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Congrès

Publié le 14 oct 2013Lecture 20 min

73e sessions scientifiques de l’American Diabetes Association - (ADA), Chicago, 21-23 juin 2013

J.-P. SAUVANET, Polyclinique de médecine interne, Hôpital Saint-Louis, Groupe hospitalier Saint-Louis, Lariboisière, Fernand-Widal, Paris

ADA

Trithérapie d’emblée pour le traitement du diabète de type 2 ? La dernière provocation de Ralph DeFronzo, ou une vision d’avenir ? Ralph DeFronzo (Université du Texas, Dallas, États-Unis) est un diabétologue de renommée mondiale. Il a, notamment, développé le concept que le diabète de type 2 (DT2) est une maladie complexe, l’hyperglycémie du DT2 étant la résultante de mécanismes physiopathologiques spécifiques à certains tissus et organes – ce qu’il a désigné sous le terme de « ominous octet » (« les huit éléments maléfiques »)(1) –, ce qui justifie l’utilisation de classes thérapeutiques visant chacune l’un, ou plusieurs, de ces mécanismes. Depuis plusieurs années, rejoint en cela par certains spécialistes nord-américains(2), il défend le concept de l’initiation d’une bithérapie d’emblée, dès le diagnostic de DT2, voire dès le stade de prédiabète(3,4). Le rationnel repose sur la nécessité de cibler précocement la dysfonction b-cellulaire et l’insulinorésistance, afin de mieux lutter contre l’évolution de la maladie par un contrôle glycémique optimal précoce, maintenu à long terme et, ainsi, prévenir, ou ralentir, le développement des atteintes cardiovasculaires associées au DT2. Cette fois, DeFronzo est allé plus loin, en proposant une trithérapie d’emblée chez les patients ayant un DT2 récemment diagnostiqué (M. Abdul-Ghani et al, 72-OR). Cette proposition, très provocatrice, va à l’encontre de l’ensemble des recommandations actuelles pour le traitement du DT2, par paliers progressifs (débuter par une monothérapie, puis bi- et trithérapie, etc.). Avec ses collaborateurs, il justifie cette proposition par la nécessité de protéger les cellules b-pancréatiques et d’empêcher la perte progressive de leur fonctionnalité, en s’attaquant d’emblée aux divers mécanismes physiopathologiques en cause dans le DT2, ce qui pourrait permettre de prolonger l’efficacité des traitements et ralentir la progression de la maladie. Il s’appuie sur un essai clinique, réalisé par son groupe, comparant une trithérapie d’emblée (metformine + pioglitazone + exénatide, un analogue du récepteur au GLP-1) à l’escalade progressive recommandée (groupe escalade conventionnelle : metformine, puis ajout d’un sulfamide hypoglycémiant, le glibenclamide, si nécessaire, puis ajout d’insuline basale, puis un schéma basal-bolus, si nécessaire). Cet essai comparatif en ouvert a randomisé 155 DT2 (âge moyen : 46,5 ans ; indice de masse corporelle [IMC] moyen : 36,5 kg/m2), diagnostiqués depuis moins de 2 ans (en moyenne, depuis 5 mois), jamais traités et ayant un diabète non contrôlé (en moyenne, glycémie à jeun de 1,91 g/l et HbA1c à 8,6 %). Les résultats présentés portent sur une durée de 2 ans (l’essai se poursuit à plus long terme). À 2 ans, l’objectif était atteint pour le critère de jugement principal, la baisse du taux d’HbA1c, plus importante dès le 6e mois sous trithérapie d’emblée versus groupe escalade, et significative dès le 18e mois (à 2 ans, HbA1c moyenne : 6,0 % versus 6,6 %, respectivement ; p < 0,001), avec un taux de patients à l’objectif plus élevé (< 6,0 % : 60 % versus 27 % ; p < 0,01 ; < 7,0 % : 92 % versus 72 %, respectivement ; p < 0,01) et moins d’échec du traitement (HbA1c > 6,5 % à 2 contrôles successifs à 3 mois d’intervalle : 17 % versus 42 %, respectivement ; p < 0,001). À 2 ans, les critères de jugement secondaires sont également en faveur de la trithérapie d’emblée versus escalade conventionnelle : évolution pondérale (- 1,2 kg versus + 4,1 kg, respectivement ; p < 0,001), taux d’hypoglycémie (< 0,60 g/l : 15 % versus 46 %, soit 0,27 versus 2,1 événements/patient/année, respectivement), sans cas d’hypoglycémie sévère, toutefois. La fréquence des effets indésirables (EI) est comparable, mais avec davantage d’œdèmes périphériques (5,3 % versus 1,3 %, respectivement) et de troubles digestifs (33 % versus 21 %, respectivement) dans le groupe trithérapie d’emblée (des EI attendus, liés respectivement à la pioglitazone et à l’exénatide). L’essai se poursuit afin de juger des effets et bénéfices éventuels (notamment sur la fonctionnalité des cellules b) à plus long terme ; les patients du groupe trithérapie d’emblée qui ont atteint 3 ans de traitement semblent conserver le même bénéfice en termes d’HbA1c.     1. DeFronzo RA. Diabetes 2009 ; 58 : 773-95. 2. Zinman B. Am J Med 2011 ; 124 : S19-34. 3. DeFronzo RA, Abdul-Ghani M. Diabetes Care 2011 ; 34 (Suppl. 2) : S202-9. 4. Armato J et al. Endocr Pract 2012 ; 18 : 342-50. Insulines : quoi de neuf ? Essai ACCORD : pas de relation entre l’exposition à l’insuline et la mortalité cardiovasculaire   L’essai Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes (ACCORD), conduit chez 10 251 patients diabétiques de type 2 (DT2) insuffisamment contrôlés (taux d’HbA1c moyen : 8,1 %), randomisés en deux groupes – traitement intensif (strict contrôle glycémique en visant un taux d’HbA1c < 6,0 %, par intensification mensuelle des traitements) ou contrôle standard (objectif d’HbA1c de 7,0-7,9 %) – avait pour objectif principal de déterminer si la prise en charge intensive permet de prévenir et/ou de réduire les événements cardiovasculaires chez les patients DT2. Le suivi moyen prévu était de 5,6 ans. L’essai a été arrêté par le comité de surveillance de l’essai, en février 2008, après un suivi moyen de 3,5 ans, à la suite du constat d’une surmortalité (257 décès) dans le groupe traitement intensif par rapport au groupe contrôle standard (203 décès)(1). Depuis lors, le débat sur l’intérêt et les risques d’un contrôle glycémique trop strict chez tous les patients DT2 n’a pas cessé, conduisant au concept actuel d’objectif individualisé souligné par les plus récentes recommandations – internationales et françaises – pour la stratégie du traitement du diabète chez le patient DT2. En parallèle, de multiples analyses ont cherché à identifier les causes de cette surmortalité dans le groupe traitement intensif(2-4). Une nouvelle analyse (E. Siraj et al. 386-OR) a recherché s’il existait un lien entre l’exposition quotidienne à l’insuline et la surmortalité cardiovasculaire des patients DT2 de l’essai ACCORD. Elle a porté sur la quasi-totalité (n = 10 163) des patients inclus dans ACCORD et suivis pendant 5 ans en moyenne. Différents modèles d’ajustement (14 variables au total) ont été testés, ne montrant aucune relation significative, que ce soit en considérant l’insulinothérapie de manière globale, l’utilisation d’une insuline basale seule, ou celle d’un schéma intensifié basal-bolus. L’intégration du taux d’HbA1c ou des hypoglycémies sévères dans les modèles d’analyse modifie peu les résultats en termes de relation entre exposition à l’insuline et surmortalité cardiovasculaire ; en revanche, comme déjà indiqué par une précédente analyse, la persistance d’une HbA1c élevée est associée à une mortalité cardiovasculaire plus élevée2, et ce, indépendamment de l’exposition à l’insuline (risque relatif [RR] de 1,38 à 1,49, selon le modèle ; p < 0,0001).     1. Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Study Group. N Engl J Med 2008 ; 358 : 2545-59. 2. Riddle MC et al. Diabetes Care 2010 ; 33 : 983-90. 3. Pop-Busui R et al. Diabetes Care 2010 ; 33 : 1578-84. 4. Seaquist ER et al. Diabetes Care 2012 ; 35 : 409-14. Les nouvelles insulines injectables : état des lieux   Insulines ultrarapides La recherche se poursuit afin de mettre au point des insulines ou des analogues de l’insuline humaine possédant un profil d’action quasi-immédiat, donc encore plus rapide que celui des analogues de courte durée d’action actuellement disponibles (asparte, glulisine, lispro). Ils pourraient être intéressants pour l’administration de bolus prandiaux et/ou en cas d’hyperglycémie chez des patients sous pompe à insuline. Contrairement aux années précédentes, pas de présentation sur l’insuline humaine rapide en coadministration avec de l’hyaluronidase humaine recombinante soluble (Halozyme Therapeutics- US). Le rationnel est que l’hyaluronidase, une enzyme naturelle, augmente la perméabilité et permet un plus grand débit liquidien dans les espaces interstitiels, ce qui faciliterait la pénétration de l’insuline dans les capillaires. Mais la formulation semble poser quelques problèmes (stabilité ?) et a dû être reformulée, ce qui va nécessiter un développement clinique complémentaire… BIOD-238 et BIOD-250 : il s’agit de formulations de l’analogue rapide de l’insuline lispro, modifiée par l’adjonction de citrate et de sodium (BIOD- 238) ou de sulfate de magnésium (BIOD-250) afin d’augmenter leur vitesse d’absorption après injection sous-cutanée et permettre une action plus rapide et de plus courte durée que l’insuline lispro commercialisée. Un essai préliminaire chez un petit nombre de patients DT1 a été présenté ; la tolérance locale au point d’injection semble poser quelques problèmes, particulièrement avec BIOD-238 (A. Krasner et al., 44-LB). Linjeta® : il s’agit d’un système injecteur utilisant un analogue d’insuline de courte durée d’action (analogue rapide). Sa technologie, sans aiguille, permet une absorption de l’insuline beaucoup plus rapide que celle obtenue avec les stylos à insuline, d’où une action quasi-immédiate et un temps réduit de moitié pour atteindre l’effet maximal de baisse de la glycémie. Lors des essais cliniques, la tolérance locale du composé injecté a été loin d’être parfaite (inconfort et irritations), vraisemblablement en raison de la composition de la formulation nécessaire à ce type d’injection. Plusieurs formulations modifiées ont donc été développées ; l’identification de celle qui sera la mieux tolérée sans altérer le profil pharmacocinétique et pharmacodynamique de l’insuline semble, pour l’instant, compliquée. Insulines basales de longue durée d’action Insuline dégludec L’insuline dégludec (IDeg) est un analogue de l’insuline humaine, basale de durée d’action ultralongue. Elle a été approuvée par l’Agence européenne du médicament (EMA), en janvier 2013, en 1 injection journalière. Elle devrait être commercialisée en France dans les mois à venir (après négociations du prix/remboursement), d’abord sous forme classique (dosée à 100 U/ml) et, ultérieurement (v. ci-après « Les insulines concentrées »), sous la formulation/dosage à 200 U/ml. Aux États-Unis, en février 2013, la FDA a opposé un refus au dossier soumis en considérant que sa sécurité cardiovasculaire n’était pas démontrée. En conséquence, la FDA a demandé à la firme de conduire une étude de sécurité cardiovasculaire spécifique, ce qui risque de demander un certain temps. Dans le même temps, l’EMA a approuvé une association d’insuline dégludec et d’insuline rapide asparte (sa commercialisation en Europe n’est pas prévue avant 2014). De nombreuses présentations portaient sur l’insuline dégludec, notamment des analyses regroupant des données du programme clinique de phase 3 et évaluant le risque d’hypoglycémie nocturne versus insuline glargine chez des patients diabétiques de type 2 (DT2) (B. Zinman et al., 388-P ; S. Harris et al., 405-P ; S. Heller et al., 742-P ; P. Vora et al., 935-P), ou d’autres essais ayant des objectifs similaires (H. Rodbard, un essai de 2 ans chez des patients DT2 naïfs d’insuline, 934-P). L’insuline dégludec est un analogue de l’insuline humaine dont la structure moléculaire lui confère la capacité de former des multihexamères solubles après injection sous-cutanée, libérant progressivement l’insuline et ralentissant ainsi sa vitesse d’absorption, constante, dans la circulation, ce qui lui confère un profil pharmacocinétique très plat, avec une demi-vie d’environ 24/25 h (soit 2 fois plus longue que celle des insulines basales actuellement commercialisées), stable quelle que soit la dose – ce qui pourrait limiter la variabilité d’action – et une durée d’action supérieure à 42 h (et jusqu’à 72 h)(1). Des essais cliniques préliminaires avaient suggéré que l’insuline dégludec pourrait donc être injectée 3 x/semaine. Ce concept a été testé par deux essais de non-infériorité de phase 3, avec randomisation en ouvert, d’une durée de 26 semaines (S26) chacun, regroupant, au total, 927 patients DT2 non contrôlés par ADO (HbA1c moyenne ~8,3 %) et n’ayant jamais été traités par insuline. L’insuline dégludec 3 x/semaine (avant le petit déjeuner dans l’étude BEGIN EASY AM ; après le dîner dans l’étude BEGIN EASY PM) à été comparée à l’insuline glargine (1 injection/jour), la titration étant effectuée 1 fois/semaine sur un objectif de glycémie capillaire avant le petit déjeuner compris entre 3,9 et moins de 5 mmol/l, les patients poursuivant leur traitement oral par metformine ± iDPP-4. Les résultats montrent, par comparaison avec l’insuline glargine (1x/jour), que la non-infériorité n’est atteinte dans aucun des deux essais : le critère de jugement principal, la variation du taux d’HbA1c à S26 par rapport à la valeur de base, est, chez les patients traités par IDeg 3 x/semaine, inférieure à celle observée chez ceux traités par l’insuline glargine (à S26, baisse du taux d’HbA1c de – 0,9 % et – 1,1 % selon l’essai sous IDeg versus – 1,3 % et – 1,4 %, respectivement, sous insuline glargine ; différence absolue estimée : – 0,34 % et – 0,26 % selon l’essai). De plus, le risque d’hypoglycémie confirmée (glycémie capillaire < 3,1 mmol/l ou hypoglycémie sévère nécessitant une assistance), s’il apparaît globalement faible (1,0 à 1,6 épisode/patient-année) et similaire pour IDeg 3 x/semaine avant le petit déjeuner et l’insuline glargine 1 x/jour (ratio de taux estimé : 1,04), est plus élevé pour IDeg 3 x/semaine après le dîner que sous insuline glargine 1 x/jour (ration de taux estimé : 1,58) ; le taux d’hypoglycémie nocturne confirmé est également plus élevé sous IDeg 3 x/semaine avant le petit déjeuner que sous insuline glargine 1 x/jour (ratio de taux estimé : 2,12)(2). Le bon schéma d’utilisation semble donc consister en une injection quotidienne d’insuline dégludec, tel qu’approuvé par l’EMA. Insuline LY2605541 Il s’agit d’un nouvel analogue de l’insuline, de longue durée d’action. Cette insuline est obtenue en modifiant de l’insuline lispro par une liaison covalente avec du polyéthylène glycol (pégylation), de manière à obtenir une structure hydrodynamique de grande taille permettant de retarder et ralentir son absorption, de réduire la clairance de l’insuline après administration sous-cutanée et, ainsi, de permettre une durée d’action prolongée. Sa demi-vie moyenne est d’au moins 46 h (2 à 3 jours), avec une durée d’action d’au moins 36 h et des caractéristiques pharmacodynamiques stables (L. Morrow et al., 917-P). Cette grande taille a des effets sur sa distribution tissulaire et son action hépatique et musculaire est encore mal connue, ce qui justifie des études spécifiques (B. Topp et al. 913-P). Un essai exploratoire de phase 2 chez des patients DT1, en traitement croisé (8 semaines/période) versus insuline glargine, a été présenté (J. Rosenstock et al., 915-P). Son principal site de distribution et d’action est préférentiellement le foie (et non pas le muscle, à la différence des analogues de l’insuline actuels), ce qui pourrait permettre un effet suppresseur important sur la libération hépatique de glucose, mais serait susceptible d’induire des effets aux niveaux hépatique (augmentation des transaminases, stéatose hépatique) et lipidique (élévations modérées des triglycérides et du LDLcholestérol, diminution du HDL-cholestérol)(3). Les essais cliniques de phase 3 en cours, tant chez des patients DT1 que DT2, incluent des mesures du contenu hépatique en lipides (IRM) et des explorations lipidiques poussées des particules lipo- et apoprotéiniques dans des sous-groupes de patients, et devaient répondre à ces questions.     Les insulines concentrées Le nombre de plus en plus important de patients diabétiques obèses, fréquemment très insulinorésistants, conduit à une augmentation de l’utilisation de formulation d’insuline fortement concentrée. Mary Korytkowski (Université de Pittsburgh), lors de sa conférence, a présenté un point détaillé sur l’utilisation de l’insuline U500 et sur les insulines concentrées en développement. Actuellement, la seule formulation disponible sur le marché (aux États-Unis) est une formulation d’insuline régulière rapide à 500 U/ml (5 U d’insuline pour chaque 0,01 ml d’insuline), dont l’utilisation a augmenté de 97 % entre 2008 et 2010, aux États-Unis. En France, une telle formulation est également utilisée par certains services hospitaliers en cas d’insulinorésistance extrême chez des patients DT2 obèses. De nouvelles insulines concentrées, s’injectant 1 x/jour, sont en développement clinique. Insuline U500 Ce concept n’est pas nouveau, puisque la première insuline à 500 U/ml, une insuline de bœuf, a été commercialisée en 1955, suivie de l’insuline rapide humaine U500 actuelle, en 1997. L’importante augmentation récente de son utilisation s’explique par la prévalence et la sévérité croissantes de l’obésité et de l’insulinorésistance chez les patients diabétiques DT2 avec, pour corollaire, la nécessité d’augmenter fortement les doses d’insuline pour maintenir le contrôle glycémique. Par ailleurs, la diminution du taux d’absorption de l’insuline avec de fortes doses requiert l’injection d’un plus grand volume. L’utilisation d’insuline concentrée permet de réduire le volume injecté : une insuline à 500 U/ml correspond à 5 U d’insuline dans chaque 0,01 ml d’insuline, alors qu’une insuline à 100 U/ml correspond à 1 U d’insuline dans chaque 0,01 ml, ce qui permet d’injecter 5 fois plus d’insuline à volume identique. Aux États-Unis, l’utilisation actuelle de l’U500 est fonction des prescripteurs, soit pour couvrir les besoins de base et postprandiaux, soit uniquement en insuline basale associée à des insulines d’action courte en prandial, voire en bolus prandial en association à une insuline basale de longue durée d’action. Les recommandations en la matière, en fait des algorithmes, sont anciennes(4,5) et complexes (nombre d’injections journalières variable, voire administration par pompe à insuline en cas de dose importante chez des patients DT2). En pratique, alors qu’une diminution de la dose d’insuline était attendue, les quelques essais cliniques disponibles indiquent que le maintien du même niveau de dose est nécessaire, voire des doses plus élevées qu’avec l’insuline U100 (jusqu’au double de cette dose), afin d’atteindre l’objectif de contrôle glycémique. Le taux d’HbA1c diminue alors nettement, mais le poids augmente également fortement, comme l’a montré une étude chez 15 patients DT2 (âge moyen : 60 ans ; IMC moyen : 43 kg/m2) ayant une insulinorésistance sévère (nécessité de > 200 U d’insuline/jour ou de > 2 U/kg de poids) ; ils ont été traités pendant 6 mois par insuline rapide U500 lors des repas (2 ou 3 injections/jour), avec une bonne efficacité (taux d’HbA1c moyen passant de 9,33 à 7,98 % ; p < 0,0004) mais, en contrepartie, une prise de poids importante (IMC moyen passant de 42,2 à 44,5 kg/m2 ; p < 0,004) (S. Shidham et al., 952-P). Des questions concernant la sécurité d’emploi de l’insuline U500 se posent, le risque d’erreur et de surdosage conduisant à des hypoglycémies sévères – un risque favorisé par la nécessité d’utiliser les mêmes seringues que pour l’insuline U100 (aux États-Unis, en raison de leur coût, les stylos à insuline sont très peu utilisés, et encore moins en milieu hospitalier), ce qui revient à injecter 5 fois plus d’insuline par graduation. En conséquence, les hospitalisations pour hypoglycémie sévère ont été multipliées par 5 chez les utilisateurs d’U500, principalement en raison de ces erreurs (incluant celles du personnel soignant) et/ou d’une éducation thérapeutique du patient (ETP) insuffisante. En milieu hospitalier, il a été proposé d’utiliser des seringues à tuberculine pour l’U500, afin de bien les différencier des seringues à insuline (U100), mais elles sont de moindre disponibilité et, surtout, de faible diamètre (27 gauges). La seule possibilité d’éviter de trop nombreux accidents consiste donc à renforcer l’éducation spécifique, incluant celle de tous les soignants. Les nouvelles formulations concentrées d’insuline Insuline dégludec U200 : elle correspond à 2 U d’insuline dégludec par 0,01 ml. Cette formulation, approuvée en Europe (EMA) en janvier 2013, n’est encore disponible dans aucun pays. Elle se présente sous forme de stylo prérempli, distinct des stylos dégludec U100, et permettant l’administration de 160 U d’insuline/injection. Un programme d’éducation (patients et soignants) spécifique à dégludec U200 est prévu. Une étude de pharmacocinétique (PK) comparative chez des sujets adultes a montré qu’à l’état d’équilibre (steady state), les deux formulations d’insuline dégludec U100 et U200 sont bioéquivalentes et ont un profil d’action pharmacodynamique (PD) similaire, permettant leur interchangabilité en pratique clinique (sous réserve d’une ETP appropriée)(6). Les résultats de l’essai clinique de phase 3, BEGIN Low Volume(7), conduit versus insuline glargine, chez 457 patients DT2 mal contrôlés (HbA1c moyenne : 8,3 %) et naïfs d’insuline, montrent la non-infériorité de dégludec U200 par rapport à l’insuline glargine U100, avec une efficacité comparable (baisse d’HbA1c d’environ 1,3 %), un taux d’hypoglycémies confirmées, tant globales (sur 24 h) que nocturnes, inférieur avec dégludec U200 versus glargine, même si ces taux sont faibles (1,22 vs 1,42 épisode/patientannée, et 0,18 vs 0,28 épisode/patient-année, respectivement). La dose moyenne d’insuline est significativement plus basse (de 11 %) avec dégludec U200. Insuline glargine U300 : il s’agit d’une nouvelle formulation qui correspond à 3 U d’insuline par 0,01 ml. Le programme de développement EDITION, comparant la formulation U300 à l’insuline glargine U100, comprend plusieurs études cliniques chez les patients DT2 et une chez les patients DT1. Les premiers résultats de l’étude EDITION 1, chez le patient DT2, ont été présentés (M. Riddle et al., 43-LB). Cette dernière a été conduite chez 807 patients DT2 insuffisamment contrôlés par insulines basale + prandiale (HbA1c moyenne : 8,2 %), par comparaison avec l’insuline glargine U100. La non-infériorité de l’insuline U300 par rapport à l’insuline glargine U100 a été démontrée (baisse similaire du taux d’HbA1c : – 0,83 %) avec, en revanche, sous insuline U300, significativement moins de patients ayant au moins un épisode d’hypoglycémie nocturne sévère ou confirmée (– 21 % ; p = 0,0045) et, globalement, moins d’hypoglycémies au cours des 24 h. Les caractéristiques PK et PD de la formulation U300 ont étudiées après injection unique (J. Tilner et al., 920-P) et répétée (1 injection par jour pendant 8 jours) (R. Dahmen et al., 113- OR). À l’état d’équilibre, l’insuline expérimentale U300 confère un profil PK et PD encore plus plat, plus stable et plus prolongé que celui observé avec l’insuline glargine U100 (pendant 32 à 36 h, selon la dose, versus 28 h, respectivement), ce qui suggère que l’insuline U300 devrait permettre un contrôle glycémique plus stable et plus prolongé au long cours.  Insuline BIOD-530-U400 (Biodel) : cette insuline recombinante, à 400 U/ml, est encore au stade de développement préclinique.   1. Cariou B. Méd Mal Métabol 2013 ; 7 2 63-7. 2. Zinman B et al. Lancet Diabetes Endocrinol July 9 2013 [Epub ahead on print]. 3. Rosenstock J et al. Diabetes Care 2013 ; 36 : 522-8. 4. Cochran E et al. Diabetes Care 2005 ; 28 : 1240-4 [Erratum in: Diabetes Care 2007 ; 30 : 1036]. 5. Lane WS et al. Endocr Pract 2009 ; 15 : 71-9. 6. Korsatko S et al. Clin Drug Investig 2013 ; 33 : 515-21. 7. Gough SC et al. Diabetes Care May 28 2013 [Epub ahead on print]. L’essai ORIGIN : résultats sur le risque de cancer  L’essai Outcome Reduction with Initial Glargine INtervention (ORIGIN) a été conduit chez des sujets ayant des facteurs de risque cardiovasculaire et une dysglycémie (troubles de la régulation du glucose ou DT2 récent), afin d’évaluer si, par comparaison avec une stratégie thérapeutique conventionnelle, l’introduction précoce d’une insuline basale, l’insuline glargine, était susceptible de réduire la survenue d’événements cardiovasculaires. Au total, 12 537 sujets, dont 4 388 (35 %) femmes, d’âge moyen 63,5 ans, ont été randomisés à l’une de ces deux stratégies. Le suivi médian a été de 6,2 ans (au minimum 5 ans, jusqu’à 7 ans). Les résultats en ont été rapportés lors de l’ADA 2012 et publiés(1). Sans reprendre l’intégralité de ces résultats, rappelons que cet essai international, réalisé sur un nombre très important de participants suivis pendant 5 à 7 ans, montre : - la totale neutralité de l’insuline glargine sur le risque cardiovasculaire dans une population de patients ayant une dysglycémie (prédiabète) ou un DT2 récent et un haut niveau de risque cardiovasculaire : pas de modification du risque relatif de maladie cardiovasculaire ou de mortalité cardiovasculaire par rapport au traitement conventionnel ; - chez les sujets prédiabétiques, le traitement par l’insuline glargine permet une réduction de la conversion du prédiabète vers le diabète de – 31 % en fin d’essai ; - enfin, sous insuline glargine, aux doses utilisées dans l’étude (après titration, médiane : 0,4 U/kg), le risque d’hypoglycémie est modérément augmenté et la prise de poids à long terme apparaît minime (différence moyenne de 2,1 kg entre les deux groupes à la fin de l’essai). Une étude ancillaire sur les cancers L’essai ORIGIN est, à ce jour, le seul essai randomisé utilisation versus non-utilisation d’insuline glargine (groupe traitement conventionnel), qui, de plus, porte sur un très grand nombre de patients suivis de manière prolongée. Il va donc faire référence pour évaluer le risque de cancers éventuellement lié à tout traitement insulinique. L’analyse présentée à l’ADA-2013 (L. Bordeleau et al., 281- OR) est une étude ancillaire d’ORIGIN, portant sur les cancers (incidence et mortalité) au cours de l’essai, et comparant le groupe glargine au groupe traitement conventionnel. Tous les cas de cancers ont été adjudiqués par un comité indépendant ne connaissant pas le groupe de randomisation. Tous les décès et hospitalisations en relation avec un cancer ont été collectés dès la randomisation ; de plus, en cours d’étude (janvier 2010), ont été également recueillis tous les autres événements en lien avec un cancer. De nombreuses analyses ont été pratiquées, mais essentiellement (critères de jugement primaires), l’incidence des cancers et la mortalité par cancer selon le groupe de randomisation. Ont également été étudiées les associations entre le niveau glycémique (HbA1c), les traitements antidiabétiques (metformine [MET], sulfamides hypoglycémiants [SH]), le poids et les événements « cancer ». Durant le suivi médian de 6,2 ans, 953 participants (7,6 % des inclus) ont présenté un événement cancer, soit une incidence globale de 1,32 événement/100 patients-année (ou 1,32 %/an) pour l’ensemble des deux groupes, sans différence selon le groupe (glargine ; 476 cas [7,6 %] ; traitement conventionnel : 477 cas [7,6 %]) (figure 1) ; il en est de même pour le cancer du sein (figure 2). De même, aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes (glargine versus traitement conventionnel) pour la mortalité par cancer (HR : 0,94 ; IC 95 % : 0,77-1,15), pour tout type d’événement cancer (HR : 1,00 ; IC 95 % : 0,88-1,13). Enfin, il n’est apparu aucune différence (pas de surrisque) selon les types de cancer analysés individuellement (poumon, colorectal, sein, prostate, mélanome, autres cancers, autres cancers cutanés) (figure 3).   Figure 1. Cancer de tout types. Figure 2. Cancer du sein. Figure 3. Taux d’incidence non ajustés et risque ajusté (HR) des cancers (glargine vs traitement standard).   Quel que soit le groupe, les sujets ayant développé un cancer sont, en moyenne, plus âgés, plus fréquemment fumeurs actifs ou anciens fumeurs, consomment plus d’alcool, ont plus souvent un diagnostic récent de DT2, et plus souvent des antécédents cardiovasculaires. Les analyses exploratoires complémentaires ne montrent pas de différence selon le taux d’HbA1c ou le poids/IMC à l’inclusion, ou le niveau glycémique durant le suivi. Pour ce qui concerne la MET, son taux de prescription à l’inclusion était de 27 % (groupe glargine) et 27,8 % (groupe traitement conventionnel). À l’issue de l’essai, ces taux étaient de 46,5 % et 59,7 %, respectivement. Aucune relation ou effet lié à la MET n’a été observé sur les événements cancer ; il en était de même pour l’association MET + SH. En tout état de cause, l’essai randomisé ORIGIN a permis d’apporter la preuve de la sécurité d’emploi sur le plan cardiovasculaire de l’insuline glargine, qui fête cette année ses 10 ans de mise sur le marché (en France). Rappelons également que, sur la base des importantes études de populations (études de cohortes et études cascontrôles) regroupant plusieurs centaines de milliers de patients, l’Agence européenne du médicament (EMA) a conclu, en mai 2013, que l’ensemble des données évaluées n’indiquait pas d’augmentation du risque de cancer avec l’insuline glargine. Les nouvelles insulines basales en développement devront donc, pour leur part, démontrer une sécurité d’emploi au moins équivalente à celle de l’insuline glargine !  Conclusion  Sur la base de l’analyse de l’essai ORIGIN (12 537 participants avec un suivi médian de 6,2 ans), l’insuline basale glargine a un effet neutre (absence d’augmentation) sur le risque de survenue et d’évolution de tout événement cancer, incluant la mortalité liée au cancer, dans la population de patients DT2 étudiée. L’exposition à la MET, tout comme le niveau glycémique (HbA1c) au cours de l’essai, ne modifie pas ce risque.  Les principales limitations de cette analyse, soulignées par les auteurs, sont le faible nombre d’événements cancer survenus durant l’essai (3 à 4 fois inférieurs à ce qui était attendu pour cette tranche d’âge) et la durée de suivi relativement courte. En raison des doses d’insuline relativement peu élevées (0,4 U/kg, en moyenne) utilisées chez ces participants ayant un DT2 récent, ce qui est conforme à la pratique clinique, il n’est pas possible de conclure quant au risque éventuellement accru de cancer qui pourrait être lié à l’utilisation prolongée de doses journalières très élevées (cas de certains sujets DT2 très obèses avec résistance à l’insuline importante). Le suivi observationnel en place, ORIGINALE, devrait apporter des éléments de réponse complémentaires, au cours des prochaines années.  • ORIGIN Trial Investigators. N Engl J Med 2012 ; 367 : 319-28.

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