Publié le 14 avr 2013Lecture 7 min
L’activité physique chez le diabétique de type 2 à risque
M. DEKER
Cœur et Diabète
L’activité physique reste, avec l’approche diététique, le pilier du traitement chez le diabétique de type 2 (DT2). La littérature fournit des éléments pour répondre aux questions qui se posent avant d’envisager sa prescription : bénéfices, risques éventuels, effets sur l’équilibre glycémique, effets hémodynamiques…
Quels bénéfices métaboliques ?
La pratique d’un entraînement physique supervisé, quel qu’il soit, permet une diminution significative de l’HbA1c, de l’ordre de 0,6 % en moyenne, selon une métaanalyse de 45 essais contrôlés, versus témoins non entraînés(1), avec un effet dose-réponse (0,36 et 0,89 % pour une durée de 30-150 min/sem et ≥ 150 min/sem respectivement). Considérant qu’une baisse de 1 % d’HbA1c s’accompagne d’une diminution des risques d’événements micro- et macrovasculaires de 37 % et 21 %, respectivement (UKPDS), il est probable que l’activité physique améliore la morbi-mortalité du diabétique, d’autant qu’elle participe à diminuer la masse grasse viscérale, indépendamment de toute perte de poids.
L’étude Look AHEAD(2), comparant chez 5 000 DT2 en surpoids les effets d’une intervention intensive (175 min d’exercice/sem + diététique) à ceux de l’éducation thérapeutique pendant 1 an, a montré le maintien à moyen terme (4 ans) des bénéfices sur le poids, la pression artérielle (PA), l’HbA1c et les paramètres lipidiques. Certains patients ont même pu diminuer voire interrompre certains de leurs traitements.
L’activité physique améliore la VO2 max, qui reflète le statut fonctionnel respiratoire, cardiovasculaire et musculaire, et qui est reconnue comme un facteur pronostique de mortalité chez tous les individus, avec un effet dose-réponse.
Comment prescrire l’activité physique chez le DT2 ?
Tout débute par un diagnostic visant à apprécier l’activité lors de la vie professionnelle, les loisirs, les transports, et les occupations sédentaires. Il faut aussi évaluer les freins (fatigue, crainte des hypoglycémies), les facteurs favorisant la reprise d’une activité physique. De manière générale, hormis le mal perforant plantaire qui constitue une contre-indication absolue, l’activité physique est possible et bénéfique même en présence de complications : elle n’aggrave pas une rétinopathie traitée et stable, mais doit être pratiquée en évitant les exercices s’accompagnant d’une poussée tensionnelle en cas de rétinopathie proliférante ; elle exerce un effet protecteur sur la fonction rénale, malgré une augmentation transitoire de la microalbuminurie, observée même chez les sujets sains. Ses bénéfices cardiovasculaires surpassent largement les risques d’arythmie et d’accident thrombotique (le risque d’événement clinique grave a été évalué à 0,74 par million d’heures d’exercice musculaire chez plus de 25 000 patients réadaptés en centre spécialisé).
Avant la reprise d’une activité physique, il est inutile de faire un bilan exhaustif, hormis le dépistage d’une ischémie myocardique silencieuse chez les DT2 à très haut risque. Une épreuve d’effort permet alors d’ajuster la prescription (entraînement et traitement antihypertenseur) en fonction du seuil de dyspnée et de la fréquence cardiaque maximale.
Il est préférable de préconiser une reprise d’activité physique accompagnée par un professionnel.
HTA d’effort et variabilité de la PA
La PA est un paramètre éminemment variable, dont la variabilité se décline selon plusieurs dimensions :
• variabilité instantanée sous dépendance sympathico-vagale ;
• nycthémérale avec une baisse nocturne physiologique de la PA de 15 % environ ; cette variabilité est fortement dépendante de la qualité du sommeil ;
• intra-visite, associée à l’effet blouse blanche ;
• à l’effort (d’activité) ;
• inter-visites (à long terme) : elle diffère selon le traitement antihypertenseur ; la plus grande stabilité tensionnelle a été observée sous traitement par inhibiteur calcique, comparativement au bêtabloquant dans l’étude ASCOT.
Quelles que soient les variations observées, c’est toujours la pression artérielle de repos qui est le plus fortement associée aux complications cardiovasculaires. L’activité physique confère des bénéfices en termes de PA, sans réelle différence selon la nature de l’exercice, et d’autant plus importants que le patient est hypertendu. Ce qui importe, est la régularité de l’exercice davantage que sa quantité.
Quelle prise en charge chez les diabétiques âgés ?
La population âgée représente une fraction de plus en plus importante des diabétiques ; cette augmentation de prévalence se double d’une augmentation de l’incidence : 15 % des DT2 de plus de 80 ans ont un diabète découvert depuis moins de 5 ans. Les multiples défaillances liées à l’avance en âge (comorbidités, troubles cognitifs et sensoriels, troubles de l’humeur, altération de la fonction rénale, etc.) et l’isolement social fréquent dans le grand âge sont à prendre en compte pour définir la prise en charge, justifiant l’évaluation gérontologique préalable.
Il est acquis que les objectifs glycémiques doivent être modulés selon le statut de la personne âgée, selon qu’elle a un vieillissement réussi, est fragile ou dépendante. De ces objectifs et des particularités de chaque patient découlent des stratégies de prise en charge adaptées au contexte de chacun.
Si la prise en charge doit toujours s’efforcer d’améliorer l’équilibre glycémique, il faut tenir compte du risque d’hypoglycémies, surtout chez les sujets âgés. La fréquence des hypoglycémies sévères, estimée à 0,4 pour 100 patients-années, varie selon la nature du traitement hypoglycémiant (plus fréquentes sous insuline et sulfamides, et surtout graves sous sulfamides). Elles se manifestent volontiers par des symptômes trompeurs (instabilité, flou), et sont à l’origine de chutes ; non seulement elles altèrent la qualité de vie, mais elles favorisent l’émergence de troubles du rythme, sont associées à un surcroît de mortalité et aggravent ou provoquent une altération des fonctions cognitives.
Si la prise en charge doit, comme chez le sujet plus jeune, s’appuyer sur la diététique et l’exercice physique, ce dernier est souvent difficile à mettre en œuvre chez le sujet âgé polypathologique et le régime ne doit pas comporter de restriction alimentaire au risque d’aggraver la sarcopénie.
Quel traitement médicamenteux ?
La metformine garde toute sa place chez le sujet âgé diabétique, tant que la fonction rénale le permet (clairance > 30 ml/min). Les sulfamides demandent certaines précautions d’emploi liées au risque d’hypoglycémie et au déclin de la fonction rénale (débuter à faible dose, se méfier des potentialisations médicamenteuses). Restent l’insuline, souvent proposée mais pas toujours acceptée, et les nouvelles classes de médicaments incrétines, qui ne provoquent pas d’hypoglycémies ni de prise de poids. Les analogues du GLP-1 ont été peu évalués chez les diabétiques âgés et l’expérience est limitée en cas d’insuffisance rénale modérée. Les résultats poolés de l’étude LEAD avec le liraglutide montrent un effet comparable chez les > 65 ans versus < 65 ans, mais un surcroît d’arrêts de traitement a été observé en raison des troubles digestifs ; par ailleurs la perte pondérale sous analogue GLP- est rarement souhaitable chez les sujets très âgés.
Les inhibiteurs de DPP-4 présentent plusieurs avantages : prise orale, absence d’hypoglycémies, effet neutre sur le poids, bonne tolérance notamment digestive, pas d’adaptation posologique liée à l’âge ou à la fonction rénale si la clairance est > 50 ml/min. Au sein de cette classe thérapeutique, seule la vildagliptine a fait l’objet d’une évaluation spécifique chez les sujets de > 75 ans(3), qui a montré une diminution significative de l’HbA1c de 0,9 % en monothérapie et de 1,1 % en bithérapie associée à la metformine, sans modification du poids, ni hypoglycémie sévère, et avec un bon profil de tolérance. Des résultats favorables ont également été observés dans une étude chez l’insuffisant rénal modéré à sévère, à demidose, avec une diminution de l’HbA1c comparable à celle notée en population générale(4). Ces deux études ont conduit à modifier le RCP pour supprimer les précautions d’emploi chez les sujets âgés et chez les sujets en insuffisance rénale modérée, sévère ou terminale. L’étude ADDONIS, qui va bientôt débuter, permettra d’évaluer quelle est la meilleure combinaison d’antidiabétiques oraux à l’initiation d’une insulinothérapie basale, entre la combinaison vildagliptine + metformine versus sulfamide + metformine.
Au total, les inhibiteurs de DPP- 4 représentent une classe thérapeutique intéressante chez les sujets âgés diabétiques dans la stratégie de prise en charge.
Symposium Novartis Coeur & Diabète, avec la participation de B. Charbonnel, M. Duclos (Clermont- Ferrand), X. Girerd (Paris) et L. Bordier (Saint-Mandé)
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