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Biologie-Explorations

Publié le 23 mar 2014Lecture 11 min

Nouvelle expression des résultats de l’HbA1c : simple caprice ou vraie nécessité ?

L. MONNIER, C. COLETTE, Institut universitaire de recherche clinique, Montpellier

Depuis la mise au point de son dosage en 1978(1), l’HbA1c est considérée comme le « gold standard » de la surveillance des états diabétiques(2-4). Ce dosage paraît aujourd’hui d’une telle banalité que l’on finit par oublier toutes les étapes qui ont mené à l’obtention d’un dosage fiable. Le succès de l’HbA1c en tant que marqueur de l’équilibre glycémique est lié à 2 éléments : il intègre l’exposition totale au glucose sur une période de 3 mois(2,5-7) et son dosage trimestriel est indépendant de l’heure du prélèvement, puisque le taux de l’HbA1c n’est pas influencé par la proximité d’une prise alimentaire. 

Les résultats de l’étude ADAG (A1c-Derived Average Glucose Study), publiés en 2008(8), ont montré qu’il existe une relation linéaire entre la moyenne glycémique et l’HbA1c ; ils ont confirmé que la mesure de cette dernière est un excellent marqueur de l’hyperglycémie chronique. Les résultats de cette relation sont d’ailleurs gravés depuis 4 ans dans le marbre des standards de l’American Diabetes Association (ADA)(4). Cette relation peut être schématisée de la manière suivante : une moyenne glycémique de 126 mg/dl correspond à un taux d’HbA1c à 6 % et tout incrément de la moyenne de 29 mg/dl s’accompagne d’une augmentation de l’HbA1c de 1 %. En juin 2009, le dogme de l’HbA1c, considérée jusque-là comme un simple marqueur du contrôle glycémique chez un diabétique connu et traité, a été rompu par David Nathan et un groupe d’experts internationaux(9). Ces auteurs ont proposé d’introduire l’HbA1c parmi les critères de diagnostic du diabète sucré. L’argument de ces experts était que le coefficient de variabilité biologique de l’HbA1c (somme des coefficients de variabilité intra- et interindividuels) est faible, de l’ordre de 2 %, quand il est comparé à celui de la glycémie à jeun : 6,9 % pour une glycémie moyenne à 126 mg/dl2 . Après quelques mois de débat, l’HbA1c a été définitivement reconnue comme critère de diagnostic à côté de la glycémie à jeun et de la glycémie à la 2e heure d’une épreuve d’hyperglycémie provoquée orale (HGPO)(10). Ainsi, tout individu qui a une HbA1c ≥ 6,5 % est considéré comme diabétique, la normalité étant < 5,7 %. Pour une HbA1c comprise entre 5,7 et 6,4 %, le sujet est dit « à haut risque de diabète ». Ainsi, plus de 30 ans après la mise au point de son dosage(1), l’HbA1c a gardé son statut unanimement reconnu de marqueur d’équilibre glycémique, mais elle est de surcroît devenue un critère de diagnostic du diabète sucré. Bien que ces notions soient en apparence bien établies et que les valeurs seuils soient maintenant bien définies, de nombreux médecins qui lisent les résultats de l’HbA1c restent peu informés sur les subtilités de sa signification et de sa nature. Un rappel paraît d’autant plus nécessaire que les résultats donnés sous la forme de pourcentage, à laquelle tout le monde s’était habitué, vont progressivement évoluer vers un autre mode d’expression en mmole/mole. Comment définir l’HbA1c et la situer dans la catégorie plus large des hémoglobines dites « glyquées » ? « Hémoglobine A1c, hémoglobines glyquées, hémoglobines glycosylées », autant de termes que de nombreux médecins utilisent indifféremment en étant persuadés qu’ils ont la même signification. En fait, ces structures chimiques ne devraient pas être prises l’une pour l’autre, car la terminologie est précise. « Hémoglobine glycosylée » : une appellation à éviter Éliminons d’emblée le terme « hémoglobine glycosylée », qui est un véritable non-sens, même s’il a été malencontreusement utilisé dans les années 1980, au moment où ce composant dit « mineur » de l’hémoglobine a été isolé et dosé(5,11,12). D’un point de vue étymologique, la « glycosylation » est une réaction chimique qui peut être de nature enzymatique ou non enzymatique, tandis que la « glycation » correspond toujours à la fixation non enzymatique d’un sucre sur des acides aminés faisant partie d’une chaîne protéique. Cette réaction post-translationnelle démarre avec la naissance du globule rouge, à l’instant où il se trouve pour la première fois de son existence au contact du glucose plasmatique. Elle se poursuit ultérieurement pendant les 120 jours de la durée de vie du globule rouge, la fixation non enzymatique (glycation) étant proportionnelle à la concentration du glucose. La modification qui s’ensuit est donc bien la conséquence stricto sensu d’un phénomène non enzymatique de glycation. Dès lors, il est facile de comprendre pourquoi l’appellation scientifique donnée aux hémoglobines qui ont fixé du glucose est bien celle d’« hémoglobines glyquées » et non pas d’« hémoglobines glycosylées ». « Hémoglobines glyquées » : éviter le singulier, utiliser le pluriel Pour poursuivre le raisonnement, certains pourraient se demander pourquoi on utilise le terme d’« hémoglobines glyquées » à la place du singulier « hémoglobine glyquée ». Pour certains, cela pourrait apparaître comme un artifice de grammaire. Il n’en est pourtant rien, car les « hémoglobines glyquées » sont réellement et chimiquement plurielles. Pour le démontrer, il suffit de rappeler brièvement les différentes étapes de leur formation. Chez les adultes normaux, l’HbA ou hémoglobine native est constituée par 4 noyaux héminiques sur lesquels sont branchées 4 chaînes protéiques : 2 chaînes alpha et 2 chaînes bêta, ce qui justifie la désignation simplifiée et raccourcie d’HbA (a2, β2) (figure 1). Dans le globule rouge natif, elle représente 97 % de l’hémoglobine totale, mais son pourcentage diminue progressivement avec le vieillissement de l’érythrocyte. En effet, sous l’influence des réactions post-translationnelles, l’HbA fixe plusieurs composés chimiques simples, parmi lesquels nous citerons le glucose, le fructose- 1,6-diphosphate, le glucose-6-phosphate et l’acide pyruvique. Parmi ces constituants chimiques, c’est la fixation du glucose qui est la plus abondante.   Figure 1. Structure chimique simplifiée de l’hémoglobine A (HbAa2 2) avec ses quatre noyaux héminiques et ses 4 chaînes protidiques : 2 chaînes et 2 chaînes. L’acide aminé N terminal des chaînes (valine) est le site de la majorité des phénomènes de glycation pour donner les HbA1. L’HbA1c est le représentant majoritaire de cette catégorie d’HbA1. Elle est caractérisée par la fixation d’une unité glucose sur la valine. La « vraie » HbA1c : une sousfraction des « hémoglobines glyquées » Le glucose circulant peut se fixer à l’HbA au niveau de différents acides aminés, mais sa liaison covalente avec la valine située à l’extrémité aminée de la chaîne β de l’HbA représente la fixation la plus importante (figure 1). Le composé qui en résulte est la « vraie » HbA1c, mais il est lui-même une fraction de l’ensemble des « hémoglobines glyquées », car la glycation concerne, en dehors de la valine, d’autres acides aminés, en particulier la lysine, qui est présente de manière dispersée le long des chaînes protidiques a et b de l’HbA. Au sein des « hémoglobines glyquées » considérées de manière globale, il existe un sous-groupe prépondérant. C’est celui des HbA1, parmi lesquelles plusieurs formes chimiques peuvent être individualisées : l’HbA1a1, l’HbA1a2, l’HbA1b et l’HbA1c (figures 1 et 2). Ces formes chimiques correspondent à des hémoglobines pour lesquelles la valine N-terminale de la chaîne β s’est liée respectivement à du fructose-1,6-diphosphate (HbA1a1), à du glucose-6-phosphate (HbA1a2), à de l’acide pyruvique (HbA1b) ou à du glucose (HbA1c). La séparation de ces différentes espèces chimiques peut être réalisée par des méthodes chromatographiques : chromatographie de haute performance (HPLC) de préférence et chromatographie par échange cationique plus accessoirement (figure 2). Ce sont les techniques chromatographiques (HPLC) qui sont utilisées pour doser l’HbA1c dans les études DCCT (Diabetes Control and Complication Trials) et UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study)(13). Ces méthodes ont été ultérieurement validées par le NGSP (National Glycohemoglobin Standardization Program)(7,14) et elles ont servi de référence pour la standardisation du dosage entre laboratoires et pour sa certification basée sur l’attribution du label « dosage de l’HbA1c aligné sur le DCCT ». Avec ces méthodes et ce label, les résultats sont exprimés en pourcentage par rapport à l’Hb totale. Ultérieurement, il a été démontré que le pic chromatographique correspondant à l’HbA1c était en fait un composite contenant en plus de l’HbA1c d’autres constituants mineurs : Hb glyquées sur d’autres sites que la valine, Hb carbamylées….   Figure 2. Description des différentes catégories d’hémoglobines qui peuvent être identifiées par les différentes méthodes de dosage utilisées. La séparation chromatographique (HPLC) en usage dans les laboratoires de routine utilise la méthode dite « alignée sur le DCCT » et validée par le NGSP. Les résultats sont fournis en pourcentage d’HbA1c par rapport à l’Hb totale. Elle est décrite dans la partie inférieure de la figure. La méthode qui associe digestion enzymatique, chromatographie et spectrométrie de masse est considérée comme la technique de référence (IFCC). Cette méthode donne accès au dosage de l’« HbA1c vraie », c’est-à-dire à l’hémoglobine qui est spécifiquement glyquée par fixation du glucose sur la valine située en position N-terminale de la chaîne ß. Les résultats, fournis en mmoles d’HbA1c par mole d’Hb totale, sont plus bas que dans la méthode chromatographique, qui n’est pas spécifique. Elle est décrite dans la partie supérieure de la figure.   Les méthodes utilisées pour identifier l’HbA1c « vraie » Le dosage de la « vraie » HbA1c, glyquée exclusivement par du glucose sur la valine en position N-terminale de la chaîne β, fait appel à des procédures chimiques beaucoup plus complexes que la simple chromatographie (figure 2). Sans entrer dans le détail, les étapes nécessaires à la détermination de l’HbA1c « vraie » sont les suivantes : • une digestion enzymatique de l’hémoglobine par une endopeptidase qui isole un hexapeptide constitué par les 6 derniers acides aminés de la chaîne β en partant de l’acide aminé N terminal ; • une séparation des hexapeptides glyqués et non glyqués par une HPLC en phase inverse ; • une quantification des hexapeptides ainsi séparés grâce à une spectrométrie de masse ou une électrophorèse capillaire(15). En utilisant cette méthode établie par l’IFCC (International Federation of Clinical Chemistry and Laboratory Medicine), on évalue le rapport des hexapeptides glyqués et non glyqués(14). Le résultat définitif est exprimé en mmole d’HbA1c/mole d’Hb totale. Cette méthode permet d’éliminer toutes les formes accessoires qui parasitent l’HbA1c « vraie » (figure 2). On obtient ainsi un résultat pour l’HbA1c qui est plus bas que celui fourni par la méthode chromatographique dite « alignée sur le DCCT ». Différences et corrélation entre la méthode NGSP (alignée sur le DCCT) et la méthode IFCC La différence entre ces deux méthodes est comprise entre 1,2 et 2 %, en fonction du taux de l’HbA1c. À titre d’exemple (tableau), une HbA1c à 7 % (méthode NSGSP) correspond à une valeur vraie (IFCC) de 5,3 % (différence = 1,7 %), tandis qu’une HbA1c à 8 % (méthode NGSP) correspond à 6,4 % (différence = 1,6 %). La vraie relation entre les deux mesures (NGSP exprimée en pourcentage et IFCC exprimée en mmole/mole) est donnée par l’équation linéaire suivante(7) : NGPS = 0,09148 (IFCC) + 2,152     Sur la figure 3, nous avons représenté la droite de corrélation qui a été établie à partir de la moyenne de 10 échantillons sanguins « poolés » et dosés dans plusieurs laboratoires de référence. Sur le tableau, nous avons indiqué les correspondances entre les données NGPS et IFCC dans une zone d’HbA1c comprise entre 4 et 12 % avec le dosage traditionnel en simple chromatographie. Il est à noter que la droite de corrélation entre les 2 mesures NGPS et IFCC (figure 3) est sensiblement différente de la bissectrice des axes de coordonnées. Cette observation explique que la différence entre les 2 types de mesure ne soit pas une constante. Pour établir la correspondance, il est donc indispensable de recourir soit à l’équation, soit à une table d’équivalence (tableau).   Figure 3. Relation entre les valeurs de l’HbA1c fournies par la méthode de référence et la méthode dite « alignée sur le DCCT » (validée par le NGSP) (d’après la référence 7). La nouvelle expression des résultats est-elle vraiment utile ? C’est effectivement la question qui se pose au terme de cet article. Aujourd’hui, les grandes revues internationales demandent d’exprimer les résultats de l’HbA1c à la fois dans le système NGPS (en pourcentage classique) et dans le système IFCC (en mmole/mole). Sur le plan scientifique, cela est parfaitement concevable, mais en est-il de même pour la pratique médicale de tous les jours ? Aujourd’hui et depuis de nombreuses années, nous sommes habitués au mode d’expression en pourcentage. Tous les médecins connaissent les seuils à partir desquels et en dessous desquels l’équilibre glycémique est considéré comme non satisfaisant ou correct : < 6,5 % pour l’IDF, 7 % pour l’ADA. De même pour le diagnostic : il est aujourd’hui admis qu’un sujet est considéré comme diabétique si son HbA1c est ≥ 6,5 %. Avec le nouveau mode d’expression, ces valeurs de 6,5 et 7 % deviennent respectivement égales à 48 et 53 mmole/mole (tableau). Dans ces conditions, il est souhaitable que l’utilisation du nouveau mode d’expression ne conduise pas à un abandon de l’ancien. Ainsi, notre souhait, qui est sûrement celui de la plupart des professionnels de santé, est que les laboratoires d’analyse biologique continuent pendant de nombreuses années à fournir les résultats avec l’ancien mode d’expression même s’ils adoptent le nouveau. Dans tous les cas, il est souhaitable qu’ils donnent la correspondance. Par ailleurs, il convient de remarquer qu’actuellement la valeur en mmole/mole n’est pas une valeur mesurée dans les laboratoires de routine, qui ne disposent pas de la technologie utilisée par l’IFCC. À ce jour, au niveau mondial, une petite dizaine seulement de laboratoires de référence est capable de mettre en œuvre cette technique qui, nous le rappelons, exige 3 étapes successives, parmi lesquelles la dernière n’est pas la moindre : une analyse par spectrométrie de masse pour identifier et quantifier les hexapeptides glyqués et non glyqués. Cela signifie que les laboratoires d’analyse biologique continueront à pratiquer le dosage de l’HbA1c par la méthode dite « alignée sur le DCCT », car elle ne nécessite qu’une simple analyse chromatographique. Dès lors, le résultat restera exprimé en pourcentage, car il continuera à correspondre à la valeur mesurée. Si le laboratoire donne le résultat en mmole/mole, il sera calculé à partir du pourcentage grâce à l’équation, à la droite de régression ou à la table d’équivalence. Dans ces conditions, à quoi bon perturber médecins et patients par un mode d’expression auquel ils ne sont pas habitués ? Pour en revenir au titre de cet article, la réponse à la question « Vraie nécessité ou simple caprice ? » reste totalement ouverte et dépend probablement de l’utilisation qui est faite du résultat : vraie nécessité pour le scientifique qui publie, simple caprice pour le clinicien qui suit des patients diabétiques.

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