Publié le 30 sep 2014Lecture 7 min
Recommandations de la HAS - Le parcours de soins du diabétique de type 2 adulte - Qui doit faire quoi ?
P. FONTAINE, Service d’endocrinologie et diabétologie, CHRU de Lille
L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans son rapport de juin 2012 évaluant la prise en charge du diabète en France(1), constatait que le système de soins primaires est conçu pour soigner les pathologies aiguës, qu’il est cloisonné entre les professionnels de santé alors qu’il devrait être coordonné et pluridisciplinaire.
Le contexte
L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans son rapport de juin 2012 évaluant la prise en charge du diabète en France(1), constatait que le système de soins primaires est conçu pour soigner les pathologies aiguës, qu’il est cloisonné entre les professionnels de santé alors qu’il devrait être coordonné et pluridisciplinaire. Les auteurs recommandaient une meilleure coordination des actions en ville dans le domaine du suivi épidémiologique, du dépistage de la maladie, de l’éducation thérapeutique en soins primaires, de la coopération interprofessionnelle et de l’implication des patients.
Le rapport d’Alain Cordier de juin 2013 intitulé « Un projet global pour la stratégie nationale de santé » fait 19 recommandations parmi lesquelles on peut citer celles susceptibles d’améliorer la prise en charge et le parcours de soin des diabétiques :
- impliquer et accompagner la personne malade et soutenir l’entourage ;
- favoriser la constitution d’équipes de soins de santé primaire ;
- garantir pour les malades chroniques une coordination des professionnels de santé ;
- se donner les outils de la coordination et de la continuité ville-hôpital ;
- aider à la transmission d’informations entre professionnels de santé ;
- œuvrer au développement de nouvelles fonctions et de nouveaux métiers de santé.
Il existe au niveau des autorités de santé, une volonté affirmée de favoriser et d’accompagner le processus d’amélioration de l’organisation et de la qualité des soins, mais dans un contexte de contrainte budgétaire.
Les recommandations
Dans ce contexte, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié en mars 2014 un guide sur le parcours de soins du patient diabétique de type 2 adulte(2).
Selon la HAS, l’objectif du guide est double :
- expliciter le parcours de santé d’une personne ayant un diabète de type 2 en médecine de ville et notamment en médecine générale ;
- rendre compte de la multidisciplinarité de la prise en charge ainsi que des principes et modalités de coordination et de coopération entre les professionnels impliqués.
Concernant le contenu, le guide aborde le rôle des professionnels, en soins de premier recours comme en soins de second recours, du point de vue des fonctions nécessaires à la qualité et à la sécurité du parcours des patients.
Les principes généraux appliqués dans ce guide, comme pour les autres maladies chroniques sont les suivants :
- promouvoir la prise en charge en équipes multidisciplinaires de soins primaires ;
- personnaliser la prise en charge en fonction des besoins des patients ;
- favoriser l’éducation thérapeutique ;
- assurer l’accès aux spécialistes de second recours ;
- permettre l’intégration des services sanitaires et sociaux ;
- assurer l’efficience du système.
Six épisodes de soins du parcours ont focalisé l’attention des rédacteurs, comme étant structurants et pouvant être améliorés. Le rôle des différents professionnels de santé et autres intervenants lors de ces différents épisodes y est décrit dans le cadre d’actions coordonnées. Les points importants de chaque étape (un peu plus détaillés que dans la synthèse du document HAS, tableau), sont rapportés ci-dessous.
Du dépistage au diagnostic et à la prise en charge initiale
• Le repérage relève du médecin traitant sur facteurs de risque, mais aussi de la médecine du travail et la médecine d’urgence.
• Le chaînage repérage, annonce, prise en charge doit être systématique et doit comporter la prise en compte du risque cardiovasculaire et des comorbidités.
• Une check-list du bilan clinico-biologique à faire lors du diagnostic sera un outil utile en médecine générale.
Prescription et conseil d’une activité physique adaptée
• Une évaluation du risque cardiovasculaire est nécessaire.
• L’activité doit être adaptée, progressive et encadrée.
• La promotion des activités physiques associatives doit être conseillée.
Prescription et conseil d’une diététique adaptée
• Il convient de fixer des objectifs négociés avec le patient.
• Un plan diététique personnalisé est réalisé et remis au patient.
• Le patient doit pouvoir participer aux formations en groupe.
• L’accès au diététicien et à l’endocrinologue en cas d’échec doit être proposé.
Traitement par l’insuline
• Il convient d’informer tôt les patients de cette option thérapeutique et de les préparer.
• Le médecin favorisera l’autonomie du patient pour les injections d’insuline.
• L’acquisition des compétences nécessaires à la bonne pratique sera vérifiée.
• La surveillance clinique sera intensifiée avec les objectifs à 1, 3 et 6 mois.
• Le recours à l’endocrinologue pour un schéma thérapeutique à plusieurs injections est conseillé.
Découverte d’une complication
• L’identification et l’orientation adaptée des situations d’urgence est une priorité.
• L’annonce est importante pour percevoir les craintes, émotions et projets du patient.
• L’ensemble des traitements et des objectifs thérapeutiques seront revus en fonction de la pathologie.
• Le recours aux spécialistes, dont l’endocrinologue, est nécessaire.
Dépistage et prise en charge du diabète gestationnel
• Le dépistage est fait dès le début de la grossesse chez les femmes ayant un facteur de risque par une glycémie à jeun puis, entre 24 et 28 semaines d’aménorrhée, par une hyperglycémie provoquée par voie orale.
• La diététique est appliquée dès le diagnostic avec formation à l’autosurveillance.
• Après 7 à 10 jours, une insulinothérapie est débutée si les objectifs glycémiques ne sont pas atteints.
• La surveillance de la grossesse fait l’objet d’une collaboration avec l’équipe obstétricale.
• Après la grossesse, la patiente est informée du risque de survenue d’un diabète de type 2 dans les années futures et des conseils de surveillance sont donnés.
Les situations de recours aux médecins spécialistes et autres professions médicales sont précisées dans un tableau, notamment les situations dans lesquelles l’intervention de l’endocrinologue est possible et souhaitable, et constitue une valeur ajoutée pour le suivi du patient.
Les commentaires
Ces recommandations ont l’avantage d’affirmer le principe d’une approche globale et multiprofessionnelle de la prise en charge des patients mais n’ont de sens que si leur mise en oeuvre opérationnelle peut être faite.
Il ne s’agit pas ici pour chaque praticien d’appliquer au mieux les recommandations dans sa pratique professionnelle personnelle, mais de participer à la construction collective d’une organisation multiprofessionnelle concertée et coordonnée.
Il est précisé dans le texte introductif du guide qu’il appartient aux acteurs locaux (ARS et professionnels) de s’organiser pour assurer le parcours, en mobilisant au mieux les ressources et compétences existantes et en identifiant les points sur lesquels des actions d’amélioration sont nécessaires.
C’est donc à l’échelon régional et local que la mise en œuvre des recommandations se fera à la condition qu’il y ait une véritable mobilisation dans ce sens. Le risque est qu’il ne se passe rien !
Certaines initiatives ont déjà été engagées :
L’ARS Nord-Pas-de-Calais vient de diffuser le programme d’action pour les parcours de santé des personnes atteintes de diabète. Ce projet appelé DIABÉVI (2013-2017) comporte 12 axes d’amélioration et a été construit avec l’ensemble des partenaires impliqués (médicaux, médicosociaux, assurance maladie, associations de patients). Des actions concrètes sont en cours de mise en place et un comité de suivi s’assure de l’avancement des projets.
D’autres ARS suivent cet exemple et travaillent avec les professionnels de santé sur ce sujet.
Les professionnels doivent être force de proposition dans leur territoire de santé, à l’exemple du syndicat des endocrinologues et diabétologues (SEDMEN) avec le projet PRED2 (Parcours Région Endocrino Diabète type 2) qui propose une méthodologie d’analyse des dysfonctionnements locaux sur les 6 étapes du parcours afin de définir des mesures correctives.
Conclusion
Les orientations nationales, dont ces nouvelles recommandations, créent des conditions favorables à l’évolution du parcours de soin, mais la lourdeur et la complexité de notre système de santé constituent des freins au changement. L’amélioration de l’organisation des soins dans le domaine du diabète, comme pour toutes les maladies chroniques multifactorielles, doit être pensé comme un processus continu reposant sur une approche pragmatique et concrète des problèmes à résoudre. Il faut impliquer les professionnels et les patients dans la recherche de solutions basées sur une bonne connaissance des problèmes spécifiques à chaque territoire de santé. Le déploiement des grandes orientations nationales d’organisation des soins va s’appuyer sur une démarche régionale adaptée aux réalités locales et construite avec l’ensemble des acteurs chargés de sa mise en œuvre. Alors au travail !
Liens d’intérêts :
• Participation à des boards scientifiques pour les laboratoires Novo, Lilly, Sanofi, GSK, MSD, Boehringer
• Participation à des essais cliniques pour les laboratoires Novo, Lilly, GSK
• EPU et symposia avec les laboratoires Novo, Lilly, Sanofi, MSD, Takeda, Novartis, Boehringer, AstraZeneca, BMS
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