Publié le 31 jan 2012Lecture 6 min
Comment choisir le traitement antihypertenseur chez le diabétique ?
P. LANTELME, P.-Y. COURAND, Hôpital de la Croix-Rousse, Hospices Civils de Lyon et Université Lyon-1
Même si l’objectif tensionnel fait largement débat dans le diabète, la baisse de la pression artérielle chez l’hypertendu diabétique est un enjeu majeur pour la protection cardiovasculaire et rénale et ce, quelles qu’en soient les modalités.
La question abordée dans cet article est celle de la stratégie thérapeutique que l’on peut recommander actuellement pour obtenir cette baisse tensionnelle. Il existe en effet de nombreuses données nous permettant de proposer une rationalisation de cette prise en charge à la fois au stade de la monothérapie comme à celui des combinaisons thérapeutiques. Il faut bien reconnaître qu’avec les dernières recommandations disponibles (celles du NICE) publiées en 2011, la stratégie thérapeutique de l’hypertendu diabétique et celle de l’hypertendu « tout-venant » deviennent extrêmement proches1.
Etapes progressives dans le choix du traitement.
Tous les antihypertenseurs marchent !
Comme indiqué en préambule, le bénéfice du traitement antihypertenseur chez l’hypertendu diabétique comme chez l’hypertendu tout-venant est avant tout lié à la baisse tensionnelle. Une métaanalyse publiée par Turnbull et al. en 20052 montrait que, sur des critères « durs » tels que la mortalité toute cause ou la mortalité cardiovasculaire, les grandes classes d’antihypertenseurs (bêtabloquants, diurétiques, bloqueurs du système rénine angiotensine (SRAA) et antagonistes calciques) font jeu égal. Cette homogénéité d’effet n’exclut pas toutefois des différences d’efficacité sur des critères particuliers ou dans des sous-groupes de patients. Ainsi, les antagonistes calciques paraissent supérieurs aux autres classes sur le critère de la prévention des maladies cérébrovasculaires. Ils semblent, en revanche, moins performants sur la prévention de l’insuffisance cardiaque, mais ce critère est souvent difficile à juger.
Des bénéfices particuliers en présence de certaines comorbidités
Les bloqueurs du SRAA représentent une classe fondamentale dans la néphropathie diabétique. Cet effet néphroprotecteur a été bien documenté dans le diabète avec les études RENAAL et IDNT, publiées il y a une dizaine d’années3,4.
Dans ces études, l’utilisation d’un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) chez des patients porteurs d’une néphropathie diabétique avait montré une prévention de la dégradation de la fonction rénale justifiant pleinement leur indication élective dès que cette condition était présente. L’utilisation des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) a été également légitimée dans cette situation par les résultats favorables obtenus dans d’autres néphropathies ou encore dans le diabète de type 1. De plus, l’utilisation des bloqueurs du SRAA est indiquée lorsque le diabète coexiste avec une pathologie cardiaque, qu’il s’agisse d’une cardiopathie ou d’une coronaropathie.
Les bêtabloquants ont aussi une place importante lorsqu’une atteinte cardiaque est présente. Ils sont à utiliser largement en cas d’insuffisance cardiaque ou de maladie coronaire, alors que l’expérience montre qu’ils sont plutôt sous-utilisés dans ces indications en présence d’un diabète.
Les antagonistes calciques ont un intérêt particulier en cas de coronaropathie et les diurétiques ont une place importante, le plus souvent en association, en présence d’une insuffisance cardiaque ou d’une insuffisance rénale.
Quelle monothérapie ?
Comme discuté ci-dessus, si des comorbidités sont présentes, ce sont elles qui vont guider le choix de la thérapeutique, le plus souvent par un IEC, un ARA II ou un bêtabloquant. En l’absence de comorbidités, peu de données justifient l’emploi préférentiel d’une classe par rapport à une autre et toutes les monothérapies de première intention peuvent être en principe utilisées. Peut-on néanmoins proposer des éléments pour préciser ce choix et orienter le traitement ?
Plusieurs études ont été réalisées avec les bloqueurs du SRAA (BENEDICT, ROADMAP, DIRECT) pour évaluer la prévention de la microangiopathie5-7. Elles ont eu des fortunes diverses. Les deux premières ont été positives sur le critère de jugement (prévention de la microalbuminurie) ; la troisième étude, dont l’objectif principal était la rétinopathie, n’a pas retrouvé d’effet préventif du candésartan sur la microalbuminurie. L’impact potentiel des bloqueurs du SRAA sur la prévention de l’apparition d’une néphropathie paraît donc faible et inconstant d’une étude à l’autre. De plus, dans l’étude ROADMAP, il existait un surcroît de mortalité dans le groupe traité par olmésartan comparativement au placebo, d’interprétation difficile compte tenu de la faiblesse du nombre d’événements, mais tout de même préoccupant.
Qu’en est-il des bêtabloquants ? Ils ont plutôt mauvaise presse actuellement dans l’HTA, mais aussi dans le diabète, accusés de méfaits métaboliques. Effectivement, dans l’étude UKPDS8, l’emploi d’un bêtabloquant s’associait à une prise de poids supérieure en moyenne de 1,4 kg par rapport à celle induite par un IEC, associée à une petite aggravation de l’équilibre glycémique (augmentation de l’HbA1c de 0,4 % en moyenne). Ceci est à tempérer par le fait que la comparaison d’une stratégie basée sur l’aténolol n’apparaissait pas inférieure à une stratégie basée sur l’énalapril chez des hypertendus diabétiques ayant une faible prévalence de néphropathie à l’inclusion. Il faut également ajouter que les bêtabloquants de dernière génération, vasodilatateurs, ont des effets plus modestes sur l’insulinorésistance, ce qui les rend tout à fait compatibles avec une utilisation chez l’hypertendu diabétique.
Les diurétiques posent question depuis une métaanalyse réalisée par Messerli et al. en 20119. Les auteurs montrent qu’aux doses couramment utilisées actuellement (12,5-25 mg/j), l’hydrochlorothiazide a un effet antihypertenseur plus faible que toutes les autres monothérapies et il faut utiliser des doses bien supérieures, de l’ordre de 50 mg/j, pour avoir une efficacité antihypertensive comparable. À ces doses, le problème est double : celui d’une hypokaliémie qui est associée à un surcroît de mort subite et d’AVC et celui d’une aggravation de l’équilibre glycémique.
Le diurétique de référence, validé comme ayant une efficacité similaire aux autres produits, est la chlortalidone, actuellement non disponible en monothérapie. Ces limites font qu’une stratégie diurétique en première intention chez le patient diabétique ne paraît pas optimale. Il va de soi, néanmoins, que les diurétiques doivent être largement utilisés dans l’HTA du diabétique en combinaison. Il faut alors les employer à bonne dose sans négliger une hypokaliémie induite.
Les antagonistes calciques ont largement démontré leur intérêt dans l’HTA systolique. Ils sont particulièrement efficaces sur la prévention des AVC, mais peut-être moins sur les coronaropathies et l’insuffisance cardiaque. Leur emploi en première intention dans l’HTA du diabétique paraît possible en l’absence de comorbidité et surtout dans un contexte d’HTA systolique.
En résumé, l’utilisation des bloqueurs du SRAA représente sans doute un choix pragmatique en première intention dans l’HTA du diabétique « tout-venant ». Néanmoins, en l’absence de comorbidité cardiaque ou rénale, le bénéfice qu’ils confèrent par rapport aux autres médicaments, s’il est réel, est probablement limité. À ce titre, un antagoniste calcique peut aussi être utilisé, en particulier dans l’HTA systolique. Enfin, un bêtabloquant, notamment ceux de dernière génération, n’est pas non plus une option déraisonnable.
Comment associer ?
Ce débat est de toute façon souvent dépassé dans la mesure où une plurithérapie est indispensable chez bon nombre de patients diabétiques. Si le traitement introduit en première intention est un IEC ou un ARA II, l’étude ACCOMPLISH10 nous a aidés à déterminer l’association la plus efficace en deuxième ligne. Cet essai comparait l’ajout d’un diurétique ou d’antagoniste calcique à un IEC. Chez des patients hypertendus (diabétiques pour plus de 60 % d’entre eux) traités par bénazépril, l’ajout d’une dihydropyridine a été plus efficace que celle d’un diurétique sur la prévention des événements cardiovasculaires. On peut donc proposer le schéma ci-dessus pour l’adaptation du traitement chez le diabétique.
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