Éducation-Législation
Publié le 31 mar 2010Lecture 8 min
La loi sur l’éducation thérapeutique en bref
B. CHARBONNEL, Centre hospitalier universitaire 1, Nantes
La loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires), dite « loi Bachelot », a été promulguée en 2009 et modifie en profondeur l’organisation du système de soins en France. La principale disposition organisationnelle de la loi est sans doute la création des Agences régionales de santé (ARS) qui auront pour mission de structurer l’ensemble du soin, à la fois libéral et hospitalier, dans les territoires sous leur responsabilité. S’y ajoutent des actions de prévention et de santé publique. L’éducation thérapeutique du patient (ETP) a été inscrite dans la loi, ce qui représente un progrès majeur.
La loi HPST a été publiée dans le Journal Officiel du 22 juillet 2009, et s’est traduite par des modifications du code de la santé publique, notamment l’article L1161-1 qui stipule :
« L’éducation thérapeutique s’inscrit dans le parcours de soins du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie. Elle n’est pas opposable aux malades et ne peut conditionner le taux de remboursement de ses actes et des médicaments afférents à sa maladie. »
L’article L1161-3 stipule pour sa part : « Les actions d’accompagnement font partie de l’éducation thérapeutique. Elles ont pour objet d’apporter une assistance et un soutien aux malades ou à leur entourage, dans la prise en charge de la maladie. Elles sont conformes à un cahier des charges national dont les modalités d’élaboration et le contenu sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé. »
La loi a été élaborée sur la base du rapport « Pour une politique nationale de l’éducation thérapeutique » rédigé, à la demande de la ministre, par Dominique Bertrand (Pr de santé publique), Bernard Charbonnel (Pr d’endocrinologie clinique), et Christian Saout (président du Collectif inter-associatif des patients). Il est vraisemblable que ce rapport servira de base, au moins en partie, pour orienter la manière dont la loi sera traduite sur le terrain dans les années à venir.
On peut distinguer, dans les 24 propositions du rapport, des propositions qui ont trait à la définition de l’éducation thérapeutique, d’autres qui ont trait aux compétences à acquérir pour être « éducateur de santé » au sein des équipes multidisciplinaires chargées de l’éducation thérapeutique des patients, d’autres dispositions précisent le rôle central des Agences régionales de santé dans l’organisation à venir de l’ETP, d’autres recommandations enfin concernent le financement.
Définition de l’ETP
Les questions sémantiques sont, à vrai dire, des questions essentielles pour savoir de quoi on parle, ce qu’on va organiser, ce qu’on va financer, etc. entre des termes parfois pris les uns pour les autres : éducation thérapeutique, accompagnement, observance, éducation pour la santé...
La recommandation n° 1 du rapport est la suivante :
« L’éducation thérapeutique s’entend comme un processus de renforcement des capacités du malade et/ou de son entourage à prendre en charge l’affection qui le touche, sur la base d’actions intégrées au projet de soins. Elle vise à rendre le malade plus autonome par l’appropriation de savoirs et de compétences afin qu’il devienne l’acteur de son changement de comportement, à l’occasion d’événements majeurs de la prise en charge (instauration du traitement, modification du traitement, événements intercurrents, etc.) mais aussi plus généralement tout au long du projet de soins, avec l’objectif de disposer d’une qualité de vie acceptable par lui. »
Ainsi, l’éducation thérapeutique stricto sensu se distingue de l’accompagnement du malade, défini comme un processus externe veillant à soutenir le patient et son entourage, y compris dans le cas d’un accompagnement pour une bonne observance des traitements.
Le terme d’observance est parfois un mot source de confusion. L’observance n’est pas l’objet du rapport, ni de la loi. Au sens large, il s’agit d’un objectif, que permet d’atteindre l’éducation thérapeutique – mais parmi d’autres objectifs – ainsi que les programmes d’accompagnement – parmi d’autres moyens.
Par ailleurs, l’éducation thérapeutique partage avec l’éducation pour la santé des objectifs et des outils qui, loin de les opposer, concourent, sur des temps et des champs différents, au développement des politiques de promotion de la santé.
À tort ou à raison, le rapport a donc distingué l’éducation thérapeutique de l’accompagnement et, plus encore, l’éducation thérapeutique de l’éducation pour la santé. Cela ne signifie nullement que ces deux derniers domaines sont de moindre importance, ils sont simplement différents.
Lorsqu’on examine le texte définitif de la loi (articles L1161-1 et L1161-3, cités en introduction), on voit que, pour l’essentiel, ces recommandations ont été suivies. La loi distingue l’éducation thérapeutique de l’accompagnement et elle inscrit l’éducation thérapeutique dans le parcours de soins.
Pour une bonne organisation de l’ETP, des compétences nouvelles
Le rapport souhaite que la pratique de l’éducation thérapeutique du patient s’appuie sur des compétences nouvelles, incluant la validation des acquis de l’expérience. Cet enseignement spécifique pourrait déboucher non sur un nouveau métier, mais sur des compétences dans les professions de santé existantes ; celui qui les aurait acquises aurait la compétence d’« éducateur de santé ». On peut imaginer une offre d’enseignements assez variée ; le rapport insiste sur la nécessité que soit établi un lien contractuel entre ces filières d’enseignement, l’université et les équipes de terrain où se pratique l’enseignement thérapeutique.
Les recommandations de la mission consistent à intégrer aux équipes multidisciplinaires agréées en ETP des personnes ayant acquis une formation spécifique en sciences de l’éducation, ce qui ne veut en aucune manière dire que tous les membres de ces équipes aient suivi une formation de cette nature ; il suffit sans doute de quelques personnes ressources par équipe. Un lien contractuel à l’université permettrait d’éviter une dérive dans la qualité des enseignements. Un lien contractuel à des terrains de stages où se pratique, dans une perspective de soins, l’éducation thérapeutique permettrait d’éviter la dérive de la théorisation, du jargon et de la dogmatique, parfois observée dans ce domaine.
Mise en place d’une gouvernance : le rôle central des Agences régionales de santé (ARS)
Il y a là une cohérence forte avec l’ensemble du dispositif organisationnel de la loi HPST.
Le rapport propose que l’ARS soit seule compétente dans son ressort territorial pour labelliser les équipes et puis, dans un deuxième temps, pour les évaluer. Les structures souhaitant être labellisées comme structures d’éducation thérapeutique devront vraisemblablement répondre à un appel régional à projets, que le rapport souhaite léger sur le plan administratif.
Cet appel à projets se fera sur la base d’un cahier des charges national rédigé par l’INPES et/ou la HAS.
Ces recommandations se sont traduites dans le code de la santé publique par des dispositions, qui vont dans le détail des conditions d’agrément et dont les principales sont les suivantes :
Art.L. 1161-2 : « Les programmes d’éducation thérapeutique du patient sont conformes à un cahier des charges national dont les modalités d’élaboration et le contenu sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé. Ces programmes sont mis en œuvre au niveau local, après autorisation des agences régionales de santé. Ils sont proposés au malade par le médecin prescripteur et donnent lieu à l’élaboration d’un programme personnalisé. Ces programmes sont évalués par la Haute Autorité de Santé. »
Art.L. 1162-1 : « Est puni de 30 000 € d’amende le fait de mettre en œuvre un programme sans une autorisation prévue aux articles L. 1161-2 et L. 1161-5. »
À noter aussi le texte suivant dans les documents déjà parus au JO : « Les promoteurs de programmes d’éducation thérapeutique du patient déjà mis en œuvre avant la publication de la présente loi ont jusqu’au 1er janvier 2011 pour obtenir l’autorisation de ces programmes auprès des agences régionales de santé compétentes. »
Bref, au-delà des quelques textes ci-dessus, une série d’articles du code de santé publique, certains un peu obscurs dans leur formulation, vont constituer la base juridique de la labellisation des équipes d’ETP par les ARS, sans doute à partir du 2e semestre 2010.
Comment financer l’ETP ?
Tout reste à définir dans ce domaine, ce qui est normal car les modalités de financement ne relèvent pas de la loi.
Le rapport « Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique » abordait précisément la question du financement.
La recommandation n° 19 du rapport est la suivante : « Le financement des activités et des programmes d’éducation thérapeutique du patient devra être assuré :
– d’une part sur une tarification spécifique, en ambulatoire comme à l’hôpital ;
– d’autre part sur un fonds national clairement identifié et réparti au niveau régional sur les agences régionales de santé. »
Autrement dit, un double financement potentiel :
- D’une part, un financement à l’activité, autrement dit une T2A pour tous les établissements de soins. La réforme en cours de la T2A pourrait donc intégrer la tarification spécifique des activités d’éducation thérapeutique du patient (GHS ou forfait spécifique). Actuellement, pour l’activité d’ETP dans les établissements hospitaliers, du moins pour l’activité ambulatoire qui représente l’essentiel de l’activité d’ETP, le financement est assuré par les MIG (missions d’intérêt général), étant clair que l’ETP ne relève pas, du moins réglementairement, par exemple, de l’hôpital de jour. Les sommes dédiées à l’ETP dans le cadre des MIG sont loin d’être négligeables mais elles sont allouées puis utilisées d’une manière qui, dans l’état actuel des choses du moins, et de façon variable suivant les établissements, manque de transparence. Une tarification spécifique, à la place des MIG, est proposée par la mission.
- D’autre part, l’unification des nombreuses lignes budgétaires existantes en un fonds national qui permettrait aux ARS d’initier plusieurs structures et initiatives au-delà du maintien du financement de l’existant.
À la question légitime de ceux (industriels ou acteurs de santé...) qui s’interrogent sur le rôle que pourrait avoir l’industrie dans ce nouveau dispositif, la question est ouverte, comme indiqué dans certains des nouveaux articles du code de la santé publique mais, en tout état de cause, ce rôle devra être réglementé et, pour tout dire, sera sans doute limité, compte tenu du dernier paragraphe de l’article L. 1161-1, précisément l’article qui inscrit l’éducation thérapeutique dans la loi, paragraphe ainsi formulé : « Dans le cadre des programmes ou actions définis aux articles L. 1161-2 et L. 1161-3, tout contact direct entre un malade et son entourage et une entreprise se livrant à l’exploitation d’un médicament ou une personne responsable de la mise sur le marché d’un dispositif médical ou d’un dispositif médical de diagnostic in vitro est interdit. »
Conclusion
J’ai essayé, dans ce bref article, de faire le point sur ce qu’est l’esprit du rapport dont j’étais l’un des rédacteurs et de faire le point sur la manière dont il s’est traduit, dans le deuxième semestre 2009, dans le code de santé publique.
De nombreux textes d’application restent à écrire.
Mais l’essentiel, à mon avis, va désormais se jouer sur le terrain, auprès des ARS qui sont en train de se mettre en place et qui devraient considérer leur mission en matière d’ETP comme une mission importante.
Autrement dit, la loi est une formidable opportunité pour améliorer l’organisation et la qualité de l’éducation thérapeutique en France.
Ses conséquences pratiques seront ce qu’en feront les acteurs de terrain, à l’échelon territorial plutôt que national.
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