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Hypoglycémie

Publié le 31 aoû 2010Lecture 6 min

Hypoglycémies et fonctions cognitives

F. BONNET, Service endocrinologie-diabétologie et nutrition, CHU de Rennes

L’impact des hypoglycémies sur les fonctions cognitives des patients diabétiques demeure un sujet important de préoccupations, à la fois de la part des patients et des médecins qui sont inquiets des conséquences neurologiques des hypoglycémies à long terme. Cette revue a pour objet de synthétiser les données récentes et de mieux apprécier quel est le niveau de preuves de l’association entre hypoglycémies et altérations des fonctions cognitives.

Le cerveau est dépendant d’un apport continu en glucose pour son fonctionnement physiologique. À la différence d’autres cellules, les neurones et les cellules gliales ont besoin d’un apport constant en glucose par la circulation pour leur métabolisme énergétique. Une partie du glucose sera métabolisée par les astrocytes en lactate puis transférée vers les neurones pour être métabolisée. Ces considérations physiologiques expliquent qu’une diminution des apports cérébraux en glucose secondaire à une hypoglycémie induise très rapidement des altérations des capacités cognitives.   Altérations cérébrales liées aux hypoglycémies   Chez des patients diabétiques de type 1 soumis à un clamp avec induction d’une hypoglycémie, il a été démontré que celle-ci induit une altération significative des capacités d’attention alors que les capacités de raisonnement non verbal sont préservées, au moins à court terme1. Il a été montré que certains neurones du cortex cérébral et de l’hippocampe sont particulièrement vulnérables aux hypoglycémies avec l’induction d’un stress oxydant puis d’une apoptose2. Des travaux récents ont suggéré que l’apoptose des neurones après hypoglycémie est surtout liée à la formation de radicaux libres pendant la phase de reperfusion en glucose et n’est pas une conséquence directe de l’hypoglycémie en elle-même (activation de la NADPH oxydase neuronale)2. De manière intéressante, dans ces travaux expérimentaux, il a été noté que plus la glycémie est élevée pendant la phase de récupération post-hypoglycémie, plus les lésions de stress oxydant conduisant à l’apoptose neuronale sont intenses. Des travaux expérimentaux ont mis en évidence que les lésions cérébrales induites par une hypoglycémie sévère sont plus importantes chez les rats diabétiques que chez des animaux non diabétiques qui subissaient pourtant une hypoglycémie d’intensité et de durée équivalente3. Cela suggère que le diabète augmente la vulnérabilité neuronale, en particulier du cortex, face aux conséquences des hypoglycémies sévères.   Conséquences des hypoglycémies répétées   Les hypoglycémies sont fréquentes chez les diabétiques sous insuline ou insulino-sécrétagogues. Il a été bien démontré que la survenue d’hypoglycémies répétées est associée à un émoussement de la réponse physiologique de contre-régulation, y compris chez l'animal. Cependant, les conséquences cérébrales à long terme d’hypoglycémies modérées mais répétées demeure un sujet de controverses en raison de la difficulté de tenir compte chez l’homme de facteurs de confusion importants tels que la durée du diabète, l’équilibre glycémique, l’existence de lésions vasculaires ou structurales associées. Des études chez le rat montrent que des antécédents récents d’hypoglycémies répétées sont associés à une augmentation des capacités de mémorisation spatiale lorsque la glycémie est normale quand le test de mémoire est effectué. En revanche, les capacités mnésiques sont diminuées lorsque les épreuves sont effectuées lors d’une hypoglycémie4,5. Ces données suggèrent que des antécédents d’hypoglycémies répétées ne favorisent pas une altération secondaire des capacités mnésiques. Le site qui serait le plus susceptible d’être atteint lors d’hypoglycémies répétées est l’hippocampe qui est très sensible aux variations des apports en glucose et qui est impliqué dans la mémoire déclarative et spatiale. Cependant, les données des études cliniques sont, là encore, contradictoires. Dans l’étude du DCCT concernant 1 144 diabétiques de type 1 (âge moyen de 27 ans à l’inclusion), la fréquence des hypoglycémies sévères, qui était pourtant élevée dans l’essai, n’a pas été corrélée aux variations ultérieures des fonctions cognitives après un suivi moyen de 18 ans6. Ces résultats ont été confirmés récemment dans le sous-groupe des adolescents (13-18 ans) du même essai prospectif7. Chez l’enfant, les données sont différentes et les études suggèrent que des hypoglycémies répétées affectent les performances mnésiques à long terme, d’autant plus que le diabète a débuté tôt dans l’enfance8. Chez des diabétiques australiens de plus de 70 ans, les antécédents d’hypoglycémies répétées n’ont pas été associés à la survenue d’une démence ou d’un déclin cognitif. Dans cette étude récente, la présence d’une démence était en revanche prédictive de la survenue d’hypoglycémies sévères9. Les données cliniques disponibles suggèrent donc que les hypoglycémies répétées ne favorisent pas de déclin ou d’altérations des fonctions supérieures chez l’adulte diabétique mais avec une réserve chez le jeune enfant pour lequel les données sont en faveur d’un impact potentiel sur les performances mnésiques à long terme.   Conséquences structurales des hypoglycémies   Une étude clinique récente a analysé les variations du volume du cerveau selon les sites anatomiques dans une cohorte de jeunes diabétiques de type 1. Des antécédents d’hypoglycémies sévères ont été associés dans ce travail à une diminution du volume de la substance grise dans la région temporale supérieure10. Cette étude ne peut pas déterminer de relation de causalité mais suggère, pour la première fois chez l’homme, que des hypoglycémies répétées puissent altérer la structure ou la plasticité de certaines régions spécifiques du cerveau10. Chez le rat, les hypoglycémies induisent une augmentation du contenu cérébral en glutamate au niveau du cortex. Il existe en parallèle une augmentation de l’expression cérébrale du récepteur au glutamate chez les rats soumis aux hypoglycémies11. Cette surexpression du glutamate peut favoriser les altérations neuronales, voire une apoptose de ces cellules11. Cependant, il faut souligner que l’hypothèse d’une augmentation de l’apoptose neuronale secondaire aux hypoglycémies répétées n’a pas pu être démontrée de manière formelle. Chez le rat, des hypoglycémies sévères induisant une crise comitiale sont associées à des lésions histologiques du cortex et de l’hippocampe3. Il existe une corrélation entre les altérations neuronales et l’intensité de l’épilepsie induite par l’hypoglycémie3 mais un tel phénomène n’a pas été démontré avec des hypoglycémies plus modérées, même répétées. Enfin, sur le plan fonctionnel, il a été montré que la survenue d’hypoglycémies conduit à une augmentation réactionnelle des capacités de transport du glucose au niveau du cerveau avec en particulier une augmentation de l’expression des transporteurs du glucose GLUT1 et 312.   Conclusion   Les craintes des diabétiques vis-à-vis de l’impact négatif des hypoglycémies sur les fonctions cognitives ne semblent donc pas fondées scientifiquement. Il n’a pas été prouvé que les hypoglycémies diminuent à long terme les fonctions cognitives ni favorisent la survenue d’une démence. Cependant, des études spécifiques anatomiques ou surtout fonctionnelles restent à faire. Les hypoglycémies répétées diminuent néanmoins la capacité de reconnaissance de l’hypoglycémie et altèrent les capacités cérébrales de réaction face à une nouvelle chute de la glycémie, ce qui est très problématique lors de la conduite automobile et ce qui montre à quel point la prévention des hypoglycémies reste un réel problème clinique et thérapeutique.

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