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Thérapeutique

Publié le 31 aoû 2011Lecture 9 min

Une nouvelle classe thérapeutique d'hypoglycémiants oraux, les inhibiteurs de SGLT2 : est-ce un réel espoir ?

B. CHARBONNEL, CHU et Université de Nantes

Le traitement du diabète de type 2 reste difficile, malgré le nombre désormais important des classes thérapeutiques disponibles. L'usage de la plupart des « anciennes classes thérapeutiques » est limité par les effets secondaires potentiels, en particulier le risque hypoglycémique et la prise de poids, d'où l'intérêt et le succès des médicaments dits « incrétines », inhibiteurs de la DPP4 et agonistes du GLP1. C'est également le cas de la classe des inhibiteurs SGLT2, actuellement en développement et dont l'organe cible est le rein.

Le rein est un organe important de l’homéostasie glucidique   La réabsorption tubulaire du glucose, filtré au niveau glomérulaire, représente une adaptation majeure, au cours de l’évolution, pour maintenir l’homéostasie glucidique et empêcher une déperdition calorique. L’amplitude de ce mécanisme est importante puisqu’on considère que près 180 g de glucose sont filtrés par jour puis complètement réabsorbés pour maintenir normale la glycémie. L’inhibition de la réabsorption rénale du glucose, entraînant l’élimination du glucose dans les urines plutôt que sa réabsorption dans le sang, est donc une piste nouvelle et originale de traitement du diabète. Dans ces conditions, la glycosurie, considérée depuis toujours comme un signe de décompensation métabolique, pourrait devenir le témoin de l’efficacité thérapeutique d’une nouvelle classe de médications hypoglycémiantes. La réabsorption tubulaire de la quasi-totalité du glucose filtré au niveau glomérulaire est médiée par le sodium-glucose cotransporteur  SGLT2,  exprimé dans le rein à la surface des cellules épithéliales du segment S1 du tubule proximal (figure 1). Une glycosurie chronique est le seul caractère phénotypique des mutations chez l’homme du gène codant pour SGLT2. La glycosurie rénale familiale est cette anomalie génétique tubulaire caractérisée par une glycosurie chronique isolée chez des sujets normoglycémiques. Aucune complication particulière n’a été décrite dans ces cas, il est vrai peu fréquents et qui n’ont pas été étudiés de manière extensive. La quantité de glucose filtré augmente avec la glycémie. Lorsque la glycémie est < 1,80-2 g par litre, la totalité du  glucose filtré est réabsorbée et il n’y a pas d’excrétion urinaire de glucose. À partir d’un seuil d’environ 2 g par litre, la capacité maximale de réabsorption tubulaire du glucose est atteinte, par saturation des mécanismes de transport, et le glucose non réabsorbé est excrété dans les urines, au prorata du niveau glycémique (figure 2). Figure 1. Les mécanismes rénaux de régulation glycémique. La quasi-totalité du glucose sanguin est filtrée au niveau glomérulaire puis réabsorbée au niveau du tube proximal par les SGLT, pour l'essentiel SGLT2. Le glucose est donc maintenu dans l'organisme, non excrété dans les urines. Figure 2. Réabsorption rénale du glucose avant et après l'inhibition de SGLT2. La réabsorption tubulaire du glucose est indiquée par la ligne rouge et l'excrétion urinaire du glucose est indiquée par la ligne bleue, les lignes en pointillé indiquant la conséquence de l'inhibition de SGLT2. La quantité de glucose filtré est le produit de la concentration du glucose plasmatique et du taux de filtration glomérulaire, et augmente donc quand la glycémie augmente. Lorsque la glycémie est < 1,80-2 g/l, la totalité du glucose filtré est réabsorbée et il n'y a pas d'excrétion urinaire de glucose. À partir d'un seuil d'environ 2 g/l, la capacité maximale de réabsorption tubulaire du glucose (Tmax : la quantité maximum de glucose qui peut être réabsorbée est de l'ordre de 375 mg/min) est atteinte par saturation des mécanismes de transport, et le glucose non réabsorbé est excrété dans les urines, au prorata du niveau glycémique : la courbe du glucose excrété est dès lors linéaire et parallèle à la courbe du glucose filtré. Il y a cependant une phase de transition (les lignes en pointillé entre le seuil réel et le seuil théorique) avant que la saturation des systèmes de transport ne soit complètement atteinte, ce qui s'explique par des différences de Tmax entre les néphrons et par la faible affinité pour le glucose de SGLT2, certaines molécules de glucose ne se fixant pas au transporteur et passant dans les urines. Les lignes en pointillé et les flèches décrivent ce qui se passe après inhibition de SGLT2. Les inhibiteurs SGLT2 diminuent le Tmax ce qui, en conséquence, augmente l'excrétion urinaire de glucose.   L’inhibition sélective de SGLT2 : une approche thérapeutique hypoglycémiante novatrice   Inhiber la réabsorption tubulaire du glucose, en bloquant sélectivement SGLT2, va logiquement entraîner une glycosurie et contribuer de ce fait à faire baisser la glycémie, sans risque hypoglycémique et avec l’intérêt d’une perte calorique liée à la perte urinaire de glucose. Le mécanisme de cette approche thérapeutique est original car indépendant de l’insuline et donc indépendant des mécanismes physiopathologiques habituels de l’hyperglycémie du diabétique, déficit de l’insulinosécrétion et insulinorésistance, mécanismes auxquels s’adressent toutes les autres classes actuellement disponibles de médications hypoglycémiantes. Ce qui va signifier que cette approche pourra être adjuvante des autres médications hypoglycémiantes. D’un point de vue théorique, en termes de tolérance, sous réserve de l’absence de toxicité propre aux molécules en développement, il convient de porter une attention particulière à la fonction rénale pour des médications qui agissent au niveau du rein et qui peuvent entraîner, du moins en théorie, perte d’eau et déshydratation. Augmenter la charge en glucose au niveau génito-urinaire peut aussi être source d’infections locales. De nombreux inhibiteurs SGLT2  sont actuellement en développement clinique. Le premier d’entre eux, celui sur lequel nous avons le plus de résultats, est la dapagliflozine (AZ/BMS). Seules les études cliniques diront si ces différentes molécules sont finalement similaires ou si certaines ont des différences significatives en clinique. Le dossier de la dapagliflozine est actuellement soumis à l’approbation des agences de régulation.   Conclusion : quelle place dans la stratégie de traitement ?   Les mécanismes de régulation rénale de la glycémie, connus depuis de nombreuses années, retrouvent une actualité avec la possibilité d'inhiber sélectivement SGLT2 qui est le principal transporteur de la réabsorption rénale du glucose. On crée ainsi pharmacologiquement une glycosurie, ce qui entraîne un certain degré de polyurie osmotique, une perte calorique, et va permettre de diminuer la glycémie par des mécanismes totalement indépendants de l'insuline, sans risque hypoglycémique, avec une baisse de la pression artérielle et une perte de poids. Compte tenu du mécanisme d'action, il ne devrait pas y avoir d'épuisement au fil du temps de l'efficacité de ces médications. De nombreux inhibiteurs SGLT2 sont en phase de développement clinique. Les résultats publiés des études cliniques de phase II ou de phase III montrent une efficacité hypoglycémiante certaine, bien que modérée, et un bon profil de tolérance, du moins sur 6 mois, à une exception près, une augmentation du nombre des cas d'infection génitale. Certes, il s'agit d'infections génitales sans gravité, dont le nombre n'est pas considérable et qui réagissent bien au traitement conventionnel mais cet effet secondaire peut représenter un frein à la prescription en routine de cette classe thérapeutique, dans un paysage qui comporte maintenant de nombreuses options, à commencer par les options dites « incrétines », inhibiteurs de la DPP4 et agonistes du GLP1... Par ailleurs, l'alerte récente sur une augmentation possible des cas de cancer sous dapagliflozine représente un frein supplémentaire, sinon à la prescription, du moins aux modalités d'approbation de cette classe thérapeutique par les autorités de régulation. L'un des intérêts potentiels majeurs des inhibiteurs SGLT2 est de pouvoir être associés, compte tenu de leur mécanisme d'action, à toutes les autres classes théra­peutiques hypoglycémiantes, y compris l'insuline, y compris chez les diabétiques de type 1. Un mauvais contrôle glycémique sous insuline à fortes doses, avec souvent une prise de poids, est a priori, sous réserve des études ad hoc, une très bonne indication d'ajouter à l'insuline un inhibiteur SGLT2. L'avenir dira quelle sera la place des inhibiteurs  SGLT2 à l'étape clé, dite étape 2, de l'intensification thérapeutique orale, en add-on de la metformine : peut-être dans un deuxième temps, en cas d'échec précoce du DPP4-inhibiteur qui est actuellement l'option préférentielle, du fait du bon recul qu'on a désormais pour ces molécules et de la quasi-absence d'effets secondaires connus, même s'il n'y a pas l'avantage de la perte de poids ou de la baisse tensionnelle observé avec le SGLT2-inhibiteur. En théorie, la triple association, metformine/incrétine (DPP4-inhibiteur ou GLP1 agoniste)/SGLT2 inhibiteur, semble une association optimale, à la fois pour des raisons glycémiques, pour des raisons de pression artérielle et pour des raisons pondérales, comparativement aux associations anciennes comportant des sulfamides ou des glitazones, mais il est actuellement prématuré de dire quelle sera exactement sa place, d'autant que son coût ne sera pas négligeable. Enfin, certaines indications spécifiques, en premier lieu l'insuffisance cardiaque ou le risque d'insuffisance cardiaque, mais aussi l'hypertendu diabétique difficile à contrôler sous bi- ou trithérapie antihypertensive, représenteront sans doute de bonnes indications pour une médication qui a une propriété de déplétion hydrosodée. Bref, il est clair que le rein est devenu en 2011 un organe cible potentiel des médications hypoglycémiantes.                         Les inhibiteurs SGLT2 : quels résultats cliniques   Dans les études de phase II Les inhibiteurs SGLT2 étudiés (en une prise orale par jour) inhibent la réabsorption rénale du glucose, inhibition de l’ordre de 40 %, et entraînent une glycosurie dose-dépendante, du moins jusqu’à l’inhibition maximale des transporteurs, après quoi augmenter la dose est sans effet supplémentaire. La glycosurie observée est de l’ordre de 50-80 g de glucose urinaire par jour en moyenne. Elle est un peu plus importante au début et se stabilise ensuite, une fois le niveau glycémique stabilisé. En parallèle, est observée une baisse quasi immédiate de la glycémie, à jeun et postprandiale (l’effet sur la glycémie postprandiale est plus marqué que celui sur la glycémie à jeun), et une diminution de l’HbA1c comprise, suivant les études et les doses employées, entre 0,4 et 0,8 % vs placebo à la 12e semaine. Une perte de poids, variable suivant les études et les inhibiteurs, mais pouvant aller jusqu’à 3 kilos à la 12e semaine, a été observée. Les études de phase III (6 à 12 mois) Elles commencent à être publiées et confirment ces résultats préliminaires en les précisant. Ainsi, dans la première étude publiée, en add-on de metformine, la réduction moyenne d’HbA1c au 6e mois sous dapagliflozine était de 0,54 % vs placebo pour la dose la plus forte. La baisse de la glycémie à jeun est rapide, maximale dès la fin de la première semaine. Une perte de poids significative d’environ 2 kg vs placebo, avec diminution du tour de taille, est observée. Si la perte initiale de poids peut être mise sur le compte d’une perte d’eau, la poursuite de la réduction pondérale et l’effet sur le tour de taille semblent devoir être reliés à la réduction calorique induite par la glycosurie. Une diminution significative de 4 à 5 mmHg de la pression artérielle systolique et de 2 mmHg de la pression artérielle diastolique, sans phénomènes d’hypotension orthostatique, a été observée.   Les inhibiteurs SGLT 2 : quelle tolérance ?   En termes de tolérance, les principaux résultats (du moins avec la dapagliflozine) sont les suivants (vs placebo) : • pas d’effets secondaires sérieux ; • pas d’hypoglycémies ; • pas d’augmentation des cas d’infection urinaire ; • augmentation des cas d’infection génitale, chez l’homme et chez la femme (8 à 13 % à 6 mois, vs 5 % sous placebo), infections génitales sans gravité ; • pas d’anomalies de la fonction rénale ; • augmentation de l’hématocrite (de 1,7 % sous la plus forte dose), a priori conséquence de la polyurie osmotique, mais sans aucun cas individuel dépassant un hématocrite de 60 % ; • quelques cas d’augmentation de l’urée, mais sans altération de la créatinine, et une baisse relativement importante de l’acide urique, dont les mécanismes ne sont pas connus. Très récemment, une alerte sur un excès possible des cas de cancer, notamment mais pas seulement de la vessie, a été émise sur les données à long terme des études de phase 3  de la dapagliflozine. En tout état de cause, le nombre des cas est très faible et ne permet pas une véritable conclusion mais il est clair qu’il s’agit d’une donnée qui devra être intégrée dans les protocoles cliniques de développement.

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