Société
Publié le 15 oct 2017Lecture 8 min
Diabète sucré et conduite - Les déterminants réglementaires de l’aptitude médicale
Brice LODDÉ, Université de Brest ; EA 4324 ORPHY, Brest ; Service de santé au travail et maladies liées à l’environnement, CHRU du Morvan, Brest
Le diabète sucré est une maladie chronique qui touche plusieurs millions de personnes en France. Parmi elles, il existe une proportion d’actifs professionnels dont l’emploi comporte de la conduite de véhicules, de moyens de transports ou d’engins. En outre, bon nombre d’autres individus atteints effectuent cette activité de conduite sur un plan non professionnel, pour des besoins personnels.
Déjà affectés par la maladie, ces personnes peuvent, de surcroît, être déclarées médicalement inaptes à la conduite et par conséquent se retrouver sans emploi en raison des risques d’accidents de trajets ou de transports que représente leur maladie.
C’est essentiellement le diabète sucré de type 1 qui fait l’objet d’une attention particulière sur ces postes ou ces activités de conduite. Ainsi, lors de consultations de diabétologie, les patients posent fréquemment la question de leur orientation professionnelle tant en termes de formation que de postes à briguer et s’il existe des contre-indications médicales formalisées qui entraîneraient un arrêt ou une impossibilité de débuter ces activités.
Aussi, nous allons tenter de répondre à ces questions en détaillant la législation et la réglementation actuelles selon 4 parties distinctes relatives aux différents types de conduite (de véhicules, d’engins, de bateaux, de trains ou encore d’aéronefs) et leurs éventuelles restrictions du fait d’un diabète sucré. Néanmoins, cette législation et cette réglementation continueront d’évoluer en parallèle des thérapeutiques antidiabétiques et il y a fort à penser que les malades atteints seront sans nul doute moins invalidés et donc moins contraints dans leurs activités dans l’avenir.
Diabète sucré et conduite de véhicule
L’exercice médical qui consiste à certifier que l’état de santé d’un individu est ou n’est pas compatible avec telle ou telle activité n’est pas aisé car il sous-entend que le médecin doit non seulement bien connaître la ou les maladies des sujets qu’il rencontre (parfois pour la première fois) mais aussi bien connaître les risques de l’activité concernée.
En France, le code de la santé publique, le code de la Sécurité sociale ou encore la déontologie médicale abordent cet exercice de certification mais ne rentrent pas dans les détails de l’aptitude médicale à la conduite (professionnelle ou non professionnelle). En effet, c’est dans le code de la route que seront retrouvées les règles concernant la conduite de véhicules et dans quel cadre un avis médical va être sollicité.
Au moment où la veille réglementaire de cette présente synthèse a lieu, c’est l’arrêté du 18 décembre 2015 modifiant l’arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée qui fait office de référence et qui est retranscrit dans le code de la route.
Selon cet arrêté, deux groupes sont distingués :
• groupe I (ou groupe léger) : les détenteurs d’un permis de conduireA1, A2 (A), B1, B2 ou BE à savoir les permis motos et autos… avec des éléments tractés ou non ;
• groupe II (ou groupe lourd) : les détenteurs d’un permis de conduire de type C1, C1E, C, CE, D1, D1E, D, DE à savoir les conducteurs de camions, bus… avec des éléments tractés ou non (figure).
Figure. Photographie d’un permis de conduire où des restrictions à la conduite, des restrictions sur la date de validité peuvent être émises.
Des véhicules de catégorie B, s’ils servent de taxi, de voiture de remise, d’ambulance, de transport scolaire, de transport public ou de véhicule d’apprentissage de la conduite vont faire classer leur conducteur comme devant satisfaire aux conditions médicales du groupe II.
Le diabète sucré figure dans la classe VI (partie 6.2) de cet arrêté, qui a trait à la pathologie métabolique et transplantation.
Il est ainsi écrit, pour le groupe I, que :
Lorsque le diabète sucré est traité par des thérapeutiques hypoglycémiantes, un avis spécialisé et un contrôle médical régulier, adapté à chaque cas, dont l’intervalle ne doit toutefois pas excéder 5 ans (le médecin devra être très vigilant sur le risque hypoglycémique) sont nécessaires pour avoir l’usage de son permis de conduire.
En outre, le permis de conduire n’est ni délivré ni renouvelé lorsque le candidat ou conducteur souffre d’hypoglycémie sévère récurrente (hypoglycémie sévère, où l’assistance d’une tierce personne est nécessaire, et hypoglycémie récurrente, lorsqu’une deuxième hypoglycémie sévère survient au cours d’une période de 12 mois) et/ou d’une conscience altérée de l’hypoglycémie. Un conducteur diabétique doit prouver qu’il maîtrise la maladie de manière adéquate. Concernant la délivrance ou le renouvellement des permis de conduire du groupe 2 aux conducteurs souffrant de diabète sucré, celui-ci doit faire l’objet d’une attention particulière.
Dans certains cas particuliers, une compatibilité temporaire pourra être envisagée après avis spécialisé.
Si le candidat ou le conducteur suit un traitement médicamenteux pouvant provoquer une hypoglycémie (insuline et certains autres médicaments), il convient d’appliquer les critères suivants :
– aucune crise d’hypoglycémie sévère ne s’est produite au cours des 12 derniers mois ;
– le conducteur identifie correctement les symptômes liés à l’hypoglycémie ;
– le conducteur doit faire preuve d’une maîtrise adéquate de la maladie en contrôlant régulièrement sa glycémie au moins 2 fois par jour et lorsqu’il envisage de conduire ;
– le médecin s’assure que le conducteur diabétique comprend le risque hypoglycémique et qu’il maîtrise la maladie de manière adéquate ;
– il n’y a pas d’autre complication liée au diabète qui puisse interdire la conduite.
En outre, dans ces cas, la délivrance du permis doit être soumise à l’avis d’une autorité médicale compétente et à des examens médicaux réguliers réalisés à des intervalles n’excédant pas 3 ans.
La classe VI est certes celle où l’on retrouve, stricto sensu, les références concernant le diabète sucré. Néanmoins, la classe I (lorsqu’il existe des complications cardiovasculaires), la classe II (problématiques visuelles) ou la classe IV (atteintes neurologiques) sont aussi susceptibles d’être analysées par le médecin agréé qui pourra faire des recommandations sur l’aménagement du véhicule (par exemple pour adapter la commande des pédales en cas de troubles sensitifs plantaires).
En pratique
Lorsqu’un patient diabétique possède un permis de conduire ou est candidat au permis de conduire, il doit prendre un rendez-vous auprès d’un médecin agréé pour délivrer des aptitudes médicales à la conduite, en s’adressant à la préfecture dont il dépend.
Cette préfecture dispose en effet d’une liste de médecins qui se sont proposés pour être agréés dans le cadre des visites médicales du permis de conduire. Le ministère chargé des Transports valide l’agrément pour 5 ans et la liste est donc disponible localement en Préfecture. Deux médecins (plutôt des médecins généralistes) siègent à la commission primaire du permis de conduire qui examine les conducteurs dont le permis nécessite une décision médicale d’aptitude (exemple dans le cadre de délits, telle l’ivresse au volant), de retours devant la commission après avis spécialisés…). Ils sont l’autorité médicale qui valide le permis selon les délais imposés par le type de permis et le code de la route. Par ailleurs, ces deux médecins peuvent demander un avis complémentaire auprès d’un confrère.
Concernant les patients diabétiques, le médecin agréé émettra un avis d’aptitude médicale totale, d’aptitude médicale avec réserve ou d’inaptitude le cas échéant. Il proposera ainsi la limite de validité du permis de conduire et par conséquent la périodicité des examens médicaux dans ce cadre (maximum tous les 5 ans pour le groupe I, 3 ans pour le groupe II si on se réfère au texte sur le diabète sucré).
Les avis peuvent être contestés par les conducteurs ou candidats auprès de la commission d’appel du permis de conduire où siègera alors un spécialiste de l’atteinte en question.
Dans le cadre des suivis par les médecins traitants (diabétologue traitant par exemple), un médecin n’a pas à déclarer le diabète sucré d’un patient (surtout sans l’accord du patient). Il informe le patient qu’il doit s’adresser à la préfecture (service de la commission du permis de conduire) pour obtenir les coordonnées d’un médecin agréé qui proposera des restrictions d’aptitude médicale ou non selon le degré de la maladie.
Les visites auprès des médecins agréés dans le cadre de l’aptitude médicale à la conduite sont à la charge des conducteurs ou des candidats à la conduite.
Les conducteurs et candidats ne faisant pas mention d’une problématique de santé nécessitant l’avis d’un médecin agréé risquent de voir leur assurance réfuter la prise en charge d’un accident dont il sera établi que c’est ce problème de santé non déclaré qui en a été la cause.
En effet, conformément à l’article R. 412-6 du code de la route, tout conducteur de véhicule doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent. Tant pour le groupe léger que pour le groupe lourd, le permis de conduire ne doit être ni délivré ni renouvelé au candidat ou conducteur atteint d’une affection, qu’elle soit mentionnée ou non dans la présente liste, susceptible de constituer ou d’entraîner une incapacité fonctionnelle de nature à compromettre la sécurité routière lors de la conduite d’un véhicule à moteur. La décision de délivrance ou de renouvellement du permis par l’autorité préfectorale est prise à la suite d’un avis de la commission médicale départementale ou d’un médecin agréé. L’avis adressé au préfet peut contenir, si les conditions l’exigent pour la sécurité routière, des propositions de mentions additionnelles ou restrictives sur le titre de conduite. Avant chaque contrôle médical, le candidat ou le conducteur remplit une déclaration décrivant loyalement ses antécédents médicaux, une éventuelle pathologie en cours et les traitements pris régulièrement. Un test de conduite par une école de conduite peut être demandé. Le médecin agréé ou la commission médicale peuvent, après un premier examen, s’ils le jugent utile, demander l’examen de l’intéressé par un spécialiste de la commission médicale d’appel. Ce dernier répondra aux questions posées par le médecin agréé ou la commission, sans préjuger de leur avis.
L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :