Insuline
Publié le 30 sep 2014Lecture 8 min
La pompe à insuline pour optimiser l’insulinothérapie du diabète de type 2 : une nouvelle stratégie ?
Y. REZNIK, Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, CHU Côte de Nacre, Caen
La pompe à insuline est un traitement de référence dans l’arsenal thérapeutique à disposition pour la prise en charge du diabète de type 1. Une métaanalyse de 2008 a montré que son utilisation réduit 4 fois la fréquence des hypoglycémies et améliore l’hémoglobine glyquée comparativement aux multiples injections sous-cutanées(1). La pompe à insuline est un recours logique lorsque persiste chez un diabétique de type 1 un équilibre glycémique instable avec une grande variabilité glycémique ou lorsque l’hémoglobine glyquée reste élevée malgré 4 ou 5 injections quotidiennes d’analogue de l’insuline, lent et rapide. Les connaissances concernant l’usage de la pompe à insuline dans la prise en charge du diabète de type 2 sont moins précises à ce jour.
Stratégie actuelle du traitement insulinique du diabète de type 2
La pompe reste très peu utilisée dans le traitement du diabète de type 2 de par le monde. Par exemple aux États-Unis, où la pompe a pourtant une forte pénétration avec 30 % des parts de marché dans le diabète de type 1, moins de 1 % des diabétiques de type 2 utilisent une pompe ! Les stratégies européennes et américaines pour le traitement du diabète de type 2 se sont accordées pour placer l’insulino thérapie comme recours indispensable lorsque l’association de plusieurs médicaments antidiabétiques oraux ne suffit plus pour maintenir l’hémoglobine glyquée en dessous de 7-8 %(2).
La première étape de l’insulinothérapie est l’introduction d’un analogue lent de l’insuline ou insuline « basale », qui est souvent associée à un ou plusieurs antidiabétiques oraux. Lui succède, en cas d’échec de cette stratégie, une étape d’intensification qui consiste à ajouter 1 à 3 injections journalières d’un analogue rapide, ou comme alternative à remplacer la basale par plusieurs injections d’un mélange « prémix » d’analogue rapide et d’insuline intermédiaire isophane NPH. Cette stratégie n’intègre pas l’utilisation de la pompe à insuline.
La pompe a été admise dans la stratégie de prise en charge du diabète de type 2 dans certains pays comme la France, les Pays- Bas ou la Suède où les pouvoirs publics ont étendu le remboursement du dispositif au diabète de type 2. Certains diabétologues français ont l’expérience de son efficacité dans des situations d’équilibre glycémique précaire avec insulinorésistance extrême. Cependant, moins de 3 % des patients français traités et mal contrôlés par une insulinothérapie de type « basale/bolus » sont utilisateurs d’une pompe à insuline.
Rationnel de l’utilisation de la pompe
Avant OPT2MISE
Dès les années 80, des « case reports » ou de courtes séries de patients souffrant de dysglycémie avec insulinorésistance extrême ont souligné l’efficacité de la pompe, capable de réduire de manière spectaculaire l’hyperglycémie à court terme et l’hémoglobine glyquée à moyen et long termes(3-5). Cette situation concernait souvent des patients avec une obésité morbide à prédominance abdominale, une hypertension artérielle, un excès de triglycérides et un déficit en cholestérol-HDL. Dans ces formes de diabète de type 2 avec syndrome métabolique présentant un équilibre glycémique très dégradé malgré une insulinothérapie par multi-injections, traduisant un épuisement marqué de la fonction cellulaire b, l’administration continue d’insuline, d’abord par voie intraveineuse puis par voie sous-cutanée à la pompe, a permis une baisse marquée de l’hémoglobine glyquée et des besoins en insuline, ce qui témoigne d’une meilleure biodisponibilité de l’insuline sous pompe mais également d’une amélioration de la sensibilité à l’insuline mesurée par un clamp euglycémique hyperinsulinémique(5).
Cependant, le rationnel scientifique de l’utilisation de la pompe reposait jusqu’à 2014 sur un petit nombre d’études aux résultats discordants. D’un côté, deux études nord-américaines randomisées en groupes parallèles réalisées chez des diabétiques de type 2 en surpoids ou obèses, traités par des doses d’insuline modérées (environ 0,7 U/kg/j) et dont l’équilibre glycémique était moyennement altéré (HbA1c autour de 8 %) n’ont pas montré d’avantage métabolique de la pompe par rapport aux multi-injections(6,7). D’un autre côté, deux essais réalisés en France et en Israël chez des diabétiques de type 2 plus sévèrement atteints, avec une HbA1c autour de 9-10 % malgré de fortes doses d’insuline (environ 1 U/kg/j) par multi-injections, ont montré une baisse significative de l’HbA1c sous pompe (de -0,8 à -1,2 %) comparativement aux multi-injections, cela avec le maintien de doses d’insuline stables(8,9).
Nous avons rapporté sur la cohorte de Caen notre expérience portant sur plus de 100 patients ayant bénéficié de la pompe à insuline sur une période d’une dizaine d’années. Ces patients étaient obèses (97 kg en moyenne), avaient une HbA1c élevée (> 9 % en moyenne), des doses d’insuline journalières élevées (100 U/j) et une insulinothérapie par multi-injections (en majorité 3 à 4 fois par jour). Ces patients ont observé après le passage sous pompe une nette amélioration de leur équilibre glycémique avec une baisse moyenne de -1,5 % de l’HbA1c la première année, baisse qui s’est maintenue les années suivantes du traitement par pompe(10). Cette étude présente les limites d’une étude rétrospective, mais a été corroborée par d’autres études observationnelles françaises communiquées récemment(11,12).
Après OPT2MISE
L’essai multicentrique international OPT2MISE, qui vient d’être publié dans le Lancet (début juillet 2014), a été conçu pour apporter une réponse aux questions non résolues :
- la pompe est elle supérieure aux multi-injections ?
- dans quelles indications ?
- chez quel type de patient ?
L’étude avait inclus dans une phase d’optimisation de 8 semaines 495 patients traités par un schéma basal/bolus utilisant exclusivement des analogues rapides et lents de l’insuline à une dose déjà supérieure à 0,5 U/kg/j. Trois cent trente et un patients sélectionnés dans 36 centres de diabétologie en Europe, au Canada, en Israël, en Afrique du Sud et aux États-Unis ont été randomisés(13). Ces patients avaient à l’inclusion une HbA1c entre 8 et 12 % malgré des doses d’insuline ≥ 0,7 U/kg/j. Ainsi, 168 patients sous pompe et 163 patients sous multi-injections ont participé à la première phase de l’étude, avec à l’inclusion une HbA1c à 9 % malgré l’utilisation dans les deux bras d’une dose moyenne d’insuline de 1,1 U/kg/j.
Après 6 mois, l’HbA1c a baissé de -1,1 % sous pompe contre seulement -0,4 % sous multi-injections, soit un « avantage absolu » de -0,7 % en faveur de la pompe.
Au final, 55 % des patients ont atteint l’objectif d’une HbA1c < 8 % sous pompe contre 28 % sous multi-injections.
Un enregistrement CGM en début et en fin d’étude a montré sous pompe une réduction de 168 min/24 h du temps passé en hyperglycémie par comparaison aux multi-injections, sans différence du temps passé en hypoglycémie entre les 2 bras.
Aucune hypoglycémie sévère n’est survenue dans le bras pompe, ni prise pondérale significativement différente de celle observée sous multi-injections.
La dose totale journalière d’insuline a été réduite de 20 % dans le bras pompe en comparaison du bras multi-injections.
Au final, il a été établi que l’avantage de la pompe est particulièrement marqué lorsque l’HbA1c initiale est > 8,5 % (différentiel de -0,5 à -1,1 % pompe vs multi-injections), alors qu’il s’avère modeste et non significatif lorsque l’HbA1c initiale est < 8,5 % (différentiel de -0,3 %).
OPT2MISE a ainsi démontré qu’une utilisation ciblée de la pompe permet d’améliorer le contrôle glycémique du diabète de type 2 chez les patients obèses insulinorésistants en échec d’un schéma basal/bolus intensifié(13,14). Ces données incontestables doivent maintenant faire reconsidérer la pompe à insuline comme un recours utile dans l’arsenal thérapeutique du diabète de type 2.
En pratique
Au registre des inconvénients de la pompe à insuline, on doit retenir le risque d’une prise de poids supplémentaire, qui reste le plus souvent modérée (prise de 2-4 kg la 1re année, stabilité les années suivantes)(10). La qualité de vie des patients est conservée, voire améliorée après la mise sous pompe(6,8). Les hypoglycémies restent des événements rares chez les diabétiques de type 2 sous pompe qui sont « protégés » par l’insulinorésistance et par une infusion plus physiologique de l’insuline par comparaison avec les injections(14). L’intolérance au dispositif d’infusion de l’insuline reste une complication marginale, qu’il s’agisse d’allergie cutanée ou d’infection de la paroi abdominale au contact du cathéter d’infusion.
En pratique, lorsqu’en France on décide le passage d’un patient sous pompe, on l’hospitalise 5 jours, on supprime la plupart des antidiabétiques oraux, excepté la metformine pour limiter les besoins en insuline et la prise de poids. Le patient reçoit une éducation à la manipulation de la pompe, afin d’être en capacité de gérer l’administration d’un bolus repas, le changement du débit d’insuline basale, l’arrêt de la pompe, le changement du cathéter tous les 3 jours, etc.
Le patient reçoit les instructions et conseils de l’équipe médicale et paramédicale de diabétologie. Une éducation concernant les fonctions avancées de la pompe ne paraît pas justifiée dans la plupart des cas. L’utilisation d’un ou au maximum de 2 débits d’infusion basale est en général suffisante(15), les bolus repas étant quant à eux calibrés de façon standardisée sans nécessité d’un calcul précis en fonction de la quantité d’hydrates de carbone.
Quels sont les patients diabétiques de type 2 qui peuvent bénéficier d’une pompe à insuline ? Cette question reste ouverte en l’absence de recommandations précises. La Société francophone de diabétologie (SFD) identifie un profil de patients dont l’équilibre glycémique reste insuffisant malgré une insulinothérapie par au moins 2 injections par jour, mais cette définition reste peu précise(16). Les patients les plus à même de profiter de la pompe seront les sujets en surpoids, qui ont reçu des conseils orientés sur la pratique d’une activité physique et le respect d’un équilibre alimentaire restreignant l’excès calorique, les sucres rapides et les graisses, et dont l’hémoglobine glyquée se maintiendra à un niveau supérieur à 8 % malgré de fortes doses d’insuline (> 60- 80 U/jour ou > 0,7 U/kg/j). La grossesse peut aussi justifier la mise sous pompe d’une femme diabétique de type 2 préalablement à sa grossesse.
Conclusion
L’essai international OPT2MISE a permis une avancée significative dans l’établissement du cadre de l’utilisation et des indications de la pompe à insuline comme alternative à un schéma multi-injections lorsqu’il est mis en échec(13).
L’analyse des données d’OPT2MISE à 1 an et les études observationnelles déjà en cours devraient apporter des réponses sur la durabilité de l’efficacité de la pompe qui semble d’ores et déjà satisfaisante(10).
Elles devraient aussi permettre de mieux préciser le profil des bons répondeurs à cette thérapeutique en plein essor. En 2014, la pompe à insuline entre définitivement dans l’arsenal des traitements du diabète de type 2 qui ont scientifiquement prouvé leur efficacité.
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