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Cardiovasculaire

Publié le 15 juin 2020Lecture 9 min

Prise en charge non interventionnelle des syndromes coronariens chroniques en 2020

Étienne PUYMIRAT, département de cardiologie, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris ; Faculté Paris Centre

Le concept de syndrome coronarien chronique (SCC) a été proposé en 2019 par la Société européenne de cardiologie (ESC) pour remplacer celui de la maladie coronaire stable. Cet article a pour but de reprendre les points essentiels des dernières recommandations sur la prise en charge non interventionnelle des SCC (suivi clinique et traitements de prévention secondaire).

A l’occasion des nouvelles recommandations de l’ESC portant sur la maladie coronaire stable, celle-ci a été renommée « syndrome coronarien chronique » (SCC) par opposition à la maladie coronaire instable ou « syndrome coronarien aigu » (SCA)(1). En pratique, le SCC comprend l’ensemble des patients avec une suspicion de coronaropathie ou une maladie coronaire avérée. Ce changement de dénomination a été fait pour faire disparaître la notion de « stabilité » de la maladie athérothrombotique qui est au contraire évolutive, ponctuée par des épisodes aigus qui représentent d’ailleurs la porte d’entrée la plus fréquente de cette pathologie. Dans l’enquête FAST-MI 2015, environ 80 % des patients pris en charge pour un infarctus du myocarde (avec ou sans sus-décalage) n’avaient pas de coronaropathie connue lors de leur prise en charge. L’ensemble des SCC représente une population très hétérogène selon le profil de risque du patient (âge, facteurs de risque CV, comorbidités, etc.) (figure 1). Le suivi clinique et la prescription des traitements de prévention secondaire doivent prendre en compte le risque résiduel (défini par le risque qui subsiste après que toutes les mesures de prévention et de protection ont été prises en compte) car ce sont classiquement les patients les plus sévères qui bénéficient le plus de ces traitements. Figure 1. Suivi clinique proposé par la Société européenne de cardiologie pour les patients avec un syndrome coronarien chronique. Suivi clinique des SCC Les recommandations de l’ESC préconisent un suivi clinique différent selon le délai de survenue de la revascularisation myocardique ou d’un SCA puisque les premiers mois au décours de ces événements constituent la période la plus à risque de récidive d’événements ischémiques sévères (décès, accident vasculaire cérébral [AVC], infarctus) chez ces patients (figure 2)(1) : Figure 2. Représentation de l’évolution de la maladie coronaire. • Chez les patients avec symptômes contrôlés après une revascularisation myocardique ou un SCA (< 12 mois), il est recommandé : – au moins 2 consultations la première année ; – une réévaluation de la fonction ventriculaire gauche (VG) entre 8 et 12 semaines après l’événement chez les patients avec une dysfonction VG avant la revascularisation ou survenue après un SCA ; – de rechercher (éventuellement) une ischémie résiduelle (examen qui servira de référence pour le suivi ultérieur). • Suivi clinique au-delà d’un an après une revascularisation myocardique ou un SCA : Patient asymptomatique : – consultation annuelle (réévaluation clinique : symptômes, facteurs de risque, compliance) (I-C) ; – ECG à chaque visite (surveillance du la fréquence cardiaque et du rythme cardiaque) ; – bilan biologique (bilan lipidique, glycémie, fonct ion rénale, hémogramme, ± biomarqueurs) tous les 2 ans ; – échocardiographie (fonction VG, dimensions cardiaques, statut valvulaire) : tous les 3 à 5 ans ; – test d’ischémie non invasif (privilégier les examens de stress et bannir le coroscanner) : tous les 3 à 5 ans. Patient symptomatique : – recherche d’une ischémie (test d’ischémie non invasif) ou explorations invasives selon profil de risque et la symptomatologie (I-B) ; – réévaluation du statut coronaire en cas d’apparition d’une dysfonction VG sans cause réversible (I-C). Prise en charge médicamenteuse des SCC Le traitement de prévention secondaire des SCC repose aujourd’hui sur une association de traitements d’antithrombotiques, d’hypolipémiants, d’antiischémiques, d’inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou d’antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA-2). D’autres traitements ont également montré des bénéfices pour réduire les événements ischémiques notamment chez les patients à très haut risque CV (anti-inflammatoires, GLP-1-RA, etc.) (figure 3). Figure 3. Traitements de prévention secondaire pour les patients avec un syndrome coronarien chronique. Traitement antithrombotique : aspirine seule ou en association ? Le choix du traitement antithrombotique repose sur 4 paramètres principaux : l’évaluation du risque ischémique et hémorragique, un geste récent de revascularisation myocardique percutanée et l’indication (ou non) à un traitement anticoagulant au long cours (arythmie par fibrillation atriale notamment). Chez le patient en rythme sinusal, l’aspirine à faible dose (75 à 100 mg par jour) représente le traitement de référence chez les patients ayant un antécédent d’infarctus ou de revascularisation myocardique avec un niveau de recommandation maximal (I-A). Le clopidogrel peut constituer une alternative à l’aspirine en cas d’intolérance de celle-ci (I-B), voire être préféré à l’aspirine chez les patients ayant une artériopathie périphérique (symptomatique ou non) et chez ceux ayant un antécédent d’AVC (IIb-B)(1). Chez les patients à haut risque ischémique ou à risque modéré (tableau 1), l’aspirine peut être associée à un deuxième antiagrégant plaquettaire (ticagrelor 60 mg deux fois par jour) ou à un traitement anticoagulant oral direct (AOD) à faible dose (rivaroxaban 2,5 mg deux fois par jour)(1). Ces stratégies évaluées respectivement dans les études PEGASUS et COMPASS ne sont toutefois pas applicables en France (produits non disponibles). Certains praticiens préfèrent garder toutefois une double antiagrégation plaquettaire (aspirine et clopidogrel) comme alternative chez ces patients à « haut risque ». Après une revascularisation myocardique par angioplastie, une double antiagrégation plaquettaire associant aspirine et clopidogrel est recommandée pour une durée de 6 mois quel que soit le type de stent utilisé (I-A). En cas de risque hémorragique élevé ou très élevé ce délai peut être raccourci à 3 mois (IIa-A) et 1 mois (IIb-C) respectivement. Le prasugrel et le ticagrelor sont réservés aux SCA mais peuvent être discutés en cas d’intolérance au clopidogrel ou dans des situations cliniques précises (angioplasties multiples, résultat imparfait de l’angioplastie avec risque de thrombose de stent, etc.) (IIb-C)(1). Chez les patients ayant une fibrillation atriale devant être anticoagulés (score CHADVASC ≥ 1), les AOD doivent bien sûr être préférés aux anti-vitamine K pour réduire les complications hémorragiques (I-A). L’association AOD-aspirine ne doit cependant pas être systématique et doit être réservée aux patients à très haut risque ischémique (préférer les AOD seuls dans les autres cas). Le choix de toutes ces stratégies doit être modulé par le risque hémorragique du patient. La prescription d’un inhibiteur de pompe à protons (IPP) est préconisée en cas de risque hémorragique digestif élevé (IA). La prescription systématique de ces traitements doit être évitée en raison des effets indésirables potentiels de ces traitements au long cours. Traitements hypolipémiants : statines, ézétimibe puis inhibiteurs de PCSK9 ? Les objectifs thérapeutiques chez les patients à très haut risque CV sont désormais de réduire le LDLC d’au moins 50 % par rapport au LDLC initial et en dessous du seuil de 1,4 mmol/l (< 55 mg/dl) (IA)(2). Chez les patients ayant fait plus ieur s événement s CV majeurs au cours des deux dernières années, l’objectif est d’avoir un LDLC en dessous de 0,40 mg/dl. Pour cela, la prescription d’une statine à haute dose (atorvastatine 40 mg ou 80 mg/jour, rosuvastatine 20 mg ou 40 mg par jour) est recommandée en première intention et permet de réduire le LDLC d’environ 50 %. L’ézétimibe peut être associé aux statines pour optimiser les résultats (réduction du LDLC de l’ordre de 65 %). Les associations (atorvastatine/rosuvastatine + ézétimibe) permettent d’améliorer l’observance thérapeutique. Enfin, les données de morbimortalité des essais FOURIER et ODYSSEY OUTCOMES ont montré la capacité des inhibiteurs de PCSK9 (évolocumab et alirocumab) à réduire le LDLC de plus de 60 % (en association avec les statines). Cette réduction de LDLC était associée à une réduction de 15 % des événements ischémiques. Ces molécules ne sont pour l’instant pas disponibles en France et seront réservées aux patients à très haut risque CV n’ayant pas atteint les objectifs de LDLC fixés. En cas d’hypertriglycéridémie (1,35 à 4,99 g/l), l’étude REDUCEIT a montré une réduction de 25 % des événements ischémiques majeurs en associant l’équivalent de 4 g d’huile de poissons purifiée (acide eicosapentaénoïque, EPA) aux statines. Traitement anti-ischémique : bêtabloquant ou inhibiteur calcique ? Le traitement antiischémique optimal est défini comme le traitement permettant de contrôler les symptômes et de prévenir les événements CV majeurs avec une adhésion maximale et un minimum d’effets indésirables. Concernant le SCC, il n’existe pas de définition universelle du traitement « optimal ». Le traitement initial repose le plus souvent sur une ou deux molécules choisie(s) selon la tolérance attendue, le profil de risque du patient (âge, facteurs de risque et comorbidités), les interactions potentielles avec les autres thérapeutiques et les préférences du patient. Dans le SCC, les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques représentent le traitement de première intention bien qu’aucun essai clinique n’ait véritablement validé cette stratégie. Les recommandations des Sociétés savantes ne reposent donc pas sur grandchose… À noter une large métaanalyse récente portant sur 46 études (avec 71 traitements comparatifs) qui plaide pour une association d’emblée de bêtabloquant et d’inhibiteur calcique(1). En pratique, il faut distinguer les situations où il est possible (ou non) d’introduire ces traitements : – introduction de bêtabloquants en première intention comme traitement standard dans la plupart des cas et en particulier chez les patients tachycardes (chez qui une association avec des inhibiteurs calciques bradycardisants peut être envisagée) et chez les patients ayant une dysfonction VG et/ou des antécédents d’insuffisance cardiaque systolique (chez qui le niveau de recommandation est le plus élevé [IA]) ; – éviter les bêtabloquants en première intention (ou à évaluer prudemment après introduction de petites doses) en cas : de fréquence cardiaque basse (< 50 bpm) ; d’hypotension ; de pathologies respiratoires sévères (asthme, insuffisance respiratoire chronique, etc.) ou d’artériopathie périphérique sévère. Les bénéfices des bêtabloquants sur la mortalité et les événements CV ont été observés principalement dans l’infarctus du myocarde récent et dans l’insuffisance cardiaque avec dysfonction VG. Dans cette dernière situation, les molécules les plus étudiées sont le carvédilol (essai CAPRICORNE), le bisoprolol (essai CIBISII), le métoprolol (essai MERITHF) et le nébivolol (essai SENIORS). Toutes ces molécules ont montré une réduction de la mortalité globale comparée au placebo. En revanche, les bénéfices des bêtabloquants dans la maladie coronaire en dehors de ces situations sont plus débattus. Dans tous les cas, le traitement initial doit être introduit avant la réalisation d’examens complémentaires (explorations fonctionnelles, imagerie coronaire, explorations invasives) et doit être réévalué dans les 4 à 6 semaines. La fréquence cardiaque souhaitée au repos est entre 55 et 60 bpm. Inhibiteur de l’enzyme de conversion ou antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2 La prescription d’IEC (ou d’ARA2) est recommandée dans 3 situations (insuffisance cardiaque, hypertension et diabète) pour leurs propriétés sur le remodelage ventriculaire et la néphroprotection (IA)(1). Les IEC (ou ARA2) peuvent toutefois être prescrits plus largement chez les patients à très haut risque cardiovasculaire. Enfin, en cas de dysfonction VG ayant récupéré, il est recommandé de ne pas les arrêter (risque de dégradation de la FEVG). Quels autres traitements de prévention secondaire ? • Analogue du GLP1 : les agonistes du récepteur des GLP1 sont des antidiabétiques injectables qui stimulent la sécrétion d’insuline, diminuent la production de glucagon, ce qui permet d’améliorer le contrôle glycémique. Ces molécules ralentissent également la vidange gastrique conduisant à une perte de poids. Les principaux essais cliniques (SUBSTAIN6 avec le sémaglutide, LEADER avec le liraglutide, REWING avec le dulaglutide) ont montré un bénéfice sur la survenue d’événements CV (décès CV, AVC, infarctus) en prévention secondaire. Les dernières recommandations de l’ESC sur la prise en charge du diabète recommandent ces molécules chez les patients coronariens avérés pour réduire les événements ischémiques(3). • Les gliflozines (inhibiteurs de SGLT2) sont à privilégier en cas d’insuffisance cardiaque. • Anti-inflammatoires : l’étude CANTOS avec le canakinumab a démontré les bénéfices d’un traitement antiinflammatoire chez les patients ayant un antécédent d’infarctus. Plus récemment l’étude COLCOT a montré que la colchicine (0,50 mg par jour) après un infarctus du myocarde pouvait également améliorer le pronostic de ces patients. Ce traitement devrait être préconisé dans les prochaines recommandations. En pratique Le concept de syndrome coronarien chronique (SCC) a remplacé celui de la maladie coronaire stable. Le suivi clinique dépend du délai de survenue de la revascularisation myocardique ou d’un SCA (risque accru d’événements ischémiques la première année). La prescription des traitements de prévention secondaire doit être adaptée au profil de risque du patient et de son risque résiduel.

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