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Publié le 30 avr 2022Lecture 6 min
La prise de position de la SFD 2021... en pratique quotidienne - Une observation d’un patient vivant avec un diabète de type 2 insuffisamment contrôlé sous metformine et inhibiteur de la DPP4
Patrice DARMON, CHU de la Conception, Marseille
Monsieur F., 58 ans, dont le recul connu de maladie diabétique est de 5 ans, présente les principales caractéristiques cliniques et biologiques suivantes :
– HbA1c : 7,6 % comme 4 mois auparavant, sous metformine 2 g par jour et sitagliptine 100 mg/j ;
– le traitement est parfaitement toléré ;
– IMC : 31,2 kg/m2, stable ;
– les modifications thérapeutiques du mode de vie sont correctement suivies ;
– la pression artérielle et les lipides sont bien contrôlés sous traitement ;
– il n’y a pas d’atteinte cardiovasculaire connue ;
– le fond d’œil est normal ;
– le DFG est de 81 ml/min/1,73 m2 ;
– le rapport microalbuminurie/créatininurie est normal (12 mg/g).
∣ D’après la prise de position de la SFD actualisée en 2021, que proposer à ce patient ?
En accord avec le patient, il convient d’intensifier le traitement du diabète. D’après la prise de position de la SFD 2021, la valeur-cible d’HbA1c généralement recommandée est de 7 % chez ce patient de moins de 75 ans présentant une espérance de vie supérieure à 5 ans, sans comorbidités majeures, notamment rénales, mais on pourra même proposer une valeur cible d’HbA1c à 6,5 % à condition que cette cible puisse être atteinte par la mise en œuvre ou le renforcement des modifications thérapeutiques du mode de vie puis, si cela n’est pas suffisant, par un ou plusieurs traitements ne provoquant pas d’hypoglycémie (Avis n° 3). On peut ajouter qu’il convient d’autant plus d’avoir un objectif glycémique strict qu’il est bien démontré qu’un équilibre glycémique optimal permet de prévenir l’apparition et l’évolution des complications microvasculaires (Avis n° 1).
Selon la prise de position de la SFD 2021, deux options préférentielles se dégagent dans cette situation :
1. Changer de bithérapie et remplacer l’iDPP4 par un inhibiteur de SGLT2 (iSGLT2), un sulfamide hypoglycémiant (SU) ou un agoniste du récepteur du GLP-1 (AR GLP-1) ou
2. Passer à une trithérapie orale metformine + iDPP4 + iSGLT2 ou metformine + iDPP4 + SU, ce qui permet de surseoir à la prescription d’un traitement injectable (Avis n° 10).
Première option : changer de bithérapie
Le choix de remplacer l’iDPP4 par un iSGLT2 ou un SU n’est pas très pertinent car la puissance antihyperglycémiante de ces deux classes thérapeutiques est à peu près équivalente à celle des iDPP4 et ne devrait donc pas permettre d’obtenir un taux d’HbA1c à l’objectif. Il faudra plutôt s’orienter vers un AR GLP-1.
Rappelons qu’il faut toujours interrompre un traitement par iDPP4 lorsque l’on introduit un AR GLP-1 : une telle association est sans objet et ne doit pas être prescrite. Les AR GLP-1 ont démontré dans plusieurs études une efficacité supérieure sur l’HbA1c versus iDPP4, sans provoquer, eux non plus, d’hypoglycémies. Chez ce patient présentant une obésité, le critère « poids » est un autre élément essentiel de décision dans la mesure où les AR GLP-1 permettent d’obtenir une perte de poids de 2 à 4 kg en moyenne, et plus chez les patients bons épondeurs. Pour un gain supplémentaire en termes de réduction d’HbA1c et de poids, on pourra recourir aux AR GLP-1 les plus efficaces à ce jour que sont le sémaglutide à la dose de 1 mg/semaine et le dulaglutide à la dose de 4,5 mg/semaine. Plus spécifiquement, le dulaglutide à la dose de 1,5 mg par semaine a démontré un effet cardioprotecteur chez des patients n’ayant jamais présenté d’événement lié à une maladie athéromateuse mais cependant à très haut risque cardiovasculaire dans une analyse en sous-groupes de l’étude REWIND ; toutefois, le nombre de ces sujets à traiter pour éviter un événement cardiovasculaire est élevé et l’efficience d’une telle stratégie thérapeutique n’est pas démontrée. Il faut toutefois garder en tête que les AR GLP-1 sont des traitements injectables, qui, s’ils ont le mérite d’une plus grande simplicité que l’insuline (surtout depuis l’avènement des formes hebdomadaires), peuvent se heurter à la réticence de certains patients. En outre, certains sujets sont des mauvais répondeurs à ces molécules. Enfin, leur profil de tolérance est moins bon que celui des iDPP4 (troubles digestifs à l’initiation, lithiases vésiculaires...) et leur prix est nettement plus élevé que celui de tous les antihyperglycémiants oraux. De ce fait, l’efficacité, la tolérance et l’adhésion au traitement, devront être évaluées 3 à 6 mois après l’introduction d’un AR GLP-1 (voire plus rapidement en cas de signes cliniques liés à l’hyperglycémie ou d’intolérance digestive) et soigneusement réévaluées à intervalles réguliers (Avis n° 30).
Deuxième option : trithérapie orale
Il existe deux possibilités pour le clinicien.
La plus classique consiste ajouter à un SU à la metformine e tà l’iDPP4 mais ce choix — le moins onéreux de tous — expose à la survenue d’hypoglycémies, ce qui nécessite généralement de mettre en place une auto- urveillance glycémique, ainsi qu’à une prise de poids. En outre, la sécurité cardiovasculaire des SU est moins bien établie que celle des iDPP4, des iSGLT2 et des AR GLP-1, même si le doute sur une éventuelle toxicité des SU a été en grande partie levé à la suite de l’essai CAROLINA montrant une parfaite équivalence entre glimépiride et linagliptine sur l’incidence des événements cardiovasculaires chez des patients diabétiques de type 2 à haut risque.
L’autre possibilité est d’ajouter un iSGLT2 à la metformine et à l’iDPP4 ce qui devrait permettre, chez ce patient, d’obtenir une HbA1c à l’objectif sans risque d’hypoglycémie et avec une perte de poids significative (2 à 4 kg en moyenne). Au sein de la classe, la dapagliflozine à la dose de 10 mg par jour a démontré un effet cardioprotecteur (baisse du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque) et néphroprotecteur chez des patients sans maladie athéromateuse avérée mais avec des facteurs de risque cardiovasculaire dans une analyse en sous-groupes de l’étude DECLARE-TIMI 58 ; toutefois, le nombre de ces patients à traiter pour éviter un événement est élevé et l’efficience d’une telle stratégie thérapeutique n’est pas démontrée. Leur profil de tolérance est toutefois moins bon que celui des iDPP4 (infections génitales, polyurie, risque possible de déplétion volémique, rares cas d’acidocétose...) et leur prix est plus élevé que celui des SU. L’initiation de ces traitements n’est plus réservée à certains spécialistes et est désormais ouverte à tous les médecins. Il faut cependant garder à l’esprit qu’à ce jour, en France, les iSGLT2 ne sont pas remboursés en association avec un iDPP4 dans leur indication « diabétologique ». Il s’agit évidemment, tant que durera cette clause de non-remboursement, d’un argument en faveur de la trithérapie comportant le SU, même si l’intérêt médical de cette trithérapie remboursée est sans doute moindre que celle avec un iSGLT2.
∣ Qu’en est-il de l’insuline ?
Le choix de l’insuline basale a longtemps constitué une option traditionnelle en cas d’échec d’une bithérapie orale, en raison de son efficacité sur l’HbA1c et de sa relative simplicité, mais le premier injectable recommandé dans l’histoire naturelle du DT2 est désormais un AR GLP-1 plutôt que l’insuline. L’insulinothérapie s’impose toutefois en cas de signes cliniques suggérant une insulinopénie, notamment un syndrome poly-uropolydipsique et/ou une perte de poids involontaire, ou en cas d’hyperglycémie majeure avec hyperosmolarité ou présence de corps cétoniques. Mais, dans la plupart des cas comme celui de Monsieur F., les deux premières options présentées seront préférées à l’insuline pour les raisons suivantes :
– l’efficacité hypoglycémiante d’une insulinothérapie basale n’est pas supérieure à celle d’un AR GLP-1, elle est même inférieure dans les essais contrôlés ;
– le choix de l’insuline se heurte à la réticence habituelle des patients (il est loin d’être acquis, sauf cas minoritaires, que ce sera le choix du patient dans le cadre de la décision médicale partagée) ;
– il s’agit d’une thérapeutique relativement complexe, même avec le schéma traditionnel d’insulinothérapie basale, puisqu’elle nécessite, pour être efficace, une bonne éducation thérapeutique d’adaptation des doses d’insuline aux glycémies capillaires observées ;
– il y a, et ceci va compter chez ce patient obèse, le risque d’une prise de poids ;
– il y a enfin la neutralité cardiovasculaire de l’insulinothérapie, sans bénéfice spécifique au-delà de celui qu’on peut attendre de la réduction glycémique, à la différence de ce qui a été montré dans les grandes études pour les AR GLP-1 et les iSGLT2. C’est pourquoi le choix de l’insuline est considéré comme « moins approprié à ce stade » que les deux autres choix, qu’il s’agisse du « switch » de l’iDPP4 vers un AR GLP-1 ou des trithérapies orales, dans la version 2021 de la prise de position de la SFD.
∣ Au final
Chez ce patient, on va donc présenter à ce patient les deux stratégies suivantes :
– la première possibilité est de substituer l’iDPP4 par un AR GLP-1, ajouté à la metformine ;
– la deuxième possibilité est la trithérapie orale, soit l’ajout d’un iSGLT2 (en France : dès que celui-ci sera remboursé dans cette indication), soit l’ajout d’un SU.
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