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Publié le 27 juin 2024Lecture 8 min

Troubles vésico-sphinctériens chez le patient vivant avec un diabète : du dépistage à la prise en charge spécialisée

Sébastien FONTAINE, service de diabétologie, CHU Rangueil Toulouse

Les SBAU (symptômes du bas appareil urinaire) sont plus fréquents dans la population diabétique que dans la population générale avec une prévalence estimée entre 37 et 70 % selon les séries. Ils sont polymorphes, associant des troubles de la phase de remplissage de la vessie et/ou de la phase de vidange, évolutifs et fréquemment associés à la durée d’évolution du diabète et aux complications micro-angiopathiques (rétinopathie en particulier).
Malgré cette prévalence significative, il n’existe à ce jour aucune recommandation précise pour le dépistage et la prise en charge des SBAU chez le patient diabétique.
Un dépistage annuel par un interrogatoire ciblé complété en cas de suspicion (réponses positives au questionnaire) par une échographie réno-vésicale avec mesure du résidu post-mictionnel (RPM) pourrait être proposé de façon systématique lors du bilan annuel du retentissement et en particulier pour les patients ayant une durée d’évolution de leur diabète de plus de 10 ans et/ou ayant des complications micro-angiopathiques.
En cas de dépistage positif, une consultation avec un spécialiste urologue pour bilan urodynamique pourrait alors être proposée, suivie d’une discussion de la prise en charge thérapeutique.

La prévalence du diabète traité pharmacologiquement en France augmente depuis les années 2000 pour atteindre 4,6 % en 2012 et 5,3 % en 2020, soit plus de 3,5 millions de personnes traitées (INVS 2014). Les complications chroniques du diabète sont dépistées de façon systématique pour ce qui concerne les atteintes principales, potentiellement graves et coûteuses, avec au premier plan la néphropathie, la rétinopathie et les complications cardiovasculaires. Les complications neurologiques et en particulier les dysautonomies (ou neuropathies autonomes) sont plus souvent négligées et sous-évaluées conduisant à une insuffisance de prise en charge. Les SBAU sont, à ce même titre, très certainement sous-estimés dans la population diabétique. Pourtant, le retentissement du diabète sur le bas appareil urinaire est réel, fréquent, longtemps asymptomatique et plus tardivement clinique avec un possible retentissement sur la qualité de vie de ces patients. Le dépistage et le suivi des symptômes du bas appareil urinaire ne font pas l’objet d’un consensus ou d’un algorithme, contrairement aux autres complications du diabète. La prévalence rapportée des SBAU chez le patient diabétique est variable dans la littérature. Les SBAU sont rapportés dans 37 à 70 % des cas tous diabètes confondus et dans 48 à 87 % des cas de diabète de type 1, avec une prévalence augmentée en cas de diabète mal équilibré. Cette variabilité s’explique principalement par le type de spécialiste consulté (urologue ou diabétologue).   Différents types de SBAU   Les SBAU sont polymorphes et évolutifs (tableau). On distingue : – les troubles de la phase de remplissage : urgenturie, pollakiurie, nycturie, incontinence ; – les troubles de la phase de vidange : faible débit, miction longue, poussée abdominale, miction incomplète.   Troubles de la phase de remplissage La neuropathie diabétique peut être responsable d’une altération du mécanisme physiologique de remplissage de la vessie, conduisant à une mauvaise synchronisation vésico-sphinctérienne, une faiblesse d’étanchéité, la présence de contractions inadaptées. Les symptômes d’hyperactivité vésicale en phase de remplissage sont responsables en grande partie du retentissement clinique et de l’altération de la qualité de vie des patients avec des levers nocturnes, des pertes d’urine et le besoin permanent d’uriner. L’incontinence urinaire engage des mécanismes très variables et souvent multifactoriels, a fortiori chez la femme diabétique. Quel que soit son type, la prévalence de l’incontinence urinaire dans la population diabétique est estimée entre 8 et 30 % selon les séries, significativement supérieures de 10 points aux populations témoin des mêmes séries. Les principaux facteurs aggravants sont l’âge et l’obésité chez la femme diabétique. La présence conjuguée des items du syndrome métabolique chez une patiente diabétique est également significativement associée aux symptômes d’incontinence urinaire.   Troubles de la vidange En phase de vidange, l’atteinte neuropathique peut également réduire la capacité de la vessie à se vider, conduisant à une sensation de vidange incomplète, difficultés pour uriner du fait d’un faible débit et nécessité de poussées abdominales. L’importance du trouble de la vidange peut être évaluée par le résidu post-mictionnel (RPM). L’excès de RPM (> 100 mL) est plus fréquent dans la population diabétique. Il concernerait 25 % des patientes en dehors d’une consultation d’urologie spécifique. Le mauvais contrôle glycémique mesuré par le niveau d’HbA1c majore significativement le RPM, qui est lui-même associé à l’existence d’une incontinence urinaire d’effort et des symptômes liés à la vidange. L’existence d’une neuropathie périphérique des membres inférieurs est également un facteur indépendant d’une vidange vésicale incomplète selon Lee et coll.. Cette association doit être prise en compte dans la démarche clinique.   Diagnostics différentiels   Les autres facteurs pouvant conduire à des SBAU doivent être dépistés au cours du bilan urologique initial : hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) chez l’homme, prolapsus pelvien chez la femme. Une évaluation urodynamique par une courbe pression-débit est nécessaire pour discerner une obstruction sous-vésicale d’un défaut de contractilité d’origine neuropathique diabétique.   Dépistage des SBAU au cours du suivi du diabète   Il n’existe pas à ce jour de recommandations publiées concernant le dépistage de la pathologie vésico-sphinctérienne dans le diabète. Il paraît légitime de l’intégrer dans le bilan annuel du diabète. La première étape du dépistage repose sur l’évaluation clinique et l’interrogatoire en s’aidant si besoin de questionnaires validés (encadré 1).   Le questionnaire initial en diabétologie peut être simplifié et centré sur les questions essentielles (selon Urinary Symptom Profile [USP]). La deuxième étape du dépistage est la réalisation, en présence de symptômes évocateurs, d’une échographie réno-vésicale à la recherche d’une RPM et le remplissage d’un calendrier mictionnel sur 72 h. En fonction des résultats, une consultation spécialisée pourra être organisée avec un spécialiste urologue pour bilan urodynamique (BUD) complet (encadré 2). Cette expertise permettra de préciser le type de dysfonctionnement, le risque infectieux et le retentissement sur la fonction rénale. Il sera également nécessaire d’éliminer les diagnostics différentiels.   Prise en charge des SBAU du patient diabétique   Les objectifs de la prise en charge sont la correction des symptômes, l’amélioration de la qualité de vie, la préservation de la fonction rénale et la prévention des complications infectieuses.   Mesures hygiéno-diététiques et contrôle du diabète L’équilibre du diabète et les mesures hygiéno-diététiques sont essentiels à la prise en charge initiale. L’amélioration de l’équilibre glycémique diminue le risque de complications et réduit la polyurie. La perte de poids est indiquée, notamment en cas d’IUU avec des résultats bénéfiques rapportés chez l’homme comme chez la femme.   Prise en charge d’une hyperactivité vésicale Les mesures thérapeutiques sont communes avec la population générale. La rééducation pelvipérinéale sera proposée. En cas de défaut de la sensibilité vésicale, une rééducation mictionnelle sera réalisée, avec des mictions programmées et régulières. En cas d’échec des mesures initiales, les anticholinergiques seront prescrits avec une surveillance du RPM et de la tolérance. La prescription d’anticholinergiques n’a pas été étudiée spécifiquement chez les patients diabétiques. Ces traitements peuvent facilement être entrepris à faibles doses en diabétologie avec peu d’effets indésirables et dans l’attente du bilan urologique. La molécule couramment utilisée en première intention est le succinate de solifénacine 5 mg (Vesicare®). En deuxième intention, un traitement antispasmodique peut être proposé : fésotérodine fumarate 4 mg (Toviaz®). L’électrostimulation transcutanée du nerf tibial est une option dans le traitement des symptômes d’hyperactivité vésicale. Aucune étude n’a validé son efficacité dans la population diabétique, mais ses résultats dans l’hyperactivité vésicale idiopathique et neurogène, son caractère non invasif et l’absence d’effets secondaires doivent faire considérer son utilisation chez les patients diabétiques. En situation d’efficacité insuffisante ou de mauvaise tolérance des anticholinergiques, la neuromodulation sacrée par implantation d’un neurostimulateur (Interstim®) est envisagée avec des résultats sur les symptômes équivalents à ceux de la population générale. En intention de traiter après 2 ans de suivi, 75 % des patientes diabétiques étaient améliorées concernant les troubles du remplissage contre 66 % pour les patientes non diabétiques. En revanche, le taux d’explantation pour infection était significativement supérieur pour les patientes diabétiques (16,7 % vs 4,3 %, p = 0,018). La prise en charge préventive de ces infections doit être guidée par les recommandations d’usage. L’utilisation des injections intradétrusoriennes de toxine botulique chez les patients diabétiques est beaucoup moins utilisée avec un risque théorique iatrogène plus important (en particulier infectieux). En dernier recours, la réalisation d’auto-sondages systématiques pluriquotidiens est discutée.   Complications de la neuropathie vésicale   Complications infectieuses La prise en charge des infections des voies urinaires est primordiale chez les patients diabétiques qui ont une susceptibilité infectieuse plus importante, des risques supérieurs et un retentissement sur l’équilibre glycémique et sur les complications du diabète. En revanche, il est important d’éviter l’excès de dépistage systématique par ECBU dans les situations de colonisation bactérienne sans symptômes, conduisant à des traitements excessifs et inappropriés par antibiotiques sans réelle indication et à la sélection de germes potentiellement plus pathogènes par la suite. La prévalence de la colonisation bactérienne est supérieure chez les patientes diabétiques et atteint 20 à 30 %, sans lien rapporté avec un risque augmenté d’infection. Ces situations fréquentes de portage de germes asymptomatiques ne doivent en aucun cas conduire à une antibiothérapie systématique. Seules les cystites cliniques et pyélonéphrites conduisent à une indication validée d’antibiothérapie adaptée à l’uroculture. Complications sur le haut appareil urinaire La néphropathie diabétique est une atteinte souvent multifactorielle : néphropathie diabétique, néphro-angiosclérose, complications infectieuses. Les troubles vésico-sphinctériens constituent un facteur aggravant à prendre en compte et à dépister chez un patient néphropathe.   CONCLUSION   La prévalence de tous les types de SBAU est majorée chez les patients diabétiques par rapport à la population générale. Le dépistage et la prise en charge des SBAU dans la population diabétique sont insuffisants à l’heure actuelle. Une première évaluation pourrait s’intégrer de façon systématique au bilan du retentissement du diabète avec l’utilisation d’un questionnaire simplifié complété d’une échographie réno-vésicale en cas de suspicion. La prise en charge repose en premier lieu sur l’optimisation du traitement du diabète et de l’obésité. Les symptômes d’hyperactivité vésicale peuvent assez précocement être traités à l’épreuve par médicament anticholinergique ou antispasmodique. Un recours à un spécialiste urologue peut ensuite être requis en cas de RPM supérieur à 100 ml, de survenue de complications infectieuses urinaires, de symptômes d’hyperactivité vésicale résistant au traitement de première intention bien conduit. La prise en charge des SBAU doit intégrer les risques spécifiques du patient diabétique, concernant le défaut de la contractilité vésicale, la dysautonomie et les complications infectieuses. Figure. Algorithme de dépistage et de prise en charge initiale des SBAU. Pour en savoir plus • Capon G et al. Le retentissement du diabète sur le bas appareil urinaire : une revue du comité de neuro-urologie de l’Association française d’urologie. Prog Urol 2016 ; 26 : 245-53. • Wiedemann A et al. The patient with diabetes in urologic practice: a special risk for lower urinary tract symptoms? Results of the Witten diabetes survey of 4071 type 2 diabetics. Urologe A 2010 ; 49 : 238-44. • Danforth KN et al. Type 2 diabetes mellitus and risk of stress, urge and mixed urinary incontinence. J Urol 2009 ; 181 : 193-7. • Lifford KL et al. Type 2 diabetes mellitus and risk of developing urinary incontinence. J Am Geriatr Soc 2005 ; 53 : 1851-7. • Appa AA et al. Clinical predictors and significance of postvoid residual volume in women with diabetes. Diabetes Res Clin Pract 2013 ; 101 : 164-9. • Lee WC et al. Effects of diabetes on female voiding behavior. J Urol 2004 ; 172 : 989-92. • Burton C et al. Effectiveness of percutaneous posterior tibial nerve stimulation for overactive bladder: a systematic review and meta-analysis. Neurourol Urodyn 2012 ; 31 : 1206-16. • Daniels DH et al. Sacral neuromodulation in diabetic patients: success and complications in the treatment of voiding dysfunction. Neurourol Urodyn 2010 ; 29 : 578-81. • Doublet JD et al. Recommandations de bonnes pratiques cliniques : antibioprophylaxie et neuromodulation des racines sacrées par le Comité d’infectiologie de l’Association française d’urologie (CIAFU) et le Comité de neuro-urologie de l’AFU. Prog Urol 2013 ; 23 : 849-55.

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