Thérapeutique
Publié le 20 déc 2018Lecture 8 min
Données en vie réelle sur les agonistes des récepteurs des GLP-1
Michèle DEKER, d’après Bruno GUERCI*, *Service endocrinologie-diabétologie-nutrition & Université de Nancy, CHRU de Nancy
Dans les conditions idéales des essais cliniques dans le diabète de type 2, les patients répondent souvent au même phénotype. Ils sont généralement âgés de 50 à 60 ans et leur HbA1c est élevée, ce qui permet d’obtenir des résultats cliniques et métaboliques significatifs plus prononcés. Ces patients bénéficient d’un suivi rapproché qui favorise leur adhésion au traitement et sa persistance. Dans la vraie vie, les résultats obtenus sur le contrôle glycémique et pondéral avec les GLP-1 RA sont souvent très éloignés de ceux des essais cliniques. Mauvaise observance du traitement, HbA1c initiale moins élevée que dans les essais cliniques randomisés, effet des traitements associés sont principalement en cause dans l’observation de ces résultats décevants.
Notion d’observance, de persistance et d’adhésion globale au traitement
Le premier facteur expliquant l’écart entre les résultats des essais et ceux de la vie réelle est l’adhésion au traitement. L’adhésion est une notion composite qui englobe généralement les con cepts d’observance et de persistance. L’observance est définie par le strict respect des prescriptions en termes d’horaires, de posologie et de contenu. La persistance désigne le fait de persister à prendre le traitement sur un temps défini nécessaire, en se conformant à la prescription. Elle rejoint la notion d’adhésion en incluant la temporalité nécessaire au fonctionnement du traitement.
L’observance s’exprime souvent sous la forme de Medication Possession Ratio (MPR), c’est-à-dire le nombre de comprimés prescrits sur une période donnée divisé par le nombre de comprimés théoriques en cas d’observance maximale. Un MPR ≥ 80 % est jugé comme satisfaisant. Une autre manière d’apprécier l’observance est le Proportion of Days Covered (PDC), avec un objectif de PDC > 0,8.
Une étude ayant évalué l’évolution de l’HbA1c sous traitement par agoniste des récepteurs de GLP-1 (GLP-1 RA) a montré une réduction moyenne de 0,52 %, bien plus faible que celle retrouvée à 1,30 % dans les essais cli- niques. Cet écart majeur entre « la vraie vie » et les études randomisées a été en grande partie attribué à une adhésion au traitement plus faible, de 29 % seulement en vie réelle, comparativement à 95 % dans les essais cliniques. En vie réelle, les patients adhérents voient leur HbA1c baisser de 0,86 % comparativement à 0,39 % chez les patients peu adhérents(1).
Comment évaluer la réponse au traitement ?
La réponse au traitement peut être exprimée par le pourcentage de baisse/amélioration d’un critère (par exemple l’HbA1c), ou d’un critère composite (par exemple HbA1c et poids, pertinent pour les GLP-1 RA) sur une période de temps donnée. En vie réelle, les patients traités par GLP-1 RA ne répondent pas de manière univoque au traitement : certains répondent bien sur le critère poids, d’autres sur le critère HbA1c, d’autres sur les deux critères. Une réduction très modérée des deux critères conduira alors à considérer que le patient est répondeur au traitement, alors que l’absence de baisse de l’un des deux critères classera le patient comme non répondeur. Cliniquement, ce type d’évaluation n’a donc pas beaucoup de pertinence en clinique courante. Une autre façon d’évaluer la ré ponse au traitement par GLP-1 RA consiste à utiliser des critères proches de ceux du NICE (réduction de 1 % de l’HbA1c et de 3 % du poids). Une étude réalisée dans 6 centres de diabétologie d’Ile-de-France a évalué la réponse au traitement par un GLP-1 RA (liraglutide) chez 243 patients sur un suivi de 12 mois, sur deux critères : réduction de > 1 % de l’HbA1c, baisse pondérale > 3 kg ; 18 % des patients ont abandonné le traitement avant 6 mois(2). Les patients ont été classés en quatre catégories : non répondeurs aux deux critères ; répondeurs sur l’HbA1c ; répondeurs sur le poids ; répondeurs sur l’HbA1c et le poids. Sur les 162 patients restants, la réduction moyenne de l’HbA1c était de 0,98 ± 1,5 % et la baisse de poids moyenne de 4,7 ± 7,1 kg. Un quart des patients étaient non répondeurs sur les deux critères (25,5 %) ; 23 % répondeurs uniquement sur le poids ; 21 % uniquement sur l’HbA1c ; 25,5 % sur les deux critères. Comparativement aux non-répondeurs, les patients répondeurs (HbA1c - 2,05 ± 1,3 % ; poids - 10,1 ± 8,2 kg) étaient significativement plus jeunes, avec un diabète plus récent et un indice de masse corporelle initial plus élevé. La notion de réponse au traitement prend ici tout son sens car elle fournit des éléments prédictifs de la réponse clinique et d’aide au choix à la prescription sur la base de données cliniques et/ou métaboliques à l’introduction du traitement.
Une étude observationnelle prospective multicentrique réalisée à la demande de la HAS a eu pour objectif de rechercher si l’efficacité du liraglutide observée dans les essais cliniques se traduit par des bénéfices comparables en pratique clinique chez les patients diabétiques de type 2(3). L’analyse sur le critère principal — la proportion de patients avec une HbA1c < 7 % à 2 ans — porte sur 2 607 patients et l’analyse d’efficacité sur 2 029 patients.
Un tiers seulement des patients ayant poursuivi le traitement ont atteint l’objectif d’HbA1c (29,5 %).
Ces études en vie réelle mettent l’accent sur l’écart entre les résultats obtenus dans les essais cliniques et ceux dans la pratique clinique, ce qui justifie la nécessité de réévaluer la réponse au traitement en pratique clinique, ainsi que le propose la SFD dans sa récente prise de position (encadré).
Données comparatives entre prescription de GLP-1 RA et d’insuline en vie réelle
L’étude CHOICE avait pour objectif principal d’évaluer le temps avant le premier changement significatif du traitement suivant l’initiation d’un GLP-1 RA ou d’une insuline basale chez des patients diabétiques de type 2, le choix du traitement étant laissé à la discrétion du médecin traitant(4). Cette étude multicentrique européenne (6 pays) a inclus 2 515 patients. Les résultats concernent 2 388 patients analysables : 1 114 traités par exénatide (2 x/j) et 1 274 traités par insuline. Le pourcentage de patients ayant poursuivi le traitement initial sans changement est respectivement dans les deux groupes de 67,8 % et 70,6 % à 1 an et de 53,9 % et 60,6 % à 2 ans. Les caractéristiques initiales des patients débutant un traitement par GLP-1 RA étaient différentes de celles des patients initiés sous insuline : plus jeunes (58 vs 64 ans), de poids plus élevé (101 vs 84 kg) avec une HbA1c plus basse (8,4 vs 9,2 %) – ce qui apporte un éclairage sur les motivations de prescription de ces deux traitements injectables.
Une analyse exploratoire comparant les deux groupes a été réalisée sur une sous-population de cette étude (51 % de la population initiale) appariée sur un score de propension, soit 639 patients traités par exénatide et 639 par insuline. Cette analyse ne montre pas de différence en termes d’amélioration du contrôle glycémique, mais une différence significative sur le poids (-2,8 vs +1,5 kg, p < 0,0001) et la fréquence des hypoglycémies (20,3 vs 33,3 % des patients, p < 0,0001) en faveur de l’exénatide(5).
Des résultats semblables ont été retrouvés sur ces critères dans une étude réalisée aux États-Unis auprès de patients mis sous exénatide hebdomadaire ou insuline basale(6,7). Chez ces patients majoritairement obèses (dont > 30 % d’obésité morbide), le poids est resté sensiblement identique chez les patients sous insuline alors qu’il a diminué d’environ 2 kg à 2 ans sous exénatide hebdomadaire. Il a été observé une tendance à moins d’hypoglycémies sous GLP-1 RA. Cette étude montre surtout que la baisse de l’HbA1c se fait principalement dans les 3 premiers mois suivant l’instauration du traitement, ce qui donne du sens à la réévaluation du traitement.
Données comparatives entre les GLP-1 RA en vie réelle
Une étude de cohorte rétrospective à partir de 8 bases de données européennes ayant réuni 30 206 patients mis sous traitement par GLP-1 RA (exénatide 2 x/j, liraglutide ou exénatide hebdo) suivis pendant 20 à 27 mois met en évidence la nécessité d’une modification du traitement (arrêt, switch, augmentation, titration à la hausse ou à la baisse) chez 37,6 à 81,7 % des patients et une persistance de 46,8 à 73,5 %, ce qui confirme la moins bonne persistance au traitement par GLP-1 RA en vie réelle comparativement aux essais cliniques(8).
Des résultats similaires ont été obtenus dans une étude observationnelle prospective aux États-Unis, qui a comparé deux populations de diabétiques de type 2 appariés sur un score de propension, soit plus de 24 000 patients mis sous exénatide hebdo ou liraglutide(9). Six mois après la mise en route du traitement, les deux tiers des patients des deux groupes (63 % et 66 %) poursuivaient le même traitement et le PDC était identique (0,69 et 0,68). À noter cependant que la persistance était meilleure chez les patients ayant précédemment suivi un traitement par exénatide2 x/j, sans doute par le fait que ces patients étaient nécessairement des patients avec une tolérance digestive acceptable à ce type de molécule.
La formulation des GLP-1 RA expliquerait-elle la variation dans l’adhésion au traitement ? Plusieurs études ont comparé l’adhésion au traitement selon qu’il est administré en une ou deux injections quotidiennes ou une injection hebdomadaire. Aucune ne permet de trancher sur ce point ; en vie réelle, l’adhésion varie selon les études et selon les GLP-1 RA.
Néanmoins, dans une étude ayant comparé l’adhésion sous exénatide hebdomadaire versus liraglutide chez 5 449 patients, les résultats exprimés en PDC sont toujours meilleurs avec la formulation hebdomadaire(10). Le résultat peut être considéré comme biaisé ; en effet, un patient ayant oublié une injection de liraglutide ne pourra pas rattraper son oubli en faisant deux injections le lendemain, alors qu’un oubli avec une forme hebdomadaire, qui offre une certaine flexibilité, est facile à compenser sur les deux jours suivants. La préférence des patients pour une forme hebdomadaire plus flexible pourrait aussi influencer l’adhésion au traitement, comme le montre une enquête réalisée auprès de patients diabétiques de type 2, dans laquelle les critères de choix en faveur d’un traitement GLP-1 RA particulier sont l’efficacité, les effets indésirables, la forme hebdomadaire de préférence à la formulation quotidienne (OR 2,26) et la disponibilité sous forme de stylo auto-injecteur(11).
Résultats sur les événements cardiovasculaires et la mortalité en vie réelle
Le bénéfice des GLP-1 RA en termes de réduction des événements cardiovasculaires et de la mortalité pourrait fournir un argument de choix en faveur de cette classe thérapeutique. Une analyse rétrospective de la base de données britannique The Health Improvement Network a comparé deux schémas d’intensification thérapeutique par insuline basale ou GLP-1 RA chez des patients diabétiques de type 2 en échec de bithérapie metformine + sulfonylurée, sur un suivi de 5 ans. Après appariement sur un score de propension, la réduction de l’HbA1c n’est pas significativement différente entre les deux groupes ; toutefois, sous GLP-1 RA, la réduction du poids est plus importante (-3,93 vs +1,78 kg) et le risque d’événement cardiovasculaire majeur est également réduit (HR 0,27 ; 0,58-0,97)(12). Une autre étude rétrospective montre une réduction du taux d’incidence ajusté de la mortalité toutes causes de 64 % (0,56-0,74, p < 0,0001) chez les patients traités par un GLP-1 RA (exénatide 2 x/j ou hebdo, liraglutide ou lixisénatide), comparativement aux témoins bénéficiant d’un traitement standard ; la même réduction du risque est aussi observée sur un sous-groupe à faible risque(13). Ces résultats rejoignent en cohérence ceux des essais d’études de sécurité cardiovasculaire avec les GLP-1 RA.
Conclusion
Les études de vraie vie viennent en complément des données des études d’enregistrement pour orienter le choix vers un traitement optimisé.
Les résultats dans la pratique varient selon différents critères, notamment l’observance et la persistance, ce qui justifie une réévaluation rapide après la mise en route du traitement.
Le choix doit aussi être confronté aux recommandations et tenir compte des aspects médico- économiques dans leur dimension globale.
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