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Congrès

Publié le 14 déc 2016Lecture 11 min

Diabète et grossesse

M. DEKER

Deux symposiums étaient consacrés durant le dernier congrès de l’EASD (European Association for the Study of Diabetes) à la grossesse chez les femmes diabétiques ; le premier ciblait le diabète gestationnel et le second les complications microvasculaires chez les femmes ayant un diabète de type 1. Enfin, des données françaises sur la prévalence du diabète gestationnel et les complications périnatales ont été présentées.

Diabète gestationnel La génétique pour identifier les facteurs de risque modifiables D’après la communication de R.M. Freathy (Grande-Bretagne) Le surpoids et l’obésité maternelle sont des facteurs de risque bien connus de diabète gestationnel et sont associés à un risque accru de macrosomie chez la descendance, elle-même responsable de complications néonatales (dystocie des épaules, hypoglycémie néonatale, mauvais contrôle métabolique à l’âge adulte). Les mécanismes qui soustendent cette association sont difficiles à préciser en raison de multiples facteurs confondants liés au statut socio-économique de la mère, à son statut tabagique et à son alimentation. Les études de randomisation mendélienne peuvent contribuer à résoudre les questions de causalité afin d’identifier les facteurs de risque modifiables chez la mère. Comparativement aux fœtus de mère de poids normal, le foetus d’une mère en surpoids ou obèse est exposé à un environnement différent caractérisé par une augmentation des concentrations de glucose et de triglycérides, une diminution des concentrations de HDL-C et d’adiponectine, ainsi qu’un statut en vitamine D plus bas. La majorité de ces paramètres ont été associés dans les études observationnelles à une augmentation de la croissance foetale, à l’exception du statut vitaminique D et de l’hypertension artérielle maternelle qui sont liés à une restriction staturo-pondérale du foetus. Les génotypes maternels mis en évidence dans les études de randomisation mendélienne fournissent des éléments permettant d’étudier les liens de causalité entre les traits maternels et les caractéristiques de l’enfant, évitant ainsi les facteurs confondants. J. Tyrrell et coll. ont réalisé une étude de ce type dans laquelle des variants génétiques ont été sélectionnés afin de calculer des scores représentant l’IMC de la mère et 7 caractéristiques maternelles associées à l’obésité(1). La relation de causalité entre l’IMC maternel et chaque caractéristique a été estimée en évaluant l’association entre les scores de risque génétique maternels et le poids de naissance des enfants. L’étude a été réalisée à partir des données de plus de 30 000 femmes d’origine européenne et des naissances vivantes à terme de singletons de 1929 à 2013. Cette étude montre que l’augmentation de l’IMC et l’hyperglycémie d’origine génétique sont potentiellement associées positivement au poids de naissance de l’enfant alors qu’inversement, l’hypertension maternelle est corrélée à un poids de naissance plus bas. Il ne semble pas, en revanche, que les perturbations lipidiques associées à l’obésité ou le statut vitaminique D influent sur le poids de l’enfant. Modifications placentaires chez les patientes diabétiques : contributives ou adaptatives ? D’après la communication de G. Desoye (Graz, Autriche) L’une des principales fonctions du placenta est son rôle nutritif. Il est donc licite de s’interroger sur sa contribution au phénotype fœtal chez les patientes diabétiques. Plusieurs études ont clairement démontré qu’indépendamment du poids de naissance, les enfants de mères diabétiques ou de mères obèses ont proportionnellement davantage de graisses corporelles que les enfants de mères non diabétiques. Selon un concept développé de longue date l’hyperglycémie maternelle s’accompagne d’une hyperglycémie chez le foetus qui entraîne une sécrétion accrue d’insuline. Le glucose sert de précurseur aux acides gras qui iront enrichir le tissu adipeux blanc. Les acides gras libres pourraient également participer à ce processus métabolique. Certains pensaient que le placenta déterminait la quantité de glucose franchissant la barrière placentaire. En réalité, le flux de glucose transplacentaire dépend du gradient de concentration materno-fœtal, ce qui implique de contrôler au mieux la glycémie maternelle pour éviter une hyperglycémie fœtale. Le transfert des acides gras à travers la barrière placentaire est caractérisé par sa lenteur et son inefficacité ; il dépend aussi de la longueur de la chaîne. Seulement 20 % des graisses retrouvées chez le nouveau-né proviennent des acides gras maternels quand l’enfant est né d’une mère de poids normal ou d’une mère diabétique. Toutefois les études ont été réalisées en ciblant les acides gras libres qui ne représentent que 1 à 3 % des acides gras circulants. On peut émettre l’hypothèse que l’activité de la lipase endothéliale placentaire intervient dans le passage des acides gras libres. Une étude a, en effet, montré que cette enzyme est plus fortement exprimée chez les femmes obèses ayant un diabète gestationnel alors qu’elle n’est pas surexprimée chez les femmes obèses ni chez les femmes diabétiques de morphotype normal. Cela suggère que l’expression de la lipase endothéliale placentaire pourrait dépendre du degré d’inflammation. Globalement, il n’existe pas de preuves d’une contribution directe des modifications placentaires au phénotype néonatal, malgré les modifications observées durant les diabètes gestationnels. Ces modifications seraient plutôt d’ordre adaptatif aux besoins fœtaux. Ainsi, pour lutter contre l’hypoxie dont peut souffrir le fœtus dans le cadre d’un diabète gestationnel, le placenta développe la surface capillaire par hypervascularisation ; l’angiogenèse est stimulée par l’hypoxie, via la production de VEGF. Par ailleurs, les taux d’insuline chez le fœtus sont directement corrélés avec la surface capillaire au niveau du placenta, ce qui suggère que l’insuline pourrait directement stimuler l’angiogenèse placentaire, d’autant que des récepteurs de l’insuline sont présents sur le placenta, en particulier à la fin de la gestation. Un autre exemple du caractère adaptatif des modifications placentaires est fourni par la protection contre les lipoprotéines athérogènes. L’hyperlipidémie maternelle peut s’associer chez le foetus à la présence de cellules spumeuses dans les parois artérielles, mais pas au niveau des vaisseaux placentaires. La protéine de transfert des phospholipides (PLTP) est augmentée chez les patientes ayant un diabète gestationnel, quel que soit l’IMC maternel. Elle est surtout retrouvée dans l’endothélium fœto-placentaire où elle facilite l’efflux de cholestérol des cellules endothéliales et la conversion des particules HDL3 en particules HDL2 et pré-HDL, moins nocives. Au total, les modifications placentaires mises en évidence dans le diabète gestationnel à la fin de la grossesse ne semblent pas contribuer à potentialiser le transfert des nutriments clés que sont les glucides et les acides gras. Elles témoignent davantage de réponses adaptatives visant à protéger l’unité fœto-placentaire. Diabète gestationnel : haute prévalence des variants MODY D’après la communication de T. Hansen (Danemark) La prévalence du diabète gestationnel varie selon les études de 1 à 28 %. Plusieurs facteurs de risque sont reconnus : l’âge > 30 ans, un antécédent de diabète gestationnel, un antécédent familial de diabète, un IMC élevé, un susceptibilité génétique (diabètes de type 1 ou 2 ou diabètes monogéniques). Les diabètes MODY représentent la forme la plus fréquente de diabètes monogéniques et sont caractérisés par des antécédents de diabète chez au moins un membre de la famille et la persistance de la sécrétion insulinique. De nombreux types de diabète MODY ont été identifiés, la forme la plus fréquente est le MODY3 (52 %) lié au gène HNF1A, suivie par le MODY2 qui implique le gène GCK de la glucokinase. Il est important d’identifier ces diabètes MODY car deux d’entre eux, le MODY1 et le MODY3 sont sensibles aux sulfonylurées et que le MODY2, responsable d’une légère augmentation de la glycémie sans complications, ne nécessite pas de traitement spécifique hormis pendant la grossesse. La prévalence des diabètes MODY parmi les diabètes gestationnels a été évaluée entre 0,5 et 1 % dans le cadre d’études sur de petits effectifs. T. Hansen et coll. ont cherché à évaluer la prévalence des mutations MODY au sein d’une cohorte non sélectionnée de femmes danoises traitées ayant un antécédent de diabète gestationnel, par des mesures hygiénodiététiques, ainsi que l’impact à long terme de ces mutations sur la tolérance au glucose. Au total, 380 femmes ont été incluses dans l’étude et suivies pendant 10 ans. Les variants des 5 gènes principalement impliqués dans les diabètes MODY ont été sélectionnés et recherchés chez ces femmes. Il a ainsi été retrouvé 8 femmes ayant 7 variants différents pour le gène GCK, 7 femmes ayant 5 variants différents pour HNF1A, 6 femmes avec 5 variants différents pour HNF4A et 1 femme avec 1 variant sur le gène de l’insuline (INS). La prévalence des diabètes MODY dans cette population de 354 femmes ayant présenté un diabète gestationnel est donc de 5,7 %. Il est même possible que la prévalence des MODY parmi les femmes ayant un diabète gestationnel soit plus élevée dans la mesure où seules les femmes traitées par mesures hygiéno-diététiques ont été sélectionnées dans l’étude. Les traitements sont très variables : régime, insuline ou antidiabétiques oraux ; certaines ont une tolérance normale au glucose. Il faut remarquer que même les femmes ayant un IMC élevé peuvent avoir un diabète monogénique et que l’IMC ne présente pas de différence en fonction des mutations. De nombreuses femmes ne rapportaient pas d’antécédent familial de diabète. Ces femmes ne présentaient pas de troubles lipidiques. Parmi les femmes ayant eu un diabète gestationnel, 36 % ont développé un diabète dans le suivi ; parmi les femmes ayant un diabète MODY, 68 % ont développé un diabète, soit une proportion significativement plus importante (p = 0,005) (tableau). Considérant que 11 % des femmes ayant un diabète gestationnel ont été ultérieurement diagnostiquées MODY 10 ans plus tard, T. Hansen plaide pour la recherche des variants génétiques les plus fréquents (GCK, HNF1A et HNF14) chez les femmes développant un diabète gestationnel, ce qui permettrait de mieux cibler la prise en charge, voire de proposer un conseil génétique. Complications microvasculaires chez les femmes diabétiques enceintes Néphropathie : mauvais pronostic maternel et fœtal D’après la communication de K. Teramo (Helsinki) K. Teramo a présenté une étude rétrospective incluant 108 femmes diabétiques de type 1 prises en charge à l’hôpital universitaire d’Helsinki entre 1998 et 2011 pour une grossesse avec néphropathie, définie par une excrétion protéique urinaire ≥ 0,3 g/24 h ou une protéinurie ≥ 1+ à chaque trimestre de la grossesse à la bandelette (classe White F). Les complications de la grossesse ont été comparées à celles de femmes répondant aux classes White D (début du diabète avant l’âge de 10 ans, > 20 ans de durée du diabète, rétinopathie bénigne ou hypertension artérielle) et White R (rétinopathie proliférante ou hémorragie du vitré). Les femmes ayant présenté une néphropathie ne diffèrent ni par l’âge à l’accouchement ou au diagnostic du diabète, ni par l’IMC. La durée du diabète est cependant légèrement plus longue et le pourcentage de fumeuses est plus élevé. Le contrôle glycémique était nettement plus médiocre chez ces femmes avant la grossesse, bien qu’il se soit amélioré pendant la gestation. Ces femmes ont présenté un surcroît de complications cardiovasculaires ; outre une augmentation significative de la pression artérielle au 3e trimestre, près de la moitié d’entre elles ont fait une prééclampsie et étaient des hypertendues chroniques. Seulement 4/108 femmes avec néphropathie ont pu accoucher par voie vaginale (3/121 ayant une rétinopathie). Une césarienne en urgence a dû être pratiquée dans 36 % des cas, le pourcentage étant équivalent dans les deux autres groupes. La mortalité périnatale ne diffère pas entre les groupes, mais le nombre d’accouchements à < 37 SA est significativement supérieur en raison du nombre élevé de prééclampsies. Près de 20 % des enfants étaient grands pour l’âge gestationnel. Si les complications rénales grèvent notablement le pronostic de la grossesse, cette étude apporte une lueur d’espoir en montrant que la prévalence de la néphropathie diabétique a diminué de moitié entre les deux décennies considérées. Toutefois, le contrôle glycémique avant le début de la grossesse et au 1er trimestre reste médiocre, bien que ces patientes puissent atteindre un équilibre satisfaisant. Il est à remarquer que 1 foetus sur 5 était extrêmement grand pour l’âge gestationnel (> 97,7e percentile) et 30 % d’entre eux grands pour l’âge (> 90e percentile). La mortalité périnatale est 4 à 6 fois plus élevée que dans la population de femmes non diabétiques. Prise en charge des complications rétiniennes pendant la grossesse D’après la communication de F. Ziemssen (Tübingen, Allemagne) Le bouleversement métabolique qui entoure la gestation s’accompagne souvent d’une aggravation des complications de microangiopathie diabétique et ce, quel que soit le contrôle glycémique. Les examens ophtalmologiques et les traitements disponibles ne sont pas tous possibles durant la grossesse. Parmi les examens ophtalmologiques couramment utilisés, l’angiographie à la fluorescéine ne peut être employée pendant la grossesse. L’OCT la remplace aisément, mais elle permet surtout de visualiser la zone centrale de la rétine. Trois modalités thérapeutiques sont disponibles en dehors de la grossesse : le laser, les anti-VEGF en injection intravitréenne et les corticoïdes en implants. Bien qu’il soit dénué d’effets systémiques, l’amélioration que procure le laser est limitée par les cicatrices et l’amputation du champ visuel. Les anti-VEGF ne sont pas autorisés chez la femme enceinte, en raison des risques pour le fœtus ; ils sont également contre-indiqués durant l’allaitement. Restent les implants de dexaméthasone, dont la durée d’action est de 2 à 4 mois. Ce traitement a été utilisé avec succès dans l’oedème maculaire chez les femmes diabétiques enceintes, sans effet systémique. Cependant, il favorise la formation d’une cataracte, avec pour corollaire une perte d’accommodation chez la femme jeune, et augmente la pression intraoculaire. La meilleure stratégie consiste à retarder les traitements tout le temps de la grossesse. Il est inutile de rechercher des lésions de rétinopathie diabétique en cas de diabète gestationnel, cette affection étant liée à la durée d’évolution du diabète. En pratique, deux situations peuvent être distinguées : - en cas de grossesse programmée, il vaut mieux traiter avant la grossesse et surveiller les yeux à deux ou trois reprises jusqu’à l’accouchement ; les anti-VEGF ne doivent pas être utilisés avant la conception ; - chez une femme diabétique enceinte dont le diabète est mal équilibré, il convient d’abord d’améliorer le contrôle glycémique et tensionnel ; une détérioration de la rétinopathie peut survenir après la grossesse.

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