Thérapeutique
Publié le 31 mar 2014Lecture 6 min
Traitement du diabète de type 2 : de nouvelles avancées
SFD
Le pronostic cardiovasculaire reste un défi majeur dans la prise en charge du diabète de type 2. Les traitements visant les facteurs de risque traditionnels comme l’hypertension artérielle et les dyslipidémies ont prouvé leur efficacité, alors que les thérapeutiques antidiabétiques qui abaissent les paramètres glycémiques n’ont pas démontré d’effet préventif sur la morbi-mortalité cardiovasculaire. Les grandes études d’intervention réalisées en diabétologie avaient pour objectif de comparer des stratégies thérapeutiques et non de valider leur sécurité cardiovasculaire. Ce dernier point est aujourd’hui au centre des débats.
L’HbA1c n’est pas un critère de substitution du risque cardiovasculaire
L’échec des essais en diabétologie à démontrer un effet bénéfique de la normalisation des paramètres de l’équilibre glycémique sur les complications macrovasculaires du diabète peut s’expliquer par ce postulat erroné : en considérant que ces paramètres soient des critères de substitution du risque cardiovasculaire (CV) au même titre que le cholestérol, leur normalisation s’accompagnerait d’une réduction du risque CV. Or, si l’HbA1c est bien corrélée au risque microvasculaire, son abaissement n’est pas le garant d’une protection contre les accidents CV et témoigne simplement d’une efficacité sur le contrôle glycémique.
En outre, l’efficacité hypoglycémiante ne préjuge pas de l’absence d’effets secondaires préjudiciables sur le plan CV. En témoigne la métaanalyse des essais de la rosiglitazone qui, bien que critiquable sur le plan méthodologique, suggérait un surcroît de mortalité CV (+64 %) et d’infarctus du myocarde (IDM) (+40 %) chez les patients traités par cette glitazone. L’étude RECORD a ultérieurement montré l’absence de protection CV de la rosiglitazone et suggéré une augmentation d’incidence des insuffisances cardiaques, ce qui a conduit l’EMA à suspendre son autorisation de mise sur le marché. Par ailleurs, une métaanalyse de 5 essais (UKPDS, PROactive, ADVANCE, VADT et ACCORD) a montré l’absence d’effet sur la mortalité d’un traitement intensif comparativement au traitement usuel et ce, malgré une diminution de 17 % des IDM non fatals.
L’enjeu de la sécurité cardiovasculaire
C’est dans ce contexte qu’ont été développées de grandes études de sécurité CV incluant de 2 000 à 16 000 patients chacune pour répondre aux exigences des autorités de santé.
Certaines d’entre elles ont été interrompues prématurément sur la base d’un signal cardiovasculaire délétère (TIDE, T-emerge, AleCardio) ; trois d’entre elles sont terminées : ORIGIN qui a montré une neutralité CV de la glargine à défaut de bénéfice ; EXAMINE et SAVOR, qui testaient la non-infériorité des deux inhibiteurs de DPP-4 explorés. Ces études sont dans la droite ligne des recommandations formulées par la FDA et avalisées par l’EMA. Leurs résultats portant sur plus de 115 000 patients diabétiques, dont le niveau de risque est très variable, fourniront une base de données considérable, bien que les règles édictées par la FDA aient fait l’objet de critiques de la part d’un comité d’experts européens.
Il est toutefois nécessaire de rappeler que les antidiabétiques « historiques » tels que les sulfamides et la metformine n’ont jamais été soumis à l’obligation de démontrer leur sécurité cardiovasculaire dans des essais spécifiques. Ces antidiabétiques bénéficient d’un préjugé favorable sur la base d’un usage de longue date.
Les deux études des I-DPP-4 déjà terminées fournissent des éléments rassurants, bien que moins optimistes que ceux des métaanalyses des essais de phase 2/3 des différents I-DPP-4, qui suggéraient une diminution du risque d’événements CV.
EXAMINE et SAVOR : deux essais rassurants
L’étude EXAMINE, un essai randomisé en double insu versus placebo (2 701 patients sous alogliptine et 2 679 patients dans le groupe placebo), a inclus des patients dans les 15 à 90 jours suivant un syndrome coronarien aigu, donc à très haut risque et par ailleurs bien contrôlés pour les autres facteurs de risque (statine, antihypertenseurs). Parmi ces patients, 77 % avaient eu un IDM, 23 % un angor instable ; 1 500 étaient déjà insuffisants cardiaques. L’analyse du critère principal (mortalité CV, IDM et AVC non fatals) a montré l’absence de signal de risque cardiovasculaire (HR : 0,96) ; on note même une tendance à la diminution non significative des décès CV sous alogliptine (HR : 0,79 ; 0,6-1,04 ; p = 0,10). Si l’on se réfère à la borne supérieure de l’intervalle de confiance (1,3) stipulée dans les recommandations de la FDA pour un essai de non-infériorité, l’essai EXAMINE y souscrit.
L’étude SAVOR se distingue de la précédente par la moindre gravité des patients inclus, dont un grand nombre étaient à haut risque mais en prévention primaire. L’analyse en sous-groupes n’a pas montré de différence selon que les patients étaient en prévention primaire ou secondaire. Là encore, la saxagliptine ne se différencie pas du placebo sur le critère primaire (mortalité CV, IDM ou AVC non fatals). Un excès significatif de risque d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque a été observé sous saxagliptine (RR : 1,27 ; 1,07-1,51 ; p = 0,007), qui concerne essentiellement les patients les plus graves dont le taux de NTproBNP étaient dans le quartile le plus élevé. Cette relation n’a pas encore trouvé d’explication. Toutefois, la valeur prédictive d’une évolution du BNP sous I-DPP-4 reste très imprécise.
Un excès d’hypoglycémies a également été retrouvé dans le groupe saxagliptine, qui pourrait éventuellement fournir une autre explication pertinente, car les hypoglycémies sont un puissant stimulant du système nerveux sympathique, ce que le myocarde tolère mal.
Les antidiabétiques n’ont jamais été étudiés pour leurs effets sur la fonction ventriculaire, alors même que le tiers à la moitié des insuffisants cardiaques sont diabétiques. L’excès de risque mis en évidence dans SAVOR serait sans doute passé inaperçu n’eût été le contexte lié aux glitazones. Il contraste avec de nombreuses études qui montrent des effets bénéfiques des I-DPP-4 sur la dysfonction endothéliale et une protection myocardique vis-à-vis de l’IDM expérimental. Cette discordance est à rapprocher des résultats de l’étude VIVIDD qui a montré un effet favorable de la vildagliptine sur la fraction d’éjection et le BNP, contrastant avec une élévation inattendue des volumes télédiastolique et télésystolique ventriculaires gauches, comparativement au placebo.
Quel avenir pour les antidiabétiques ?
Nous avons clairement besoin de nouveaux antidiabétiques : l’histoire naturelle du diabète montre que la fonction b cellulaire se détériore progressivement avec le temps, conduisant à une escalade thérapeutique ; par ailleurs, l’efficacité antiglycémiante de tous les antidiabétiques a tendance à diminuer.
Aux trois acteurs majeurs du diabète de type 2 – le foie, responsable de la production endogène de glucose ; le muscle, responsable d’un défaut d’utilisation du glucose ; la cellule b, coupable d’un défaut de fonctionnalité – qui sont les cibles des traitements actuels, insulinosécréteurs et inhibiteurs de la néoglucogenèse, se sont adjoints d’autres tissus participant à la physiopathologie du diabète de type 2 : les cellules a, le tissu adipeux, l’intestin, le cerveau, les reins et le tissu adipeux brun. Ces nouveaux acteurs fournissent autant de cibles thérapeutiques potentielles.
Les inhibiteurs de SGLT2, en favorisant la fuite urinaire de glucose, offrent un mécanisme d’action bien adapté à la physiopathologie du diabète de type 2 qui s’accompagne d’une réabsorption accrue du glucose par le rein. Leur efficacité sur la glycémie s’accompagne d’une perte pondérale, grâce à un mode d’action indépendant de l’insuline, donc complémentaire aux autres antidiabétiques, sans risque hypoglycémique. On observe néanmoins une augmentation de la néoglucogenèse mais la glucotoxicité est améliorée.
Plusieurs types d’insulinosécréteurs sont à l’étude, ciblant :
- le récepteur GPR40, auquel se lient les acides gras à chaine lourde pour potentialiser la sécrétion d’insuline, indépendamment du glucose, donc sans risque d’hypoglycémie ;
- le récepteur TGR5, exprimé par les cellules entéroendocrines, sécrétrices de GLP-1, auquel se lient les acides biliaires. Le mécanisme d’action est à rapprocher de celui de la chirurgie bariatrique (augmentation des acides biliaires, du GLP-1 et de PYY).
Sachant que l’hyperglycémie postprandiale est davantage liée à un défaut de freinage du glucagon qu’à un défaut de captation du glucose, l’intérêt s’est porté sur l’inhibition du récepteur du glucagon.
Devant le manque d’insulinosensibilisateurs, est née l’idée de chercher d’autres agonistes PPAR. L’aléglitazar, coagoniste PPARabg, agissant sur les glucides et les lipides, a vu son développement interrompu pour « futilité », absence de protection cardiovasculaire, outre des problèmes de sécurité d’emploi. Le GLT505, double agoniste a∂, dénué d’effet g donc de risque de rétention hydrosodée, est actuellement développé dans la NASH.
Un agoniste de l’adiponectine, adipokine insulinosensibilisatrice qui se fixe sur des récepteurs spécifiques dans le foie, fournit une autre piste intéressante.
Le FGF21, une hormone sécrétée majoritairement par le foie et impliquée dans le jeûne en favorisant la néoglucogenèse et la cétogenèse, a montré des effets intéressants expérimentalement (amélioration de l’insulinosensibilité, perte pondérale), justifiant la recherche soit d’analogues injectables soit d’agonistes du récepteur.
D’après des communications au congrès de la SFD
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