Publié le 08 avr 2019Lecture 4 min
Quelles stratégies thérapeutiques en pratique ?
Michèle DEKER, Paris - D'après Fabrice BONNET (Paris) & Gaëtan PRÉVOST (Rouen)
Après la Prise de position de la SFD et les dernières recommandations ADA/EASD, comment adapter les prescriptions chez le diabétique de type 2 ? Deux exemples pour s’exercer…
Ce patient âgé de 64 ans, est traité pour un diabète de type 2 depuis 9 ans. Son IMC est de 32 kg/m2. Il a fait un syndrome coronaire aigu il y a 2 ans et depuis il a arrêté de fumer. Il présente par ailleurs une rétinopathie modérée et une microalbuminurie à 150 mg/l sous irbésartan 300.
Pour son diabète, il reçoit une trithérapie orale par metformine 2 g, gliclazide 60 (1 cp le matin) et sitagliptine 100 mg. Son HbA1c est de 7,5 %.
Par ailleurs, il est correctement traitement sur le plan cardiovasculaire.
Quelles options thérapeutiques ? Rester sous traitement oral ou passer à un traitement injectable ? Augmenter la dose de sulfamide ? Ajouter un nouveau traitement ?
Il s’agit d’un patient peu déséquilibré, mais pour lequel il reste une marge d’amélioration si l’on considère que l’objectif d’HbA1c pourrait être de < 7 %. Son antécédent coronarien implique d’éviter les hypoglycémies mais considérant son âge et son état général, une cible < 7 % semble raisonnable à distance de l’événement coronaire.
Une augmentation de la posologie du sulfamide risque de provoquer des hypoglycémies et d’augmenter le poids.
Si l’on considère les recommandations ADA/EASD, sous l’angle de la protection cardiovasculaire, on pourrait envisager de prescrire un aGLP1 ou un iSGLT2. Étant donné l’IMC à 32, on peut essayer un aGLP1 en arrêtant le sulfamide, quitte à le réintroduire ultérieurement, et l’iDPP4. Dans cette option, le liraglutide devrait être préféré en attendant les résultats définitifs de l’étude de sécurité cardiovasculaire du dulaglutide. Le choix entre une administration quotidienne ou hebdomadaire devra être fait en tenant compte des préférences du patient.
Chez ce patient, le choix peut aussi s’orienter vers un iSGLT2, surtout s’il est réticent à passer à un injectable. Le sulfamide doit alors être arrêté et l’iDPP4 poursuivi. Les iSGLT2 ont en outre fait la preuve d’un effet néphroprotecteur plus prononcé que les aGLP1.
Ce patient âgé de 52 ans présente un diabète de type 2, connu depuis 2 ans. Il ne fume plus depuis 10 ans, boit de l’alcool occasionnellement et exerce la profession de cariste. Il est par ailleurs traité pour une hypertension artérielle depuis 5 ans par une association IEC/inhibiteur calcique.
Il est traité par metformine 1 g x 2/j. La première année, son HbA1c était < 7 %. Il y a 6 mois, elle a été mesurée à 7,2 % et récemment à 7,5 %. Il a déjà bénéficié de conseils diététiques et pratique une activité de marche environ 45 min x 2/semaine.
Poids 89 kg, IMC 29 kg/m2. Glycémie à jeun : 1,45 g/l. TGO : 90 UI/l, TGP : 150 U/l, GGT : 155 UI/l. Créatininémie : 8,5 mg/l ; MDRD : 110 ml/min ; microalbuminurie : 88 mg/l. Cholestérol total : 2 g/l ; triglycérides : 1,95 g/l ; HDL-C 0,42 g/l ; LDL-C : 1,19 g/l.
Quels objectifs thérapeutiques ? Renforcer le traitement médicamenteux et si oui comment ? Autosurveillance glycémique ?
Chez ce patient relativement jeune, l’objectif d’HbA1c est de 6,5 %, voire < 6,5 % pour la SFD (objectif à atteindre sans hypoglycémie).
Les recommandations hygiéno-diététiques doivent être adaptées au patient. Les recommandations considèrent que leur efficacité est intermédiaire.
L’autosurveillance glycémique n’est pas systématique. L. Monnier a proposé une surveillance tous les 15 jours avec un profil 3 points (à jeun, post-petit déjeuner et avant le dîner). Cette surveillance est surtout intéressante chez les patients plus déséquilibrés. Elle prend tout son intérêt à titre d’éducation thérapeutique.
Le bilan hépatique perturbé de ce patient soulève le risque d’hépatopathie non alcoolique, encore que la responsabilité de l’alcool ne soit pas écartée. Avant d’envisager le recours au gastroentérologue, les scores de risque sont utiles et permettent de sélectionner les patients nécessitant un fibroscan. Néanmoins, il n’existe pas de traitement ayant formellement démontré une efficacité sur la NASH. Quelques données sont en faveur d’un effet bénéfique possible des aGLP1. Pour les iSGLT2, des données expérimentales chez l’animal ont montré une amélioration des marqueurs biologiques, du poids hépatique et de son contenu en triglycérides. Des études sont en cours pour confirmer l’effet potentiellement bénéfique des iSGLT2 sur cette complication. Chez ce patient, la perte de poids peut suffire à normaliser son bilan hépatique. Les mesures hygiéno-diététiques doivent être renforcées avant de l’adresser au gastroentérologue pour réalisation d’un fibroscan.
Si l’on considère le bilan rénal qui montre une microalbuminurie, les deux options thérapeutiques, aGLP1 et iSGLT2, sont possibles en sachant que les iSGLT2 ont un impact démontré sur la néphropathie, même à un stade modéré, plus favorable que les aGLP1.
Chez un patient sous bithérapie metformine + iDPP4 dont l’HbA1c n’est pas à l’objectif, l’ajout d’un iSGLT2 est intéressant en termes d’amélioration du contrôle glycémique, de perte de poids et de contrôle de la pression artérielle. L’association iDPP4 et iSGLT2 aurait aussi un avantage en diminuant le risque d’infections génito-urinaires, bien que mécanisme de cet effet ne soit pas élucidé.
Enfin, ce patient justifie d’une prise en charge du risque lipidique en plus de l’ajustement de son traitement antidiabétique. En effet, une étude de cohorte incluant plus de 270 000 patients diabétiques de type 2 inscrits dans le registre national suédois a montré sur un suivi de 5,7 ans que le contrôle de tous les facteurs de risque cardiovasculaire (HbA1c, tabagisme, albuminurie, pression artérielle, LDL-C) chez le patient diabétique ramène son risque de mortalité au niveau de celui des patients non diabétiques (Rawshani A et al. N Engl J Med 2018 ; 379 : 633-44). Chez ces patients, le niveau d’HbA1c est le facteur prédictif le plus étroitement associé au risque d’AVC et d’IDM.
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