Publié le 25 avr 2023Lecture 5 min
L’amélioration de l’observance : une approche centrée sur le patient
S. MORET - D’après L’observance thérapeutique présentée par le Dr Saïd Bekka (Institut de Diabétologie et Nutrition du Centre)
Constat édifiant, l’observance thérapeutique n’est évaluée bonne que chez 50 % des patients atteints de diabète. Pour agir sur cette donnée indispensable à l’atteinte des objectifs, il est nécessaire de mettre en place une approche centrée sur le patient. Riche de son expérience, le Dr Saïd Bekka (Chartres) explique comment améliorer l’observance en œuvrant pour que le patient devienne co-décisionnaire de sa prise en charge thérapeutique.
Consensuellement, l’observance thérapeutique est considérée comme bonne quand au moins 80 % du traitement est pris par le patient(1). Dans les maladies chroniques celle-ci était bien inférieure, comme pour le diabète où elle est estimée à environ 50 %(2). À titre d’exemple, la moitié des patients diabétiques à haut risque vasculaire ayant un traitement par statines l’interrompent au bout de 6 mois(3). Cette observance insuffisante explique en partie que plus de 40 % des patients diabétiques de type 2 (DT2) ne soient pas à l’objectif malgré des stratégies thérapeutiques adaptées et des médicaments efficaces. Ces échecs thérapeutiques découlent d’une prise incorrecte des traitements médicamenteux mais aussi de l’absence de suivi des règles hygiéno-diététiques. L’absence de manifestations cliniques en cas d’inobservance, tout particulièrement dans le DT2, ajoute une difficulté supplémentaire à son amélioration.
De la confiance naît l’observance
L’observance dépend de 3 systèmes : le patient, le praticien et le système de santé. Les contraintes structurelles ne pouvant être modifiées, les axes d’amélioration se trouvent concentrés sur le patient, le médecin et leur relation dont la qualité est essentielle à l’établissement de la confiance, condition primordiale à l’adhésion du patient(4). Respect, empathie, clarté et sincérité du langage sont des éléments indispensables à l’instauration d’une alliance thérapeutique(4). En effet, la sensation de ne pas être écouté, pas compris ou l’impression d’avoir sa liberté d’agir, de penser menacée, positionne le patient dans une attitude de résistance transformant la relation médecin-patient en lutte. Pour le médecin, un travail d’attention et de communication est donc nécessaire pour mieux saisir les caractéristiques de chaque patient et s’y adapter.
Les déterminants de mauvaise observance
Dans la pratique, l’identification des patients plus susceptibles d’avoir une mauvaise observance est utile pour ajuster la prise en charge. Certains déterminants tels que l’âge avancé, le sexe masculin, l’isolement social, les troubles de l’acuité visuelle et auditive, les problèmes de dextérité, la faible capacité de mémorisation sont plus souvent associés aux difficultés d’observance. C’est parfois le comportement qui révèle les blocages existants à travers l’expression corporelle (posture négative) ou verbale (« oui mais »).
Les stratégies d’amélioration
Outre l’instauration d’une bonne relation médecin-patient, diverses interventions plus factuelles ont des effets favorables sur l’observance :
• La démonstration de la nécessité du traitement. Statistiquement, il a été observé que l’observance est meilleure quand le patient a compris la problématique et qu’il est convaincu de l’importance de la prendre en charge.
• L’explication des traitements médicamenteux. Les informations sur les différentes classes thérapeutiques proposées sont utiles à la compréhension. Quant aux éventuels effets indésirables, cause fréquente d’inobservance, ils doivent être portés à la connaissance du patient en amont : diarrhées (metformine), nausées (analogues des GLP-1), hypoglycémies et prise de poids (sulfamides, glinides, analogues lents de l’insuline)(5).
• La démonstration de ce qui fonctionne. La réalisation d’un test glycémique avant et après une marche illustre parfaitement l’impact positif de l’activité physique sur la glycémie.
• L’éducation thérapeutique dont les bénéfices significatifs perdurent dans le temps sur la glycémie (2 à 4 ans) et sur le poids (12 à 14 mois).
Une stratégie de motivation : la méthode SVP
La méthode SVP pour « savoir, vouloir, pouvoir » peut être appliquée pour aider le patient à changer son comportement. Constituée de 3 étapes, elle repose sur une posture empathique et bienveillante utilisant des questions ouvertes engageant le patient à répondre. Cette méthode permet au patient de devenir acteur de sa santé en étant co-décisionnaire de sa prise en charge.
• Aider le patient à SAVOIR
Avec la multiplication des sources d’information, le patient a une connaissance plus ou moins importante et réaliste de sa pathologie et de son traitement. Cette première étape permet de faire un état des lieux de ce que le patient sait et de corriger, approfondir ou compléter son savoir.
- Explorer ce que le patient sait de la maladie, ses ressentiments, sa perception du risque et sa capacité à y faire face (ex. : qu’est-ce que vous savez sur la prise en charge du DT2, qu’est-ce que vous savez sur ce médicament ?)
- Écouter en acceptant son point de vue, sans rejet ou jugement (ex. : vous avez arrêté ce médicament, comment cela s’est-il passé ?)
- Favoriser la remise en question par l’apport d’une autre opinion afin de susciter un point de vue différent (ex. : est-ce que vous permettez que je vous explique ce que peut apporter ce médicament ?)
• Aider le patient à VOULOIR
Ce n’est pas parce que le patient sait, qu’il va vouloir. Dans cette étape, les objectifs sont d’amener le patient à analyser par lui-même son comportement, de prendre conscience ainsi de la mesure des choses et d’avancer des stratégies de changement.
- Explorer les avantages et inconvénients perçus par le patient (ex. : quels bénéfices retirez-vous à manger des pâtisseries ?)
- Repérer les positions ambivalentes et proposer une synthèse des valeurs contradictoires (ex. : si je comprends bien, vous pensez que…)
- Solliciter le patient à prendre une décision en pondérant les valeurs (ex. : qu’est-ce qu’il serait possible de mettre en place selon vous ?)
• Aider le patient à POUVOIR
Avec la connaissance de ce que sait le patient et de ce qu’il voudrait, le diabétologue peut ainsi de façon éclairée, proposer des solutions.
- Explorer les obstacles liés à des contingences externes ou provenant du patient (ex. : qu’est-ce qui vous empêche de… ?)
- Rechercher des solutions en sollicitant le patient pour construire à deux (ex. : je peux vous proposer des séances d’ETP, de voir une diététicienne, une psychologue, qu’en pensez-vous ?
- Construire un programme et planifier les différentes étapes
En matière d’observance, il est essentiel d’arriver à investir le patient pour qu’il devienne co-décisionnaire de la prise en charge thérapeutique, la contrainte ne fonctionnant pas. Comme le disait Nelson Mandela : « Tout ce qui est fait pour nous, sans nous, est fait contre nous ».
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