Publié le 31 mai 2015Lecture 5 min
Un nouvel a-GLP-1 hebdomadaire, le dulaglutide
M. DEKER
SFD
La classe des agonistes du GLP-1 est appelée à s’étoffer avec le dulaglutide, dérivé du GLP-1 humain, une molécule de structure innovante, d’administration hebdomadaire, évaluée en clinique dans le programme AWARD.
Les agonistes du GLP-1 comprennent des dérivés de l’exendine-4 (exénatide, lixisénatide et exénatide hebdomadaire) et des dérivés du GLP-1 humain, où seul le liraglutide est actuellement disponible en France, alors que deux autres molécules attendent leur commercialisation, l’albiglutide et le dulaglutide.
Ces diverses molécules diffèrent par leur homologie de structure avec le GLP-1, susceptible d’induire la formation d’anticorps, rarement bloquants, et par leur profil pharmacocinétique. Trois analogues ont une demi-vie longue permettant une administration hebdomadaire : l’exénatide hebdomadaire, l’albiglutide (1/2 vie de 5 jours) et le dulaglutide (1/2 vie de 5 jours). Les dérivés de l’exénatide sont éliminés par le rein, et par conséquent contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale, alors que les autres agonistes subissent une dégradation peptidique intracellulaire.
Dulaglutide : une molécule innovante
Le dulaglutide est une molécule recombinante formée par fusion covalente d’une séquence d’analogues du GLP-1 (homologie de séquence de 90 % avec le GLP-1 humain) avec le fragment Fc de l’IgG-4 modifié, liés par un peptide de liaison. La liaison de l’analogue du GLP-1 à l’immunoglobuline, molécule de grande taille, est responsable du retard de l’élimination. Le fragment modifié Fc de l’immunoglobuline a une très faible affinité pour les récepteurs Fc γ cellulaires.
Après injection, le dulaglutide atteint sa concentration maximale au bout de 48 heures ; l’état d’équilibre est obtenu entre 2 et 4 semaines après le début du traitement hebdomadaire. L’état de la fonction rénale n’a pas d’impact sur les concentrations plasmatiques de la molécule. Ces dernières sont diminuées, mais sans conséquence clinique, en cas d’insuffisance hépatique. L’administration de dulaglutide est donc possible en cas d’insuffisance rénale ou hépatique modérées. Le poids, l’âge, le sexe, l’ethnie n’influent pas sur l’action de dulaglutide. Aucun ajustement de dose n’est nécessaire mais la prudence est conseillée chez les sujets âgés de > 75 ans.
L’impact éventuel du retard de la vidange gastrique sur les traitements associés est cliniquement non significatif.
Le programme de développement AWARD
L’étude AWARD-5 est la seule du programme à comporter un volet recherche de dose en bénéfice/risque en comparant 7 doses de dulaglutide dont celles à 0,75 mg et 1,5 mg, sur un index d’utilité clinique regroupant la baisse de l’HbA1c, la perte de poids, la fréquence cardiaque (FC) et la pression artérielle diastolique (PAD) : le meilleur index clinique a été retrouvé avec la dose de 1,5 mg. Les patients diabétiques inclus, initialement sous mono- ou bithérapie, ont été traités pendant 3 à 11 semaines par metformine seule avant la randomisation en placebo 6 mois puis sitagliptine 100 mg, ou sitagliptine 100 mg, ou dulaglutide 0,75 mg hebdo ou 1,5 mg hebdo. Les résultats montrent la supériorité du dulaglutide 1,5 mg versus sitagliptine, à 26 comme à 52 semaines : la baisse de l’HbA1c est de 1,22 %, 1,01 % et 0,61 % à S26 sous dulaglutide 1,5 mg, 0,75 mg et sitagliptine respectivement. Davantage de patients sous dulaglutide 1,5 mg ont atteint l’objectif de < 7 % d’HbA1c (> 60 % à S26 et > 52 % à S52). L’efficacité se manifeste dès la 2e semaine sur la glycémie. La baisse de poids est également significative. L’effet du traitement se maintient à 104 semaines de randomisation (baisse de près de 1 % de l’HbA1c, perte pondérale de 3 kg). Les hypoglycémies ont été plus fréquentes sous dulaglutide que sous sitagliptine, mais aucune hypoglycémie sévère n’a été notifiée.
L’étude AWARD-6 a comparé le dulaglutide 1,5 mg au liraglutide 1,8 mg, associés à la metformine et démontre la non-infériorité du dulaglutide hebdomadaire, ce qu’aucun autre a-GLP-1 n’avait montré.
Dans l’étude AWARD-2, le dulaglutide a été comparé à la glargine titrée sur une glycémie à jeun (GàJ) < 1 g/l, chez des patients en échec de bithérapie metformine + sulfamide. Les résultats du dulaglutide 1,5 mg sont meilleurs sur la variation de l’HbA1c, de poids (-1,8 vs +1,6 kg) et les hypoglycémies (5-6 vs 8 %).
Au total, le dulaglutide hebdomadaire a fait la preuve de son efficacité chez les patients diabétiques de type 2 en échec de monothérapie ou de trithérapie. Il est aussi efficace en administration hebdomadaire que le liraglutide administré quotidiennement, permettant une baisse de plus d’un point d’HbA1c et une perte de poids significative.
Sécurité d’emploi et tolérance
Concernant l’immunogénicité, les taux d’anticorps développés par les patients traités par dulaglutide sont très bas (1,6 % des patients), neutralisants dans la moitié des cas mais sans impact sur l’équilibre métabolique. Les réactions cutanées à l’injection sont modestes et non spécifiques ; en particulier, il n’y a pas de formation de micronodules.
Chez l’homme, une légère augmentation des enzymes pancréatiques (lipase, amylase) est observée, laquelle reste dans la fourchette des valeurs normales et n’a pas de conséquences cliniques. Il n’est donc pas indiqué d’exercer une surveillance biologique particulière.
Au cours des essais cliniques, 12 cas de pancréatite ont été rapportés par les investigateurs (vs 3 sous placebo), dont 5 cas ont été adjudiqués au dulaglutide (vs 1 cas avec les traitements de comparaison), soit une incidence de 1/1 000. La FDA et l’EMEA ont par ailleurs conclu que l’association de causalité entre incrétinomimétiques et pancréatite ou cancer du pancréas n’est pas supportée par les données actuelles.
Contrairement aux observations chez le rongeur, aucune augmentation des taux de calcitonine pouvant faire craindre une hyperplasie des cellules C thyroïdiennes n’a été retrouvée.
Les premières données de sécurité cardiovasculaires sont également rassurantes : absence d’impact sur les événements cardiovasculaires majeurs, diminution significative de la pression artérielle d’environ 3 mmHg sur l’ensemble du nycthémère, accélération minime de la fréquence cardiaque (3 bpm).
Les seuls effets indésirables potentiellement gênants sont d’ordre gastro-intestinal. Les nausées et vomissements sont directement liés au taux plasmatique de l’a-GLP-1 et s’atténuent avec le temps. Pour l’ensemble des études, 6 % d’arrêt de traitement pour effet indésirable ont été enregistrés dont la moitié de nature gastro-intestinale.
Globalement, le dulaglutide se compare donc très bien aux autres antidiabétiques de référence, en termes d’efficacité et de tolérance, avec cette différence, qui en fait un avantage pour l’acceptabilité, l’observance et la qualité de vie des patients, une administration hebdomadaire.
D’après J.-P. Courrèges, B. Guerci et G. Charpentier, lors d’un symposium Lilly : « Un nouvel agoniste du récepteur du GLP-1 hebdomadaire mais pas seulement… » Congrès de la SFD, Bordeaux, 24-27 mars 2015
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