Congrès
Publié le 14 déc 2016Lecture 5 min
Équilibre thyroïdien : nouveautés et pratiques
Congrès de la SFE
Maintenir et contrôler l’équilibre thyroïdien est un enjeu thérapeutique important. Les normes relatives aux produits à faible marge thérapeutique sont bien précises et ainsi les hormones de substitution thyroïdiennes doivent répondre à des spécifications strictes. C’est pourquoi le laboratoire Merck fait évoluer la formule de sa spécialité Levothyrox® (lévothyroxine sodique). Elle se caractérise par une meilleure stabilité en principe actif durant toute la durée de conservation du produit et une modification de certains excipients (remplacement du lactose par du mannitol et ajout d’acide citrique). Des études de pharmacocinétique ont permis de démontrer la bioéquivalence de cette nouvelle formule avec le Levothyrox® actuellement sur le marché.
Les objectifs du traitement de l’hypothyroïdie doivent également être adaptés à l’âge et au contexte. Par ailleurs, plusieurs facteurs sont susceptibles de faire varier cet équilibre thyroïdien, en particulier lorsque l’absorption de la lévothyroxine est modifiée. La maitrise de cet équilibre thyroïdien reste un challenge !
Les études de bioéquivalence ont pour but de comparer la biodisponibilité des principes actifs de deux spécialités pharmaceutiques, soit un princeps et un générique, soit dans le cas présent une formulation ancienne et une nouvelle formulation de la même substance active. Trois paramètres pharmacocinétiques sont considérés comme importants : la concentration maximale (Cmax), le temps pour atteindre la Cmax (Tmax) et l’exposition systémique évaluée par l’aire sous la courbe (AUC0-µ). La Cmax, paramètre hybride caractérisant à la fois la quantité et la vitesse, sera d’autant plus basse que la vitesse d’absorption est lente.
Il est admis que deux spécialités seront bioéquivalentes et auront les mêmes effets pharmacodynamiques si la Cmax et l’AUC0-µ sont semblables d’un point de vue statistique. La bioéquivalence est déterminée par la valeur moyenne des rapports entre le paramètre (Cmax et AUC) du médicament à tester et celui du médicament de référence de chaque patient inclus dans l’étude. Un intervalle de confiance à 90 %, dont les bornes varient selon la marge thérapeutique du médicament, fournit les critères d’acceptabilité de la bioéquivalence. Ainsi, en règle générale, les bornes de l’intervalle de confiance doivent être entre 80 et 125 % alors que pour un médicament à marge thérapeutique étroite, telle la lévothyroxine, les bornes de cet intervalle de confiance sont resserrées à [90 % et 111 %], soit une différence < 3 % entre les caractéristiques pharmacocinétiques des deux médicaments.
Les critères de bioéquivalence sont respectés
La bioéquivalence des deux formulations de lévothyroxine a été évaluée dans une étude monocentrique randomisée en ouvert, réalisée chez le volontaire sain, en cross-over comparant l’administration d’une dose de 600 μg de chaque formulation (3 comprimés de 200 μg) lors de deux séquences séparées par une période de wash-out. Le nombre de sujets devant être inclus dans cette étude a été déterminé pour démontrer statiquement la bioéquivalence en prenant en compte la variabilité intra-individuelle du médicament et la différence moyenne tolérée entre les deux formulations (< 3 %). Au total, 216 sujets ont été inclus parmi lesquels 204 ont terminé l’étude.
Les moyennes géométriques de la Cmax et de l’AUC0-72h de la thyroxine totale ajustées sur les valeurs de base individuelles des patients sont très proches (101,1 et 99,1 respectivement), le ratio test/référence étant de 99,3 % en moyenne. Pour la Cmax, l’IC 90 % est de 98,8 à 104,6 ; il est de 95,6 à 103,2 pour l’AUC0-72h. La variabilité inter-sujets est donc très faible.
L’étude comportait aussi une évaluation de la sécurité et tolérance des deux formulations, intégrant tous les sujets de l’étude. Elle n’a pas montré de différence de profil de tolérance entre les deux formulations.
Cette étude permet de conclure sans ambiguïté que les deux formulations de lévothyroxine sont bioéquivalentes. Les bornes de l’intervalle de confiance sont conformes aux critères d’acceptabilité des médicaments à marge thérapeutique étroite. En outre, les profils de tolérance sont équivalents.
Les enjeux et actualités du traitement de l’hypothyroïdie
L’objectif du traitement substitutif par l’hormone thyroïdienne est de normaliser les concentrations sanguines de TSH en cas d’hypothyroïdie périphérique et de thyroxine en cas d’hypothyroïdie centrale afin de faire disparaître les signes cliniques d’hypothyroïdie et d’améliorer la qualité de vie. Plusieurs paramètres sont à prendre en considération pour déterminer la posologie du traitement : l’importance de l’insuffisance thyroïdienne et son étiologie (une hypothyroïdie dans le cadre de la maladie de Hashimoto nécessite des doses inférieures à celles d’une hypothyroïdie postchirurgicale), ainsi que les caractéristiques du patient : les besoins en lévothyroxine diminuent avec l’âge, ils sont plus importants chez les femmes et augmentent pendant la grossesse. Ils sont également corrélés à la masse maigre. Un traitement substitutif nécessite des doses de l’ordre de 1,6 à 1,8 μg/kg/j comparativement à 2,3 μg/kg/j pour un traitement freinateur. Certains traitements modifient le métabolisme de la lévothyroxine en diminuant les besoins, comme les androgènes, ou en les augmentant tels les contraceptifs oraux.
Les modalités de prise du traitement ont un impact sur l’absorption de la lévothyroxine, qui est absorbée à 80 % dans le jéjunum terminal et l’iléon, lorsque le patient est à jeun. L’absorption peut être diminuée si la lévothyroxine est prise au cours d’un repas, et selon le type d’aliments ingérés ; elle est meilleure à distance des repas. La consommation de pamplemousse ou de café réduit l’absorption. Les pathologies gastro-intestinales interfèrent aussi en augmentant les besoins en lévothyroxine, telles que la maladie cœliaque (+ 50 %), l’intolérance au lactose (+ 30 %), les gastrites auto-immunes ou les infections à Helicobacter pylori, de même que les thérapeutiques ayant un impact sur le tractus digestif (inhibiteurs de la pompe à protons, hydroxyde d’alumine, chélateurs des acides biliaires) ou les sels ferreux et de calcium. En revanche, les données récemment publiées sur la pharmacocinétique de la lévothyroxine montrent que la chirurgie bariatrique s’associe à une diminution des besoins. En pratique, chez un patient traité pour une hypothyroïdie dont l’équilibre paraît suboptimal, il convient d’abord de faire préciser les conditions de prise du traitement (à jeun), de rechercher un médicament susceptible de modifier l’absorption, avant de rechercher des anticorps anti-estomac et anti-transglutaminase ainsi qu’une infection à H. pylori. Un test d’absorption de la lévothyroxine peut être effectué en dernier ressort (coefficient d’absorption de 40 à 90 %). Le défaut d’observance du traitement constitue un diagnostic d’élimination.
D’après un débat organisé par Merck dans le cadre du 33e Congrès de la Société française d’endocrinologie avec la participation de F. Borson-Chazot (Lyon), X. Declèves (Paris) et P. Caron (Toulouse)
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