Ophtalmologie
Publié le 31 mai 2014Lecture 6 min
Prise en charge de la maculopathie diabétique œdémateuse
K. ANGIOÏ, Service d’ophtalmologie, CHU de Nancy, Vandœuvre-lès-Nancy
L’œdème maculaire diabétique (OMD) est la principale cause de malvoyance du patient diabétique. La prévalence exacte est difficile à connaître mais cette atteinte concerne environ 10 % de la population diabétique et 30 % des diabétiques après 20 ans d’évolution(1). Sa prévalence est liée à la durée du diabète, à la gravité de la rétinopathie diabétique, à l’hyperglycémie chronique et à l’hypertension artérielle. Sa survenue est favorisée par certains traitements ophtalmologiques comme la chirurgie de cataracte et la réalisation d’une panphotocoagulation rétinienne. Dans les classifications, l’atteinte maculaire est classée à part : maculopathie diabétique œdémateuse, œdème maculaire focal, diffus ou mixte, et maculopathie ischémique(2).
La prise en charge de l’OMD a été révolutionnée par l’apparition des injections intravitréennes d’anti-VEGF.
Formes cliniques de l’OMD
Plusieurs classifications peuvent être utilisées pour caractériser l’OMD(2,3). Avec l’apparition et le développement des tomographies en cohérence optique (OCT) qui deviennent de plus en plus précises, de nouvelles classifications seront probablement proposées et utilisées dans les années à venir.
Dans la pratique clinique courante, on distingue 3 principales formes d’OMD :
- l’œdème maculaire focal est un épaississement localisé de la rétine de la région maculaire lié à une dilatation et une hyperperméabilité des capillaires rétiniens. Ces anomalies microvasculaires sont souvent accompagnées d’une couronne d’exsudats intrarétiniens ou formation circinée ;
- l’œdème maculaire diffus correspond à un épaississement diffus de la région maculaire lié à un dysfonctionnement global des capillaires maculaires. On distingue des formes non cystoïdes et cystoïdes ; ces dernières correspondent à la formation de logettes intrarétiniennes ;
- l’œdème maculaire mixte correspond à un épaississement diffus et à la présence d’une ou plusieurs formations circinées.
L’OCT a considérablement amélioré la prise en charge de cette pathologie et est devenu l’examen de référence pour le diagnostic et le suivi de cette pathologie. Néanmoins, l’angiographie à la fluorescéine reste capitale dans le bilan d’un OMD pour éliminer une composante ischémique de la maculopathie qui permet dans certains cas d’expliquer une acuité visuelle qui ne s’améliore pas malgré les traitements.
Prise en charge systémique et traitement des facteurs de risque
En dépit des nouveaux traitements disponibles que nous détaillerons ci-dessous, la prise en charge commence toujours par le traitement des facteurs de risque. Plusieurs études ont démontré l’influence de la glycémie et de la pression artérielle sur le développement et la progression de la rétinopathie diabétique. Un contrôle au long cours le plus strict possible de ces deux paramètres a un intérêt majeur dans la prévention primaire et secondaire de la rétinopathie diabétique, quelles que soient sa forme et sa gravité(4-6).
Traitement ophtalmologique
Le laser argon reste la méthode de référence bien que ses résultats ne soient pas totalement satisfaisants, en particulier en termes d’acuité visuelle dans les formes diffuses. Le laser est plus efficace sur l’œdème maculaire focal que sur l’œdème maculaire diffus(7).
OMD focal
La photocoagulation focale extramaculaire est indiquée lorsqu’il existe une couronne d’exsudats pénétrant dans la région maculaire quelle que soit l’acuité visuelle. Le but du traitement est de photocoaguler les anomalies microvasculaires responsables de l’exsudation. Les résultats sont bons avec une régression des exsudats en plusieurs mois.
OMD diffus
Photocoagulation
Après la prise en charge des facteurs de risque, la photocoagulation en quinconce ou grid maculaire reste le traitement de référence de l’œdème maculaire diffus dans les publications, mais elle n’est pratiquement plus utilisée dans la pratique courante. La technique consistait en la réalisation d’impacts sur toute la surface de l’œdème maculaire en épargnant les 1 500 microns centraux. Ce traitement était réservé aux yeux porteurs d’un œdème diffus ou cystoïde évoluant depuis plusieurs mois sans tendance à l’amélioration spontanée, avec une acuité visuelle aux alentours de 5/10e Parinaud(4). Il permettait une stabilisation de l’acuité visuelle ou un ralentissement de la baisse d’acuité visuelle, mais rarement une amélioration.
Ces résultats décevants ont justifié la recherche d’alternatives thérapeutiques.
Anti-VEGF
L’utilisation des anti-VEGF dans le cadre de l’OMD a été évaluée dans de nombreuses études (RESTORE, RESOLVE, DCRnet) et ce traitement a pris une place de choix en première intention dans les formes d’OM diffus avec baisse d’acuité visuelle(8-10). Le ranibizumab a obtenu l’AMM en France, en 2011.
En pratique, un traitement par des injections d’anti-VEGF est proposé aux patients chez lesquels l’acuité visuelle est ≤ 5/10 et chez lesquels a été réalisée une équilibration de la glycémie et de la tension artérielle. Ce traitement comporte de nombreuses injections dans les 2 premières années et il est capital d’expliquer au patient la nécessité d’un suivi mensuel pendant de longs mois ; il ne paraît pas indiqué de débuter un tel traitement sans avoir envisagé ce point capital. Le but du traitement est d’obtenir une amélioration et une stabilisation de l’acuité visuelle lors de 3 contrôles successifs.
• Le traitement débute par une phase de 3 injections réalisées à un mois d’intervalle. Un contrôle clinique est réalisé un mois après la 3e injection pour mesurer l’acuité visuelle et l’épaisseur maculaire par OCT :
- s’il n’y a aucune amélioration de l’acuité visuelle, le traitement est interrompu, même s’il y a une amélioration anatomique avec une réduction de l’épaisseur maculaire à l’OCT ;
- tant que l’acuité visuelle s’améliore, le traitement par injections est maintenu avec un contrôle mensuel ;
- dès que la stabilité est obtenue et maintenue en plateau pendant 3 contrôles successifs les injections sont suspendues.
• Le suivi clinique est maintenu mensuellement dans la mesure du possible ; si une récidive de l’OMD survient avec baisse d’acuité visuelle et augmentation de l’épaisseur maculaire, le traitement est repris.
Place des corticoïdes dans le traitement de l’OMD
Du fait de la non-réponse thérapeutique chez un certain nombre de patients et de la difficulté de mise en place pratique du traitement en raison du nombre d’injections à réaliser, d’autres solutions thérapeutiques sont à l’étude actuellement, en particulier les corticoïdes par voie locale.
Les injections intravitréennes de triamcinolone ont été utilisées hors AMM dans l’OMD depuis de nombreuses années et leur efficacité a été prouvée par plusieurs études(11-14). Les études ont montré des résultats positifs des injections de triamcinolone à court terme avec une diminution de l’œdème maculaire obtenue en une à quelques semaines avec souvent parallèlement une amélioration de l’acuité visuelle(15-17). Cependant, les effets sont transitoires avec réapparition de l’œdème dans les 3 à 4 mois qui suivent l’injection. Les effets secondaires sont fréquents : augmentation de la pression intraoculaire de plus de 10 mmHg dans 33 % des cas et chirurgie de la cataracte dans 51 % des cas à 2 ans(18).
L’utilisation d’implants intravitréens de corticoïdes à libération prolongée devrait permettre de réduire le nombre d’injections. Plusieurs molécules sont actuellement disponibles en France, l’acétonide de fluocinolone et la dexaméthasone. L’acétonide de fluocinolone, qui a obtenu l’AMM en juin 2013, est un implant non dégradable de très petite taille, inséré par voie intravitréenne, qui libère une dose quotidienne pour une durée de 18 mois à 3 ans(19). Les effets secondaires ophtalmologiques des corticoïdes, très fréquents (hypertonie 38 % et cataracte 80 %), font réserver ce traitement aux échecs des autres traitements de référence (laser, ranibizumab). L’implant de dexaméthasone a obtenu l’AMM depuis plusieurs années pour l’œdème maculaire des occlusions veineuses rétiniennes. L’implant est injecté en intravitréen et libère le médicament pendant plusieurs semaines. Des études sont en cours pour son utilisation dans l’OMD(20,21).
Chirurgie
La vitrectomie est efficace dans les formes à composante tractionnelle, qui représentent environ 5 % des cas d’OMD(22).
Conclusion
Le laser reste la méthode de référence pour les formes focales. Les injections intravitréennes d’anti-VEGF sont désormais le traitement de première intention de l’OMD diffus responsable d’une baisse d’acuité visuelle.
La place des corticoïdes reste encore à définir. Les injections intravitréennes de triamcinolone, largement utilisées il y a quelques années, sont désormais remplacées par des dispositifs intravitréens à libération prolongée. De nouvelles molécules sont en développement.
Même si l’arsenal thérapeutique à notre disposition pour le traitement de l’OMD a considérablement augmenté ces dernières années, le traitement de l’OMD doit toujours comporter la prise en charge des facteurs de risque que sont la glycémie et la tension artérielle.
Figure 1. Rétinophotographie : œdème maculaire focal OG.
Figure 2. Rétinophotographie : œdème maculaire focal OG.
Figure 3. Rétinophotographie : œdème maculaire mixte OG.
Figure 4. OCT œdème maculaire mixte OG.
Figure 5. Rétinophotographie : œdème maculaire mixte OD.
Figure 6. OCT œdème maculaire mixte OD.
Figure 7. Rétinophotographie : œdème maculaire tractionnel OD.
Figure 8. OCT œdème tractionnel.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :