publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Nutrition

Publié le 06 jan 2022Lecture 6 min

Troubles du comportement alimentaire et diabète de type 1 - Quand et pourquoi y penser ?

Sarah CHALOPIN1*, Cécile BÉTRY2*, 1Pitié Salpêtrière, Paris, 2CHU Grenoble, La Tronche

Les troubles du comportement alimentaire sont plus fréquents chez les patients diabétiques de type 1 que dans la population générale. Leur présentation est généralement atypique et ils sont souvent méconnus.

| Quelques définitions Les troubles du comportement alimentaire se définissent par l’association durable de perturbations du comportement alimentaire, de troubles de la perception de l’image corporelle et d’obsessions quant au poids et à l’alimentation engendrant une souffrance physique, psychique et sociale. Selon la classification du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM V), il existe trois principaux types de troubles du comportement alimentaire : l’anorexie mentale, la boulimie ou l’hyperphagie boulimie (tableau 1). Une autre entité diagnostique existe pour décrire un trouble du comportement alimentaire authentifié ne présentant pas les caractéristiques des trois troubles du comportement alimentaire classiques : les troubles du comportement alimentaire non spécifiques (Other specified feeding or eating disorder : OSFED). | Diaboulimie Le néologisme diabulimia, ou diaboulimie en français, contraction des mots « diabète » et « boulimie » a récemment émergé pour décrire un trouble du comportement alimentaire associé au diabète appartenant à la catégorie des troubles du comportement alimentaire non spécifiés. Cette pathologie est caractérisée par l’omission d’insuline ou le sousdosage volontaire en insuline pour contrôler le poids. En effet, la carence en insuline ainsi que l’hyperglycémie intentionnelle induisent un catabolisme et une glycosurie avec une purge calorique. Une patiente témoigne : « C’était un moyen simple de perdre du poids en mangeant ce que l’on veut et sans trop d’exercice ». Les patients s’aperçoivent souvent du lien entre insuline et fluctuations pondérales au moment de la découverte du diabète, classiquement associée à une perte de poids, puis à une reprise de poids rapide lors de la mise en place de l’insulinothérapie. La vignette clinique de l’encadré illustre cela. | Les troubles du comportement alimentaire sont plus fréquents dans le diabète de type 1 La prévalence des patients ayant un diabète de type 1 et présentant une anorexie mentale ou une boulimie est de l’ordre de quelques pour cent, soit une prévalence légèrement supérieure à celle de la population générale. Néanmoins, les troubles du comportement alimentaire associés au diabète sont le plus souvent atypiques et appartiennent aux troubles du comportement alimentaire non spécifiés (OSFED). Leur prévalence chez les patients diabétiques de type 1 est 2 à 3 fois plus importante que dans la population générale (jusqu’à 8 % selon les études). De manière plus inquiétante, le sous-dosage volontaire en insuline dans un but de perdre du poids pourrait concerner une femme sur cinq et deux hommes sur cinq. | Diabète de type 1 et troubles du comportement alimentaire : liaisons dangereuses Un éditorial du British Medical Journal en 2019 avait pour titre « Diabulimia: the world’s most dangerous eating disorder », soulignant la dangerosité de la diaboulimie. L’association du diabète avec des troubles du comportement alimentaire est associée à un risque de complications micro- et macrovasculaires plus précoces et plus sévères ainsi qu’à une augmentation des décompensations acidocétosiques. En effet, les troubles du comportement alimentaire interfèrent avec le contrôle métabolique entraînant un déséquilibre hyperglycémique aigu et chronique ainsi qu’une forte variabilité glycémique. La prévalence des complications rapportées dans les différentes études en cas d’association d’un diabète de type 1 et de troubles du comportement alimentaire est d’environ 30 % pour l’acidocétose métabolique, 30 % pour la neuropathie diabétique, 30 % pour la rétinopathie diabétique, 20 % pour la néphropathie diabétique et 10 % pour les problèmes cardiovasculaires. Au total, il existe une augmentation de la morbi-mortalité et une diminution de l’espérance de vie comme l’illustre le fléchissement de la courbe de survie des patientes diabétiques et anorexiques dans l’étude de Nielsen et coll. (figure 1). | Savoir rechercher un trouble du comportement alimentaire en pratique clinique La suspicion d’un trouble du comportement alimentaire chez un patient ayant un diabète de type 1 repose sur des éléments cliniques tels que : – déséquilibre hyperglycémique du diabète malgré une éducation thérapeutique bien menée ; – complications précoces du diabète ; – hospitalisations itératives pour acidocétoses sans facteurs explicatifs ; – perte de poids ou fluctuations pondérables importantes ; – présence d’un retentissement psychique important et d’un contexte d’anxiété ou de dépression accentué par un vécu difficile de la maladie chronique ; – difficultés d’adhésion aux soins avec des rendez-vous de suivi ratés, une surveillance glycémique insuffisante par rapport aux recommandations. Le test SCOFF-F, initialement développé en langue anglaise (SCOFF, de l’acronyme des cinq questions « Sick, Control, One stone, Fat, Food »), peut-être proposé comme aide au dépistage. Il est recommandé par la Haute Autorité de santé en population générale pour le dépistage d’un trouble du comportement alimentaire ; sa sensibilité et sa spécificité sont élevées. Il repose sur cinq questions dichotomiques (tableau 2) ; au moins deux réponses positives sont hautement prédictives de l’existence d’un trouble du comportement alimentaire. Une variante du SCOFF, le mSCOFF (modified SCOFF), a été proposée pour le dépistage d’un trouble du comportement alimentaire dans le contexte d’un diabète de type 1, mais elle n’est pas validée en langue française. Le mSCOFF propose de remplacer la dernière question du SCOFF par la question « Avez-vous déjà pris moins d’insuline que vous n’auriez dû ? ». De manière pratique, nous recommandons au clinicien qui suspecte un trouble du comportement alimentaire, de poser la question au patient de l’existence d’un sous-dosage volontaire en insuline dans un but de perdre de poids. | Facteurs de risque de survenue de troubles du comportement alimentaire dans le diabète de type 1 Les facteurs de risque de l’association diabète de type 1 et troubles du comportement alimentaire incluent les facteurs de risque personnels généraux (en rouge, figure 2) et les facteurs de risque spécifiques liés au diabète et à son traitement (en bleu, figure 2). En particulier, la nécessité d’un contrôle de l’alimentation et la pratique de l’insulinothérapie fonctionnelle avec une adaptation de la dose d’insuline aux quantités de glucides ingérées peuvent induire des attitudes rigides et perfectionnistes autour de l’alimentation. Les fluctuations du poids induites par les variations des doses d’insuline ou au moment de la découverte du diabète peuvent générer une insatisfaction corporelle importante. Les variations des taux de glycémie, les états d’hypoglycémie perçus ou réels peuvent induire une perte de contrôle de l’alimentation et de réelles crises d’hyperphagie au moment du resucrage. | Quelle prise en charge ? Les problématiques alimentaires et pondérales sont intriquées avec la prise en charge diabétologique. La prise en charge des troubles du comportement alimentaire dans un contexte de diabète doit s’appuyer sur une équipe pluriprofessionnelle expérimentée capable d’appréhender les différents aspects nutritionnels, psychologiques et environnementaux des troubles du comportement alimentaire, mais aussi les problématiques directement en lien avec le diabète et son traitement. La mise en place d’un suivi médical rapproché est indispensable au vu de la sévérité de cette association et de la nécessité d’un dépistage précoce des complications. On a pu montrer une diminution des complications en cas de prise en charge précoce et adaptée de ses deux pathologies intriquées. Il est donc crucial d’identifier les patients à risque, de repérer les signes d’alertes et de faire le diagnostic de troubles du comportement alimentaire. *1Sorbonne université, service de nutrition, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris *2Université Grenoble-Alpes, laboratoire TIMC, UMR 5525, CHU Grenoble-Alpes, service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition, La Tronche Conflits d’intérêts Sarah Chalopin et Cécile Bétry déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêts en rapport avec cet article. Pour en savoir plus • Torjesen I. Diabulimia: the world’s most dangerous eating disorder. BMJ 2019 ; 364 : l982. • Nielsen S et al. Mortality in concurrent type 1 diabetes and anorexia nervosa. Diabetes Care 2002 ; 25 : 309-12.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème