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Physiologie-Physiopathologie

Publié le 15 juin 2018Lecture 19 min

Inactivité physique et sédentarité : un cocktail explosif sur l’équilibre glycémique

Martine DUCLOS, CHU de Clermont-Ferrand, Hôpital G. Montpied, service de médecine du sport et d’explorations fonctionnelles, Clermont-Ferrand ; INRA UMR 1019, UNH, CRNH Auvergne ; Univ. Clermont Auvergne, Unité de nutrition humaine, Clermont-Ferrand

Le réveil sonne et monsieur X. tourne le robinet de la douche chaude pendant que la machine fait le café programmé la veille et que le pain grille automatiquement. Après un brossage consciencieux et électrique des dents, les ascenseurs le descendent du 4e étage au garage où l’attend sa voiture ; 45 minutes plus tard il est au travail, confortablement assis derrière son bureau au 5e étage (étages « gravis » en appuyant sur le bouton de l’ascenseur), pour une durée de 8 heures (repas de midi livré au bureau, car trop de travail). À 18 h, il enchaînera sur 1 h de voiture puis 4 h d’écran, avec un plateau repas réchauffé au micro-ondes devant la télé, avant de se coucher. Scénario catastrophe ou vraie vie ?
Son médecin lui a diagnostiqué trop de sédentarité et pas assez d’activité physique, un surpoids et un début de diabète. M. X. ne voit pas quels sont les liens entre tous ces maux/mots ? Et encore moins ce qu’il peut faire…

Inactivité physique et comportement sédentaire : des concepts adaptés au mode de vie du 3e millénaire • L’activité physique (AP) est définie comme « tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques entraînant une augmentation de la dépense énergétique par rapport à la dépense énergétique de repos »(1). L’AP regroupe l’ensemble des activités qui peuvent être pratiquées dans différents contextes avec quatre principaux domaines de pratique : le travail, les déplacements, les activités domestiques et les loisirs. Ces derniers incluent l’exercice, le sport et l’AP de loisirs non structurée(1). L’AP est avant tout un comportement qui peut être caractérisé par plusieurs paramètres : son type (activités développant la capacité cardio-respiratoire ou endurance aérobie, activités développant les fonctions musculaires ou renforcement musculaire, activités d’équilibre, activités de souplesse et mobilité articulaire), son intensité, sa durée, sa fréquence, voire son contexte de pratique (AP supervisée ou non). Elle est le plus souvent quantifiée en termes de MET (Metabolic Equivalent Task), c’est-à-dire d’équivalent métabolique, sachant qu’un MET correspond à la dépense énergétique d’un sujet au repos assis (= 3,5 ml d’oxygène/kg/min ou environ 1 kcal/kg/h). Différentes intensités d’AP sont ainsi définies : – 1,6 MET ≤ activités de faible intensité < 3 MET ; – 3 MET ≤ activités d’intensité modérée < 6 MET ; – 6 MET ≤ activités d’intensité élevée < 9 MET ; – activités d’intensité très élevée ≥ 9 MET. • Le terme « inactivité physique » caractérise un niveau insuffisant d’AP d’intensité modérée à élevée pour la santé, c’est-à-dire inférieur au seuil d’AP recommandé, soit 30 minutes d’AP d’intensité modérée au minimum 5 fois par semaine pour les adultes et 60 min/j pour les enfants et adolescents(1). • La sédentarité (ou comportement sédentaire) est définie comme une situation d’éveil caractérisée par une dépense énergétique faible (inférieure à 1,6 MET) en position assise ou allongée. Le comportement sédentaire est reconnu comme un comportement distinct du comportement d’AP avec ses effets propres sur la santé et il ne peut pas être uniquement défini par le manque d’AP(1). Sa mesure (heures/jour) nécessite de considérer le temps passé assis lors des déplacements utilisant des moyens de transports passifs (voiture, transports en commun), lors des loisirs (temps d’écrans [TV/vidéo/ordinateur], de lecture, etc.) et lors du travail. Il faut la mesurer lors des jours travaillés et lors des jours non travaillés, au cours d’une semaine typique. La sédentarité augmente les risques de développer diabète de type 2, pathologies cardiovasculaires et certains cancers Dans la cohorte de la Nurses’ Health Study, après ajustement sur l’activité physique habituelle, chaque tranche de 2 h par jour passée devant la télévision au cours du suivi augmente le risque d’obésité de 23 % et celui de DT2 de 14 %. À l’inverse, même des activités de faible intensité comme rester debout ou marcher dans la maison sont associées à un risque plus faible de DT2 : 12 % de réduction pour chaque tranche de 2 h/sem. La revue et métaanalyse de Wilmot et coll. (2012) a montré que les sujets qui passaient le plus de temps assis avaient un risque significativement augmenté de diabète de type 2 (DT2) (RR = 2,12 ; IC : 1,61-2,78) mais aussi d’événements cardiovasculaires (RR = 2,47 ; IC : 1,44-4,24). Le risque de mortalité était aussi significativement augmenté, mortalité toutes causes confondues (HR = 1,49 ; IC : 1,14-2,03) ou mortalité cardiovasculaire (HR = 1,90 ; IC : 1,36-2,66). Enfin, une autre métaanalyse plus récente (Schmid et Leitzmann, 2014) a démontré les relations entre incidence de cancers site-spécifiques et temps de sédentarité (différents domaines de la sédentarité ont été explorés par questionnaires : temps passé devant la TV, temps assis pendant les loisirs, pendant le travail et temps de sédentarité total). L’analyse a porté sur 43 études observationnelles incluant au total 68 936 cas de cancers. Les résultats mettent en évidence qu’un temps assis prolongé devant la TV ou tout autre comportement sédentaire est associé avec un risque significativement augmenté de cancer du côlon et de cancer de l’endomètre (comparaison entre les sujets ayant le temps le plus important vs le plus faible : cancer du côlon RR = 1,54 (IC : 1,19-1,98) pour le temps passé devant la TV, RR = 1,24 (IC : 1,09-1,41) pour le temps assis pendant le travail et RR = 1,24 (IC : 1,03-1,50) pour le temps de sédentarité total ; cancer de l’endomètre : RR : 1,66 (IC : 1,21-2,28) pour le temps passé devant la TV, RR : 1,32 (IC : 1,08-1,61) pour le temps de sédentarité total). Toute augmentation de 2 h par jour du temps de sédentarité est associée à une augmentation statistique significative de 8 % du risque de cancer du côlon et de 10 % du risque de cancer de l’endomètre. Ces associations persistent après ajustement pour l’IMC et l’AP. Relations entre activité physique et sédentarité : un sportif peut cacher un sédentaire Une personne peut être physiquement active, en s’engageant régulièrement dans des AP tout en étant très sédentaire. Il est donc possible d’être actif et sédentaire mais aussi physiquement inactif mais non sédentaire ; ces profils présentent tous deux des bénéfices et des risques sanitaires. Ainsi chez l’adulte, quatre profils peuvent être décrits : inactif et sédentaire, actif et sédentaire, inactif et non sédentaire, actif et non sédentaire. L’activité physique et/ou sportive peut-elle atténuer les effets délétères du temps passé assis ? Pour répondre à cette question, Ekelund et coll. ont retenu et analysé 16 études de cohortes (1 million de sujets suivis pendant 2 à 18 ans) après avoir contacté tous les auteurs pour homogénéiser les méthodes de mesures (durée, intensité de l’AP)(2). Les résultats montrent que l’AP selon les recommandations, voire au-delà, ne suffit pas à supprimer les effets de la sédentarité. Si passer 8 heures assis/jour chez des sujets qui ne pratiquent pas d’AP (< 5 min d’AP d’intensité modérée par jour) augmente le risque de mortalité pendant la période de suivi de 59 %, le risque de surmortalité est encore de 12 % chez les sujets pratiquant 25 à 30 minutes d’AP quotidienne et assis moins de 4 h/jour. Le risque ne disparaît que chez les sujets qui pratiquent 60 à 75 min d’AP d’intensité modérée par jour, donc qui ont un niveau d’AP situé largement au-dessus des recommandations. Ainsi, l’AP diminue le risque lié à la sédentarité mais ne le fait pas disparaître, sauf chez les personnes réalisant plus de 60 min d’AP quotidienne. L’étude a aussi réalisé un focus sur le temps passé devant la télévision. Ainsi, une personne passant plus de 5 h devant la télévision et pratiquant moins de 5 min d’activité physique voit son risque de mortalité augmenter de 90 %. Même 75 min d’activité physique et/ou sportive ne protègent pas du temps passé devant la télévision si celui-ci est supérieur à 5 h. En effet, le temps passé devant la télévision est souvent associé au grignotage. Mécanismes d’action de l’activité physique régulière sur le métabolisme du glucose et des lipides(3 pour rev) L’AP régulière est un facteur de santé à la fois en termes de prévention des principales maladies chroniques, de maintien, voire d’amélioration du capital santé et de prise en charge de la plupart des maladies chroniques. Les mécanismes d’action de l’AP sur la santé sont multiples (cardiovasculaires, métaboliques, neurologiques, etc.). Dans le cadre de cet article, nous nous focaliserons sur ses effets sur le métabolisme du glucose et des lipides. Effets d’une session d’exercice sur le métabolisme du glucose L’exercice musculaire augmente la captation musculaire de glucose chez le sujet sain comme chez le DT2, jusqu’à 5 fois plus par rapport au repos (la contraction musculaire stimule le transport et le métabolisme du glucose dans les muscles sollicités au cours de l’exercice par des voies qui ne dépendent pas de l’insuline ; à cet effet se surajoute celui de l’insuline). En période post-exercice, chez le sujet sain comme chez le DT2, la captation musculaire de glucose reste augmentée par des mécanismes qui ne dépendent pas de l’insuline (pendant 2 h en moyenne) et par des mécanismes insulino-dépendants (persistant jusqu’à 48 h après la fin de l’exercice) si l’exercice est de durée prolongée, ce qui est lié au besoin de reconstituer les réserves musculaires en glycogène. Enfin, il existe une augmentation de la sensibilité musculaire à l’insuline qui peut durer 24 h pour les exercices de durée courte (20 min) d’intensité élevée, mais même des exercices aérobies de faible intensité et de durée ≥ 60 min augmentent la sensibilité à l’insuline chez les sujets obèses, insulinorésistants. Effets de l’entraînement sur le métabolisme du glucose L’entraînement en endurance augmente la sensibilité à l’insuline chez le sujet sain ou insulinorésistant, normoglycémique ou DT2. Ces données ont été obtenues aussi bien dans les études transversales (comparant des sujets inactifs à des sujets entraînés en endurance) que dans les études d’intervention (où des sujets peu actifs ont été soumis à un entraînement). Cette augmentation de la sensibilité à l’insuline (qui se traduit par une consommation de glucose majorée de 30 à 40 %) peut se prolonger jusqu’à 48-72 h après la dernière session d’exercice, ce qui permet d’exclure un effet aigu du dernier exercice réalisé. L’entraînement en endurance augmente la sensibilité musculaire à l’insuline chez les sujets prédiabétiques et chez les sujets ayant un DT2 en proportion avec la charge totale d’AP hebdomadaire, quelle que soit l’intensité à laquelle l’exercice est réalisé. Même une faible charge hebdomadaire (15 min d’AP d’intensité modérée 5 fois par semaine) augmente la sensibilité à l’insuline chez l’adulte initialement physiquement inactif. Ce sont ceux qui ont au départ l’insulinorésistance la plus importante qui présentent les plus grandes améliorations avec un effet dose-réponse entre la quantité d’exercice et l’augmentation de la sensibilité à l’insuline. Les effets de l’entraînement sur le métabolisme du glucose sont multiples : augmentation de la signalisation post-récepteur de l’insuline, du transport du glucose, de la capacité oxydative du muscle, de la densité capillaire et de la vasodilatation NO-dépendante, diminution de la production hépatique de glucose, modification de la composition musculaire (augmentation de la proportion de fibres oxydatives de type I) et, en plus pour l’entraînement de type renforcement musculaire, augmentation de la masse musculaire et donc de la capacité totale à utiliser le glucose. Tous les types d’entraînement augmentent la sensibilité à l’insuline et de façon équivalente en termes d’efficacité : renforcement musculaire, entraînement en endurance, exercices à haute intensité intermittents (HIIT). Combiner l’endurance et des exercices de renforcement musculaire apporte les plus fortes améliorations sur la sensibilité à l’insuline. Enfin, ces effets sont obtenus même sans perte de poids mais ils sont réversibles avec le désentraînement. Effets de la pratique régulière de l’AP sur le métabolisme des lipides L’entraînement en endurance augmente l’oxydation des acides gras au cours de l’exercice musculaire d’intensité modérée en agissant sur les différentes étapes de la lipolyse adipocytaire, du transport intramusculaire des acides gras à longue chaîne, et de leur oxydation dans les mitochondries des fibres musculaires. Ces effets biologiques de l’AP régulière contribuent à augmenter la mobilisation, le transport et l’utilisation métabolique des acides gras au cours de l’exercice. Mécanismes d’action de la sédentarité sur le métabolisme du glucose et des lipides Les effets de la sédentarité s’expliquent principalement par l’inactivité des muscles des membres inférieurs lors de la position assise, ces derniers représentant la partie la plus importante de la masse musculaire. Les conséquences sont avant tout une insulinorésistance musculaire, chez des sujets normoglycémiques comme chez des sujets insulinorésistants et DT2, et l’accumulation de facteurs de risque (dyslipidémie, HTA et obésité). Ces effets s’observent en postprandial particulièrement, la station assise prolongée augmentant les excursions glycémiques et lipidiques (triglycérides) postprandiales ; ceci est d’autant plus marqué quand les sujets sont insulinorésistants, voire DT2. Enfin, une diminution de la réactivité endothélium-dépendante a aussi été rapportée après 3 h de position assise. Activité physique régulière et prévention du diabète de type 2(3 pour rev) Les cinq grandes études d’intervention qui ont été publiées depuis le milieu des années 1990 ont confirmé l’intérêt des modifications du mode de vie (AP et/ou alimentation) chez des sujets à risque de développer un DT2 (intolérants au glucose). Sur le plan méthodologique, il s’agissait d’études interventionnelles dont la durée était ≥ 3 ans, randomisées avec groupe contrôle, ayant inclus un nombre élevé de sujets d’origine ethnique variée. Elles rapportent des résultats similaires : réduction de 28 à 67 % de l’incidence du DT2 chez des sujets intolérants au glucose après 3 à 6 ans. L’effet de l’AP est indépendant de la diététique et de la perte de poids Dans ces études d’intervention, c’est l’effet combiné de l’AP et des conseils alimentaires (avec perte de poids modérée) qui a été étudié. Mais l’étude chinoise Da Quing avait inclus un groupe exercice seul, démontrant un effet significatif et indépendant de l’AP : par rapport au groupe témoin, la prévalence du DT2 au bout de 6 ans était réduite de 46 % dans le groupe exercice vs 42 % dans le groupe diététique + exercice et 31 % dans le groupe diététique. L’analyse post hoc de la cohorte finlandaise DPS avait montré que marcher au moins 2,5 h par semaine diminuait le risque de DT2 de près de 65 %, et ce indépendamment des effets des conseils alimentaires ou de l’IMC de départ et de sa variation au cours du suivi. Les effets de l’AP se prolongent au-delà de la période d’accompagnement actif (« coaching ») Par rapport au groupe contrôle, chez les sujets du groupe intervention, l’incidence du DT2 restait diminuée de 27 à 43 % sur une période cumulée de 7 à 20 ans après la fin de l’intervention. Ainsi, une intervention modifiant le mode de vie pendant 3 à 6 ans peut prévenir ou retarder la survenue du DT2 jusqu’à 14 ans au moins après la période d’intervention active. Les sujets obèses ayant une AP régulière ont une diminution du risque de DT2 L’étude des infirmières américaines (Nurses’ Health Study) montre que l’obésité et l’inactivité physique contribuent indépendamment au développement du DT2 mais l’importance du risque lié à l’obésité serait plus grande que celle imputable à l’insuffisance d’AP (par rapport aux femmes de poids normal et ayant une AP  régulière, le risque relatif de DT2 = 16,75 pour les femmes obèses et n’ayant pas d’AP vs 10,74 pour les femmes ayant une AP régulière mais obèses vs 2,08 pour les femmes minces et inactives). Cependant, les bénéfices de l’AP ne sont pas limités aux sujets de poids normal : pour chaque niveau d’IMC, une AP plus élevée est associée à un risque moindre de développer un DT2. Ainsi, les sujets obèses ayant une AP régulière bénéficient aussi d’une diminution du risque de DT2. L’activité physique régulière diminue le sur-risque cardiovasculaire des sujets à risque élevé de développer un DT2 Les sujets intolérants au glucose sont eux-mêmes à risque plus élevé que des sujets normoglycémiques de présenter des complications diabétiques micro- et macroangiopathiques, même en l’absence de diabète déclaré. S’il n’existe pas à ce jour d’essai randomisé visant à déterminer le bénéfice cardiovasculaire de l’AP chez des patients présentant un prédiabète, les données issues de l’étude NAVIGATOR ont montré que, chez des sujets intolérants au glucose ayant participé à un programme d’éducation nutritionnelle et d’AP (objectifs : perte durable de 5 % de leur poids et pratique d’au moins 150 min/sem d’AP d’endurance d’intensité modérée), le nombre de pas à l’entrée dans l’étude était associé au risque d’événements cardiovasculaires (survenue d’un décès cardiovasculaire, d’un AVC non fatal ou d’un infarctus du myocarde) au cours des 5 années de suivi ultérieur. Ainsi, par rapport à l’AP à l’entrée de l’étude, pour 2 000 pas supplémentaires effectués par jour, l’incidence des événements cardiovasculaires était diminuée de 10 %. L’évolution du nombre de pas à un an d’intervalle était également associée au risque cardiovasculaire : pour une augmentation ou une diminution de 2 000 pas/j par rapport au nombre de pas à l’entrée dans l’étude, l’incidence d’événements cardiovasculaires était respectivement augmentée et réduite de 8 %. Dans l’essai DPP (Diabetes Prevention Program) réalisé chez des personnes à haut risque de diabète, un critère composite d’atteinte microvasculaire (neuropathie au monofilament, atteinte rétinienne, microalbuminurie) se trouvait réduit de 21 % dans le groupe AP par rapport au placebo et de 22 % par rapport à la metformine chez les femmes seulement ; en revanche, cet effet bénéfique n’était pas retrouvé chez les hommes. Ainsi, l’AP régulière diminue le sur-risque cardiovasculaire des sujets à risque élevé de développer un DT2, indépendamment de l’IMC, et cet effet est obtenu dès qu’une augmentation de 2 000 pas/jour est obtenue, ce qui correspond à 20 minutes de marche à bon rythme (intensité modérée). L’AP régulière peut prévenir la survenue de la moitié des DT2 chez des sujets prédiabétiques. Ces résultats sont très encourageants car, même si ces programmes ne font que retarder l’apparition de la maladie, le retentissement sur l’état de santé des personnes peut être important car les complications du diabète sont étroitement liées à la durée d’exposition à l’hyperglycémie et aux cofacteurs de risque vasculaire. Un retard de l’apparition du diabète pourrait également générer un retard à l’apparition de ses complications, ce qui représente un véritable bénéfice en termes de morbi-mortalité. En plus de l’effet sur le risque de développer un diabète, la pratique d’une AP régulière diminue les facteurs de risque cardiovasculaire. L’activité physique comme thérapeutique non médicamenteuse du DT2(2) L’AP régulière améliore l’équilibre glycémique des DT2 Plusieurs métaanalyses ont démontré les effets bénéfiques de l’AP régulière sur l’équilibre glycémique des DT2, indépendamment de la nutrition et/ou de la perte de poids. De plus, il a récemment été montré que, dans le cadre de programmes d’AP supervisés, tous les types d’AP étaient efficaces et s’associaient à une diminution significative de l’HbA1c de -0,51 à -0,73 % (par rapport aux sujets ne recevant que des conseils) : endurance, -0,73 %, renforcement musculaire, -0,57 % et combinaison des 2 types d’entraînement, -0,51 % ; sans différence d’efficacité entre les types d’AP. De plus, l’AP supervisée et structurée de plus de 150 min/sem est associée à une plus grande réduction de l’HbA1c (-0,89 %) par rapport à ≤ 150 min/sem (-0,36 %). L’AP régulière réduit les facteurs de risque cardiovasculaire des DT2 Les effets de l’AP ne se limitent pas à l’équilibre glycémique chez le DT2. L’AP régulière est un facteur démontré de protection vasculaire à part entière (effet antiischémique, antiarythmique, antithrombotique, anti-inflammatoire) ; elle diminue les autres facteurs de risque cardiovasculaire : diminution de la masse grasse viscérale sans variation de poids, amélioration du profil lipidique dans un sens moins athérogène, baisse du profil tensionnel, diminution de la morbidité cardiovasculaire et de la mortalité cardiovasculaire. Ainsi, la métaanalyse de Kodama (2013) portant sur 17 études de cohortes de sujets DT2 dont le niveau d’AP habituel, sans intervention, a été mesuré de façon prospective ou rétrospective, a montré que toute augmentation de l’AP de 1 MET-h/sem s’associe à une diminution de la mortalité totale de 9 % et cardiovasculaire de 7 %. La réduction des risques cardiovasculaires (IMC, tour de taille, profil lipidique et tensionnel) est identique quel que soit le type d’AP : endurance ou RM (métaanalyse de 12 études chez des adultes ayant un DT2). Autres effets de l’AP régulière chez les sujets ayant un DT2 La Look AHEAD Study est une étude d’intervention randomisée multicentrique (États-Unis) avec intervention intensive sur le mode de vie chez des patients DT2 en surpoids ou obèses. L’intervention (groupe intensif) associait régime hypocalorique et hypolipidique à un programme d’AP supervisé pendant un an (175 min/sem d’AP) puis un suivi régulier, avec un objectif de perte de 7 % du poids initial à 1 an, à maintenir par la suite. La prise en charge standard se limitait à 3 sessions annuelles d’éducation diététique et d’encouragement à l’AP en groupes. À 10 ans, de nombreux critères de jugement secondaires ont été significativement améliorés dans le groupe intensif par comparaison au groupe standard (Pi-Sunyer 2014). Ainsi, chez des sujets DT2 d’âge moyen 59 ans dont 86 % sont obèses et 15 % insulinotraités, les effets de l’AP et la diététique sont multifactoriels : poids, équilibre glycémique, profil lipidique, diminution des besoins et coûts des traitements, apnées du sommeil, incidence plus faible de néphropathie diabétique rénale sévère et de la rétinopathie, de dépression, dysfonction sexuelle, incontinence urinaire, gonalgies, meilleure mobilité, qualité de vie et diminution des coûts de santé. Par contre, si elle n’a pas montré de réduction de l’incidence des maladies cardiovasculaires à 10 ans chez des patients DT2 en surpoids ou obèses (causes multiples : absence de stratification en fonction de l’AP réellement pratiquée par les patients, contrôle moins strict de tous les facteurs de risque par rapport au groupe standard), l’étude ADVANCE (11 140 DT2 suivis pendant 5 ans) a rapporté une diminution significative des complications cardiovasculaires, microvasculaires et de la mortalité globale en fonction de la participation à une AP d’intensité modérée à élevée. Rôle de la lutte contre la sédentarité dans la prévention et la prise en charge du DT2 Indépendamment du niveau d’AP, modérée à intense, des temps prolongés assis (au bureau, devant un écran, lors des transports…) sont associés à un risque deux fois plus élevé de développer un DT2 et une obésité(4). À l’inverse, même des activités de faible intensité comme rester debout ou marcher dans la maison ou au travail (marche de faible intensité < 3 MET) sont associées à un risque plus faible de développer un DT2. Toujours chez les sujets à risque de développer un DT2 et chez les DT2, des périodes prolongées assises sont associées à un moins bon contrôle glycémique et à la présence de plusieurs risques métaboliques. À l’inverse, interrompre les périodes prolongées de position assise par des pauses en position debout (« breaks ») de moins de 5 minutes ou une AP de faible intensité (marche, déambulation) toutes les 30 min améliore le contrôle glycémique chez les sujets sédentaires en surpoids/obèses et chez les femmes ayant une intolérance au glucose(5). Chez les sujets ayant un DT2, interrompre des périodes assises prolongées par 15 min de marche en postprandial après chaque repas (3 fois par jour) ou par 3 min de marche à faible intensité (donc à une intensité inférieure aux recommandations) toutes les 30 min ou par 3 min de marche à faible intensité et des exercices de renforcement musculaire employant uniquement le poids du corps toutes les 30 min améliore la glycémie postprandiale (et l’insulinémie), diminuant ainsi les excursions glycémiques postprandiales(6). L’efficacité à long terme sur la santé et sur l’équilibre glycémique reste à déterminer pour les sujets avec ou sans DT2. Mais dans la vraie vie, lors des jours travaillés, la situation est celle de l’étude précitée : début du travail en postprandial (petit déjeuner) puis reprise après la pause déjeuner (postprandial), et le soir 4 h de sédentarité en moyenne (4 h d’écran) après le repas, et ceci tous les jours de la semaine, toutes les semaines… c’est tous les jours un peu plus d’insuline pour une glycémie identique en position assise prolongée une grande partie de la journée. En effet, en France, l’étude Nutrinet, réalisée sur une cohorte de plus de 35 000 adultes âgés en moyenne de 45 ans et ayant une activité professionnelle, a estimé (autoquestionnaire) à environ 12 heures le temps moyen passé en position assise lors d’une journée de travail, et 9 heures lors d’une journée de congé. La sédentarité est un facteur de risque, indépendant du niveau d’AP, du risque de développer un DT2. Il est important de diminuer le temps total passé assis pour diminuer le risque de DT2 et pour limiter les excursions glycémiques postprandiales chez les DT2. Quelles applications de ces études ? Le niveau d’AP des DT2 est faible, presque deux fois moindre que celui de la population française adulte. Qualitativement, l’AP des DT2 consiste surtout en des activités domestiques alors que dans la population générale il s’agit surtout d’AP de loisirs de type marche. Il faut rappeler qu’en France 60 % de la population adulte « déclare » un niveau d’AP suffisant pour obtenir des bénéfices pour la santé (30 min d’AP modérée au moins 5 jours par semaine). Les recommandations d’AP pour les DT2 sont : – lutter contre la sédentarité ; – augmenter l’AP dans la vie quotidienne ; – pratiquer des activités physiques et/ou sportives structurées : • au minimum 150 min/sem d’activité d’intensité modérée, réparties dans la semaine, au moins 3 jours/semaine avec pas plus de 2 jours consécutifs sans AP ; ou 90 min d’AP d’intensité élevée, réparties dans la semaine en 3 sessions de 30 min chacune ; ou un mélange des deux, • rajouter 2 sessions de renforcement musculaire sur des jours non consécutifs, d’intensité modérée, impliquant les principaux groupes musculaires. Lutter contre la sédentarité en pratique Quel que soit le contexte (travail, transport, domestique, loisirs), l’objectif est de réduire le temps total quotidien passé en position assise, autant que faire se peut (il n’existe pas actuellement de consensus sur la durée maximum recommandée pour le temps passé à ces occupations sédentaires). Il est aussi fortement conseillé de « rompre » les temps de sédentarité (par exemple les temps passés assis au bureau ou derrière l’ordinateur) par des pauses d’au moins une minute toutes les heures ou 5 à 10 min toutes les 90 min, pendant lesquels les sujets passent de la position assise à la position debout avec une AP considérée comme faible au niveau intensité (par exemple, se lever pour ranger un livre). 30 minutes de sédentarité en moins par jour… pour commencer Dans tous les cas, chez des sujets inactifs et très sédentaires, il est plus facile en premier lieu de proposer de remplacer le temps assis par plus de temps debout ou debout avec une AP de faible intensité à type de déambulation. Yates et coll. (2015) ont modélisé les effets bénéfiques de ce type d’approche. Ainsi, chez des sujets à risque élevé de développer un DT2, remplacer 30 min/j de sédentarité par 30 min d’AP de type déambulation (marche lente) est associé à une augmentation de la sensibilité à l’insuline de 5 % et par 30 minutes d’AP d’intensité modérée à une augmentation de la sensibilité à l’insuline de 18 %. Ainsi, une population aussi peu active que les sujets ayant un DT2 bénéficiera déjà sur le plan de nombreux paramètres de santé d’une diminution du temps de sédentarité. C’est une démarche réaliste vers des objectifs atteignables qui peuvent peu à peu évoluer vers une AP de faible intensité, pour commencer.

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