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Cardiovasculaire

Publié le 31 mar 2012Lecture 8 min

Prise en charge du patient hyperglycémique/diabétique au cours et au décours immédiat d’un syndrome coronaire aigu

B. VERGÈS et le Groupe « Cœur et diabète » de la SFD en collaboration avec la SFC

La très grande fréquence des anomalies du métabolisme glucidique chez les patients hospitalisés pour un syndrome coronaire aigu (SCA) est bien établie avec une prévalence de diabète chiffrée entre 30 et 40 % et d’intolérance au glucose ou d’hyperglycémie à jeun non diabétique entre 25 et 36 % dans les études réalisées au cours des 10 dernières années.
Cependant, les recommandations sur la prise en charge des patients hyperglycémiques/ diabétiques sont limitées et souvent incomplètes. Plusieurs questions telles que le diagnostic des anomalies du métabolisme glucidique (diabète, intolérance au glucose, hyperglycémie à jeun non diabétique) au cours et au décours d’un SCA, l’utilisation des agents hypoglycémiants autres que l’insuline ou les situations nécessitant un avis diabétologique spécialisé n’ont jamais été clairement abordées. Ceci a donc motivé le groupe « Cœur et Diabète » de la SFD en collaboration avec la SFC à rédiger un consensus sur « la prise en charge du patient hyperglycémique/diabétique au cours et au décours immédiat d’un SCA » en considérant la situation aux différents stades du SCA (l’hospitalisation en soins intensifs cardiologiques, l’hospitalisation en cardiologie post-réanimation et le décours immédiat du SCA en incluant la réadaptation cardiaque), en abordant tous les problèmes diagnostiques et thérapeutiques et dans le souhait d’optimiser la collaboration entre cardiologues et diabétologues.

Nous présenterons ici les points essentiels de ce consensus dont le texte détaillé et argumenté a récemment été publié1. Pour ce consensus, ont été utilisés les niveaux de recommandations de l’HAS : • Niveau A : preuves scientifiques établies (à partir d’études comparatives randomisées ou de métaanalyses d’études randomisées) ; • Niveau B : hypothèses scientifiques (à partir d’études comparatives randomisées de faible puissance, d’études comparatives non randomisées bien conduites ou d’études de cohorte) ; • Niveau C : bas niveau de preuve (à partir d’études cas-témoins).   Diagnostic d’une anomalie du métabolisme glucidique chez les patients présentant un SCA   1. Il est nécessaire de doser chez tous les patients une glycémie à l’admission (niveau A) ainsi qu’une glycémie à jeun (niveau A) et une HbA1c (accord professionnel) le lendemain de l’admission. 2. La glycémie à l’admission sera utilisée pour diagnostiquer l’hyperglycémie de stress, chez un patient non diabétique connu, et conduira à initier une insulinothérapie si sa valeur est ≥ 180 mg/dl (10,0 mmol/l) (niveau A). Cependant, la glycémie à l’admission ne peut prédire une anomalie du métabolisme glucidique dans des conditions stables après le SCA (niveau B). 3. La glycémie à jeun sera utilisée pour guider la thérapeutique (niveau A). 4. Les patients ayant une HbA1c ≥ 6,5 % peuvent être considérés comme diabétiques (accord professionnel). 5. Chez les patients sans diabète connu et ayant une HbA1c < 6,5 %, les anomalies du métabolisme glucidique devront être recherchées, après le SCA, au moyen d’une épreuve de charge en glucose dans la mesure où la seule mesure de la glycémie à jeun ne permet pas de diagnostiquer une anomalie du métabolisme glucidique chez deux tiers des patients (niveau A). L’épreuve de charge en glucose devra être réalisée 7 à 28 jours après le SCA, dans des conditions cliniques stables (niveau B), le plus souvent au décours immédiat de l’hospitalisation puisque la durée de cette dernière est en règle < 7 jours. Les critères diagnostiques d’une anomalie du métabolisme glucidique sont identiques à ceux utilisés chez les sujets non coronariens (tableau). Prise en charge du diabète en unité de soins intensifs cardiologiques   1. En cas de diabète non connu, un traitement par administration continue d’insuline sera initié lorsque la glycémie à l’admission est ≥ 180 mg/dl (10,0 mmol/l) (niveau A). 2. En cas de diabète connu : – l‘administration continue d’insuline sera initiée lorsque la glycémie à l’admission est ≥ 180 mg/dl (10,0 mmol/l) et/ou lorsque la glycémie préprandiale est ≥ 140 mg/dl (7,77 mmol/l) durant la période d’hospitalisation en unité de soins intensifs (niveau A) ; – tous les autres traitements antidiabétiques devront être arrêtés durant l’hospitalisation en unité de soins intensifs (accord professionnel) ; – si un patient diabétique connu, antérieurement traité par insuline, présente une glycémie à l’admission < 180 mg/dl (10,0 mmol/l) et/ou une glycémie préprandiale < 140 mg/dl (7,7 mmol/l) durant l’hospitalisation en unité de soins intensifs, il est possible de poursuivre le protocole d’insulinothérapie utilisé par le patient avant son hospitalisation (accord professionnel). 3. Un objectif glycémique entre 140 et 180 mg/dl (7,7-10 mmol/l) est recommandé pour la majorité des patients plutôt qu’un objectif plus strict entre 110 et140 mg/dl (6,1-7,7 mmol/l) (niveau A). 4. Un objectif glycémique < 110 mg/dl (6,1 mmol/l) n’est pas recommandé (niveau A). 5. En cas d’indication d’insulinothérapie, il est recommandé d’utiliser l’administration continue IV d’insuline avec des bolus préprandiaux. Les doses d’insuline (débit de base et bolus) seront adaptées en fonction des glycémies capillaires (niveau A). 6. En cas d’insulinothérapie continue IV, la surveillance des glycémies capillaires sera réalisée 1 h après l’initiation de l’insulinothérapie, puis toutes les 2 h (niveau A). 7. Chez les patients hyperglycémiques/diabétiques non traités par insulinothérapie continue IV, la surveillance des glycémies capillaires sera réalisée avant chaque repas, 2 h après chaque repas et le soir au coucher (accord professionnel). 8. En unité de soins intensifs cardiologiques, l’insulinothérapie doit être réalisée par une équipe entraînée comprenant un diabétologue (accord professionnel). Un protocole d’insulinothérapie continue IV est présenté dans l’encadré. Prise en charge du diabète en hospitalisation cardiologique après les soins intensifs   1. La metformine n’est pas contre-indiquée après un SCA, en l’absence d’insuffisance rénale (accord professionnel). 2. Au décours d’un SCA, il est recommandé de ne pas utiliser les sulfamides hypoglycémiants de première génération et le glibenclamide, en raison d’une augmentation du risque cardiovasculaire associée à leur utilisation dans les études observationnelles (niveau C). 3. Les glinides ne sont pas contre-indiqués après un SCA (accord professionnel). 4. Il est possible d’utiliser l’acarbose, après un SCA, en fonction du profil métabolique du patient (hyperglycémie postprandiale prédominante) (accord professionnel). 5. La pioglitazone, si disponible, n’est pas contre-indiquée après un SCA. Elle ne doit pas être utilisée en cas d’insuffisance cardiaque congestive et/ou d’une FEVG < 45 % (accord professionnel). 6. Les agonistes GLP-1 ne sont pas contre-indiqués après un SCA (accord professionnel). 7. Les inhibiteurs DPP-4 ne sont pas contre-indiqués après un SCA (accord professionnel).   Prise en charge du diabète en réadaptation cardiaque   1. La réadaptation cardiaque réduit la morbidité et mortalité cardiovasculaire et globale après SCA (niveau A). Bien qu’aucune étude prospective n’ait été réalisée spécifiquement dans la population diabétique, nous pouvons supposer qu’un bénéfice similaire puisse être obtenu chez les patients diabétiques. 2. La réadaptation cardiaque représente une opportunité de faire prendre conscience aux patients du bénéfice de l’activité physique non seulement sur le système cardiovasculaire mais aussi sur l’amélioration du contrôle glycémique et la prévention du diabète de type 2  (niveau A). 3. La glycémie capillaire sera vérifiée, avant exercice physique chez tout patient diabétique, au cours de la réadaptation cardiaque. Dans un souci de réduire le risque d’hypoglycémie, il est recommandé de réaliser une glycémie capillaire 4 à 6 h après chaque session d’activité physique, chez les patients traités par insuline ou insulinosécrétagogues (sulfamides ou glinides) (accord professionnel). 4. En cas de glycémie avant l’exercice physique > 250 mg/dl (13,9 mmol/l), une recherche de cétonurie à la bandelette doit être pratiquée. En l’absence de cétose, chez un patient asymptomatique et correctement hydraté, la session d’activité physique pourra être initiée en contrôlant la glycémie capillaire au moins toutes les heures durant la session (accord professionnel). 5. Au cours de la prise en charge en réadaptation cardiaque, un avis auprès d’un diabétologue devra être demandé dans les situations suivantes : – mauvais contrôle glycémique (HbA1c ≥ 8 %) ; – et/ou hypoglycémies sévères/fréquentes (accord professionnel).   Prise en charge diététique/nutritionnelle   Au cours de l’hospitalisation en cardiologie 1. La quantité de glucides dans le régime journalier ne doit pas être différente, chez les diabétiques, de celle de la population non diabétique. Un minimum de 150 g/j de glucides est recommandé (niveau A). 2. En l’absence de l’intervention d’une équipe diabétologique au sein de l’unité de soins intensifs en cardiologie, il est recommandé d’utiliser une dose fixe de glucides pour chaque repas (accord professionnel). 3. Les patients diabétiques doivent bénéficier de 3 repas par jour (en l’absence de toute procédure intermittente) (niveau A). 4. Il est nécessaire d’éviter tout jeûne inutile (accord professionnel). 5. Il est préférable de choisir des aliments à faible index glycémique plutôt qu’à index glycémique élevé (niveau B). 6. En règle générale, l’apport de saccharose devra être évité (accord professionnel). 7.  Le saccharose n’est pas recommandé entre les repas en l’absence d’hypoglycémie (accord professionnel). 8. Chez les patients désirant consommer du saccharose lors d’un repas, la quantité ingérée devra être prise en compte dans la ration glucidique et remplacer une dose équivalente de glucides (niveau A). À la sortie de l’hospitalisation, recommandations spécifiques dans le cadre de la prévention cardiovasculaire 1. La consommation de graisses saturées doit être < 10 % de l’apport énergétique total et si possible < 7 % (niveau A). 2. Les acides gras trans doivent être évités (niveau A). 3. Un régime de type méditerranéen riche en fruits, légumes et acides gras mono-insaturés est recommandé (niveau A). 4. Une consultation auprès d’une diététicienne est impérative en cas de franche hypertriglycéridémie (accord professionnel). 5. D’une façon générale, une consultation auprès d’une diététicienne est recommandée chez tout patient après un SCA.   Quand adresser un patient à un diabétologue ?   1. En unité de soins intensifs cardiologiques, l’insulinothérapie doit être réalisée par une équipe entraînée comprenant un diabétologue (accord professionnel). 2. Avis diabétologique avant la sortie de cardiologie : Un patient devra être adressé à un diabétologue avant sa sortie de l’hôpital dans les situations suivantes : – diabète méconnu, diagnostiqué à l’occasion du SCA (HbA1c ≥ 6,5 %) ; – et/ou diabète connu avec HbA1c ≥  8 % ; – et/ou initiation d’un traitement par insuline ; – et/ou hypoglycémies sévères/fréquentes (niveau B). Dans ces situations, en cas d’impossibilité d’avis diabétologique, le cardiologue devra avant la sortie du patient de cardiologie, prendre contact avec un service de diabétologie afin d’organiser une hospitalisation en diabétologie à la suite immédiate de l’hospitalisation en cardiologie (accord professionnel). 3. Avis diabétologique après la sortie de cardiologie : – Chez les patients sans diabète connu et ayant une HbA1c < 6,5 %, il est recommandé de réaliser une épreuve de charge en glucose 7 à 28 jours après le SCA. En cas de diabète diagnostiqué lors de cette épreuve, le patient devra être adressé à un diabétologue pour prise en charge éducative, initiation d’un traitement et organisation du suivi ultérieur du patient en coordination avec le médecin traitant (accord professionnel). – Au décours d’une hospitalisation pour SCA, le patient peut être adressé à des centres spécialisés en éducation sur le diabète (accord professionnel). 4. Avis diabétologique en réadaptation cardiaque : Un avis auprès d’un diabétologue devra être demandé dans les situations suivantes : – mauvais contrôle glycémique (HbA1c ≥  8 %) ; – et/ou hypoglycémies sévères/fréquentes (accord professionnel). Groupe « Cœur et Diabète de la SFD (Société Francophone du Diabète), en collaboration avec la SFC (Société Française de Cardiologie) B. Vergès (Diabétologie, CHU de Dijon), A. Avignon (Diabétologie, CHU de Montpellier), F. Bonnet (Diabétologie, CHU de Rennes), B. Catargi (Diabétologie, CHU de Bordeaux), S. Cattan (Cardiologie, CHI Le Raincy-Montfermeil), E. Cosson (Diabétologie, CHU de Bondy), G. Ducrocq (Cardiologie, CHU Bichat, Paris ), M. Elbaz (Cardiologie, CHU de Toulouse), A. Fredenrich (Diabétologie, CHU de Nice), P. Gourdy (Diabétologie, CHU de Toulouse), P. Henry (Cardiologie, CHU Lariboisière, Paris) , O. Lairez (Cardiologie, CHU de Toulouse), A.-M. Leguerrier (Diabétologie CHU de Rennes), C. Monpère (Réadaptation cardiaque, Bois Gibert), P. Moulin (Diabétologie, CHU Lyon), B. Vergès-Patois (Réadaptation Cardiaque Les Rosiers, Dijon), R. Roussel (Diabétologie, CHU Bichat, Paris), G. Steg (Cardiologie, CHU Bichat, Paris), P. Valensi (Diabétologie, CHU de Bondy).

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