (2 g/j, bien tolérée) + sitagliptine 100 mg/j ;
– IMC 32 kg/m2, stable ;
– il sera sans doute difficile d’obtenir mieux en termes de modifications thérapeutiques du mode de vie car les nombreux conseils précédents de régime alimentaire et d’activité physique n’ont été suivis que temporairement ;
– la pression artérielle et les lipides sont bien contrôlés, sans traitement antihypertenseur mais avec une statine (atorvastatine 10 mg/j), prescrite il y a deux ans en raison d’un LDL-cholestérol à 1,40 g/L ;
– il n’y a pas d’atteinte cardiovasculaire connue, après un bilan cardiovasculaire récent considéré comme complet par le cardiologue ;
– il n’existe pas non plus d’atteinte microvasculaire : fond d’œil récent normal, pas de microalbuminurie, créatinine sérique normale.

D’après la prise de position de la SFD, que proposer à cette patiente ? En accord avec la patiente, il convient d’intensifier le traitement du diabète. D’après la prise de position de la SFD, la valeur-cible d’HbA1c est de 7 % chez cette patiente d’âge moyen sans comorbidités majeures, notamment cardiovasculaires (Avis n°3). Un objectif glycémique strict va permettre de prévenir l’apparition de complications microvasculaires (Avis n°1) dont la survenue est loin d’être improbable, si le diabète est mal contrôlé, chez une patiente dont l’espérance de vie est supérieure à une vingtaine d’années. En revanche, il n’est pas nécessaire, pour une patiente dont le diabète a été diagnostiqué il y a plusieurs années, d’avoir un objectif glycémique plus strict que 7 %, a fortiori si on doit utiliser des médications à risque d’hypoglycémie. L’option préférentielle : arrêt du i-DPP4 et prescription d’un agoniste du récepteur du GLP-1 Patrice DARMON Selon la prise de position de la SFD, l’option préférentielle chez cette patiente obèse est d’arrêter le i-DPP4 et de le remplacer par un agoniste du récepteur du GLP-1 (GLP-1 RA). Rappelons au passage qu’il faut toujours interrompre un traitement par i-DPP4 lorsque l’on introduit un GLP-1 RA : une telle association est sans objet et ne doit pas être prescrite. Les GLP-1 RA ont démontré dans plusieurs études une efficacité supérieure sur l’HbA1c et le poids versus i-DPP4, avec en outre un effet favorable de diminution de la pression artérielle. De plus, comme c’est le cas pour les i-DPP4, l’ajout d’un GLP-1 RA à la metformine ne provoque pas d’hypoglycémies, à la différence des sulfamides ou de l’insuline. Chez cette patiente obèse, le critère « poids » est un élément essentiel de décision, dans la mesure où les GLP-1 RA permettent généralement d’obtenir une perte de poids, à l’inverse des sulfamides et de l’insuline qui en font prendre. Toutefois, il s’agit d’un traitement injectable qui, s’il a le mérite d’une plus grande simplicité que l’insuline, peut se heurter à la réticence de certains patients. Il convient d’informer la patiente des différents choix possibles parmi les GLP-1 RA disponibles sur le marché français (aujourd’hui exénatide 2 injections/jour, liraglutide 1 injection/jour, dulaglutide 1 injection/semaine, exénatide retard 1 injection/semaine), en présentant les avantages et les inconvénients de chacune des molécules (et des systèmes injecteurs associés). En situation de prévention cardiovasculaire secondaire, ce qui n’est pas le cas de cette patiente, le choix préférentiel est celui du liraglutide (à la dose de 1,8 mg/j) en raison des résultats favorables de l’étude LEADER (Avis n°26). En dehors de cette situation, on privilégiera si possible le GLP-1 RA dont le coût journalier est le moins élevé (au 1er avril 2018 : exénatide 3,56 €, exénatide retard 3,05 €, dulaglutide 3,05 €, liraglutide 1,2 mg 3,21 €, source Vidal®). L’efficacité et la tolérance du GLP-1 RA, ainsi que l’adhésion au traitement, devront être évaluées 3 à 6 mois après son introduction, voire plus rapidement en cas de signes cliniques liés à l’hyperglycémie – il existe des patients non répondeurs à cette classe – ou d’intolérance (notamment digestive), et soigneusement réévaluées, à intervalles réguliers, compte tenu du coût journalier bien plus élevé que celui des sulfamides (Avis n°30). Une option alternative : la trithérapie orale Bernard CHARBONNEL La SFD propose deux options alternatives à la prescription d’un GLP-1 RA combiné à la metformine, sans réelle hiérarchie entre ces deux options, soit une trithérapie orale en ajoutant un sulfamide, soit un passage à l’insuline. Le choix de l’insuline est le choix traditionnel en cas d’échec d’une bithérapie orale. Il s’agit évidemment d’un bon choix, d’autant que l’insulinothérapie basale, à une injection par jour, qui doit être le schéma thérapeutique proposé (Avis n°16), est un schéma relativement simple d’insulinothérapie. Le choix de l’insuline s’impose en cas de signes cliniques suggérant une insulinopénie, notamment une perte de poids relativement importante sur les dernières années. Mais tel n’est pas le cas de la patiente. Le choix de l’insuline, pour légitime qu’il soit, se heurte à la réticence habituelle des patients (il est loin d’être acquis, sauf cas minoritaires, que ce sera le choix de la patiente dans le cadre de la décision médicale partagée) et au fait qu’il s’agit, même avec le schéma d’insulinothérapie basale, d’une thérapeutique relativement complexe, puisqu’elle nécessite, pour être efficace, une bonne éducation thérapeutique d’adaptation des doses d’insuline aux glycémies capillaires observées. Il y a également, et ceci peut compter chez cette patiente obèse, le risque d’une prise de poids. C’est la raison pour laquelle le choix d’une trithérapie orale est une bonne option alternative, surtout chez une patiente dont l’HbA1c n’est pas très élevée (les deux options injectables sont, en moyenne, plus puissantes que la trithérapie orale). Le libellé de la recommandation SFD (Avis n°10 et figure) est le suivant : « Une possibilité est de passer à une trithérapie orale metformine + i-DPP4 + sulfamide, ce qui permet de surseoir à la prescription d’un traitement injectable ». Dans ce scénario, on maintient donc la metformine et la sitagliptine à la même dose et on ajoute un sulfamide, avec une titration progressive de la dose pour éviter les hypoglycémies. En effet, l’avantage des i-DPP4, l’absence de risque hypoglycémique, disparaît dans cette association, du fait du risque hypoglycémique propre aux sulfamides. Les études ont montré que, pour une HbA1c de départ à 7,9 %, on atteint la valeur cible de 7 % dans à peu près la moitié des cas. Si la valeur cible n’est pas atteinte, il faudra arrêter le i-DPP4 et le sulfamide et passer à l’injectable (Avis n°4 et figure). Figure. Stratégie thérapeutique si HbA1c > objectif personnalisé malgré modifications thérapeutiques du mode de vie + bithérapie metformine + i-DPP4 à dose optimale bien observée. Au final, on peut donc présenter à la patiente les trois possibilités, l’ajout du comprimé, avec sa simplicité mais avec une moindre efficacité hypoglycémiante que les deux autres options ou l’ajout de l’injection, plutôt un GLP-1 RA que l’insuline. Le GLP-1 RA, outre sa bonne efficacité hypoglycémiante, aura l’avantage supplémentaire sur les deux autres options de la perte de poids et de l’absence de risque hypoglycémique. En laissant finalement à la patiente la décision dans le cadre d’une décision médicale partagée (Avis n°2).

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