Congrès
Publié le 14 avr 2016Lecture 5 min
Insuffisance cardiaque et diabète : état des lieux et perspectives
CODIA
L’insuffisance cardiaque est une complication fréquente chez le patient diabétique et de plus mauvais pronostic que chez le non-diabétique. Dans les études cliniques comme dans les registres s’intéressant à l’insuffisance cardiaque, on compte de 20 à 40 % de diabétiques, selon les populations et l’origine ethnique. Le risque d’insuffisance cardiaque chez le diabétique est corrélé avec l’HbA1c : toute augmentation de 1 % de l’HbA1c est associée à une augmentation du risque d’insuffisance cardiaque de 8 %. il s’agit pour moitié d’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée (iCFsP) et pour moitié d’insuffisance cardiaque systolique (iCs) à fraction d’éjection réduite. Alors que le traitement de l’iCFsP se résume à gérer les décompensations une fois la maladie installée et surtout à la prévenir (traiter l’hypertension artérielle), l’iCs a bénéficié de progrès thérapeutiques continus, qui se traduisent grâce à une escalade thérapeutique par une diminution de la mortalité et des hospitalisations. L’arrivée du sacubitril/valsartan (Entresto®) fait encore évoluer l’algorithme de traitement.
L’étude PARADIGM- HF, qui a validé la supériorité du sacubitril/valsartan vis-à-vis de l’énalapril en montrant une réduction de la mortalité cardiovasculaire de 20 % et de la mortalité totale de 16 %, conduit aujourd’hui à recommander d’introduire cette nouvelle thérapeutique chez les patients mauvais répondeurs à l’IEC/ARA II.
Une analyse de PARADIGM-HF vient d’être publiée, dans laquelle les auteurs ont évalué la prévalence des anomalies de la glycorégulation chez les patients n’ayant pas de diabète connu à l’entrée en stratifiant cette population en 3 catégories : non-diabétiques (HbA1c < 6 %, 26 %) ; prédiabète (HbA1c 6- 6,4 %, 26 %) ; diabète non diagnostiqué (HbA1c > 6,5 %, 13 %) ; 35 % de la population incluse (8 399 patients au total) avait un diabète connu (Kristensen SL et al. Circ Heart Fail 2016 : 9 : e002560). Comparativement aux non-diabétiques, les diabétiques connus ont un surrisque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de mortalité cardiovasculaire (HR 1,64 ; HR 1,39 chez les patients ayant un diabète méconnu) ; chez les patients en prédiabète, c’est surtout le risque d’hospitalisation pour IC qui est augmenté. L’étude a également évalué les interactions entre le statut glycémique, la fraction d’éjection (FE) et la survenue des événements cardiovasculaires : chez le patient diabétique, le risque d’événement est inversement corrélé à la FE ; il en est de même chez le patient prédiabétique ; chez le diabétique non diagnostiqué, le risque est encore plus important que chez le diabétique connu, dès lors que la FE est < 25 %.
Globalement, les thérapeutiques médicamenteuses proposées dans l’insuffisance cardiaque sont efficaces chez le diabétique comme chez le non-diabétique, quoique les bêtabloquants et les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) le soient un peu moins. La réadaptation cardiaque est aussi moins efficace en raison de la capacité d’effort plus basse chez le diabétique ; la survie après transplantation cardiaque est moins bonne et les événements plus fréquents sous assistance ventriculaire. Bien que les traitements lourds utilisés chez l’insuffisant cardiaque soient plus délétères chez le diabétique, ils s’accompagnent d’une amélioration du contrôle glycémique.
Quelle place pour Entresto® dans la stratégie thérapeutique ?
En vie réelle, moins de 70 % des insuffisants cardiaques suivent le traitement recommandé — à savoir un IEC ou un ARA II, suivi d’un bêtabloquant puis d’un ARM, introduits à dose croissante, et d’ivabradine si la fréquence cardiaque reste > 70 bpm —, ce qui explique le taux de réhospitalisations, deux fois plus élevé comparativement aux patients bien traités.
Contrairement aux précédentes innovations thérapeutiques, Entresto® ne va pas s’ajouter aux thérapeutiques préalables mais remplacer les antagonistes du système rénine-angiotensine. Cette combinaison de deux inhibiteurs agit en bloquant le récepteur de l’angiotensine II (valsartan) et la néprilysine (sacubitril) enzyme qui dégrade les substrats vasodilatateurs et vasoconstricteurs, ce qui a pour effet d’augmenter la durée de vie du BNP, de diminuer la pression artérielle, le tonus sympathique, la fibrose et l’hypertrophie myocardique, et d’augmenter la diurèse et la natriurèse. Ce traitement potentialise les défenses naturelles de l’organisme.
L’étude PARADIGM-HF qui comparait la combinaison sacubitril-valsartan à l’IEC de référence, l’énalapril, chez des patients en classe 2-4 NYHA (FEVG 29,6 % en moyenne, BNP > 250 pg/ml en moyenne) a démontré un bénéfice très significatif sur la mortalité toutes causes et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Il n’a pas été observé d’interaction négative avec l’âge, ni avec la pression artérielle ; toutefois une PA < 100 mmHg était un motif de non-inclusion dans l’étude. De même aucune interaction n’a été notée avec le sexe, la FE, la fonction rénale, le taux de NT-proBNP, la mise en place d’un défibrillateur ou un antécédent d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. A priori tous les insuffisants cardiaques peuvent donc bénéficier de ce nouveau traitement.
En pratique, comment prescrire et surveiller ?
La dose cible recommandée est de 97/103 mg x 2/j de sacubitril/valsartan. Le traitement est débuté à faible dose 24/26 mg x 2/j et augmenté progressivement à 49/51 mg x 2/j pour atteindre la dose maximale, par paliers de 2-4 semaines en fonction de la tolérance.
Sous traitement, une surveillance de la kaliémie, de la fonction rénale et de la pression artérielle est nécessaire. Comparativement à l’énalapril, dans l’étude PARADIGM il a été observé dans le groupe sacubitril/valsartan, significativement moins d’hypokaliémies, moins d’augmentations de la créatininémie, ce qui témoigne de l’amélioration de la fonction cardiaque, un peu plus d’hypotensions orthostatiques symptomatiques mais moins d’arrêts de traitement pour aggravation de l’insuffisance cardiaque ou rénale.
L’autorisation de mise sur le marché stipule que tous les patients avec ICS peuvent recevoir Entresto®. Chez un patient déjà traité par un IEC (et ne répondant pas au traitement), ce dernier doit être arrêté 36 heures avant de débuter Entresto® ; ce délai est inutile si le patient prenait un ARA II. La dose initiale est fonction du profil clinique du patient insuffisant cardiaque ; on peut débuter à dose moyenne chez un patient à risque pour parvenir plus rapidement à la dose cible ; chez un patient naïf d’IEC/ARA II ou hypotendu, mieux vaut débuter par la plus faible dose et programmer les augmentations de doses selon la tolérance. Il est nécessaire d’ajuster à la baisse les doses de diurétiques dès l’instauration du traitement par Entresto®.
Sous traitement, le suivi peut s’appuyer sur le dosage du NTproBNP qui baisse progressivement avec la réponse au traitement. La surveillance du BNP est, en revanche, inutile pour le suivi dans la mesure où le sacubitril a pour effet de l’augmenter.
D’après P. de Groote, P. Jourdain, M. Komajda et B. Charbonnel Symposium Novartis « Insuffisance cardiaque et diabète : état des lieux et perspectives » CODIA, février 2016, Paris
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