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Hypoglycémie

Publié le 14 avr 2013Lecture 6 min

Conséquences des hypoglycémies sur les fonctions cognitives des diabétiques âgés

B. BAUDUCEAU, Professeur du Val-de-Grâce, Paris

Malades et médecins redoutent les hypoglycémies chez les diabétiques, tout particulièrement lorsqu’ils sont âgés. Cette crainte ne favorise pas la prise en charge optimale des diabétiques âgés dont la grande majorité présente un diabète de type 2 et explique pour partie le retard à l’initiation de l’insulinothérapie. La dépendance au glucose du cerveau et la fragilité, notamment des zones hippocampiques mais également des régions corticales, rendent compte des relations étroites qui existent entre hypoglycémies et fonctions cognitives tout particulièrement chez ces sujets âgés.  

Définition et présentation clinique des hypoglycémies  Les hypoglycémies se définissent par une glycémie < 0,60 g/l. L es hypoglycémies dites « sévères » nécessitent le recours à une tierce personne pour leur prise en charge. Si une symptomatologie évocatrice peut signaler la survenue de ce type d’accident, de nombreuses hypoglycémies ne sont pas ressenties, notamment la nuit. Enfin, elles peuvent se manifester par une symptomatologie atypique prenant le masque de troubles du comportement ou d’une agressivité conduisant chez les malades âgés à des prescriptions thérapeutiques inadaptées.  La fréquence des hypoglycémies varie selon le type de diabète, les objectifs glycémiques et le traitement utilisé. Au moins un épisode d’hypoglycémie sévère est rapporté l’année précédente chez 10 % des sujets âgés interrogés dans l’étude Entred. Les hypoglycémies induites par l’insuline sont plus fréquentes que celles liées à la prise des sulfonylurées. Cependant, ces dernières sont souvent plus graves, en raison de la prolongation de la demi-vie des sulfamides en cas d’insuffisance rénale, circonstance particulièrement fréquente chez ces malades. Les relations entre diabète et fonctions cognitives sont complexes  En effet, l’étude des liens entre le diabète, les hypoglycémies et les altérations cognitives se heurtent à plusieurs difficultés. Les renseignements concernant l’intensité, la durée et la fréquence des hypoglycémies manquent fréquemment dans les différentes études. Aussi, l’appréciation de la responsabilité des hypoglycémies dans l’apparition des troubles cognitifs est-elle difficile.  La détermination des déficits cognitifs et le diagnostic du type de démence ne sont pas toujours aisés. Ainsi, la limite entre déficit cognitif, démence débutante et encéphalopathie est difficile à cerner. Les diabétologues sont mal formés à cet exercice, ce qui souligne l’intérêt d’une collaboration avec les gériatres.  L’influence du diabète, de sa durée d’évolution et de ses complications dégénératives interfère aussi largement dans la survenue des déficits cognitifs et des démences. Ainsi, dans un tel contexte, le rôle précis des hypoglycémies paraît difficile à individualiser.  Enfin, une grande étude de référence fait défaut sur cette question. Les résultats dont nous disposons sont souvent contradictoires. La mise en place récente de l’étude GERODIAB par l’intergroupe francophone de Diabéto-Gériatrie a pour objectif de répondre à certaines de ces questions(1). Les hypoglycémies altèrent les fonctions cognitives des diabétiques âgés Nous ne disposons que de très peu d’études qui se soient spécifiquement penchées sur les relations sur les conséquences cognitives des hypoglycémies chez les sujets âgés. Cette constatation tient sans doute au fait que les diabétologues n’ont pas encore pris l’habitude d’évaluer systématiquement les fonctions cognitives de leurs malades âgés.  Les conséquences des hypoglycémies varient selon le type du diabète, de ses complications, du traitement mais également en fonction du terrain. Ainsi, les sujets âgés sont particulièrement exposés aux conséquences sur leurs fonctions cognitives en raison de la plus grande fragilité de leurs structures cérébrales.  La priorité des grandes études publiées en 2008 ne portait pas sur les conséquences psychiques de ces hypoglycémies. Cependant, dans ADVANCE, aucune différence sur l’évolution de la cognition au cours de l’étude n’a été observée entre les deux bras, intensif et conventionnel, mais le risque hypoglycémique était faible(2).  En revanche, une étude récente portant sur plus de 1 000 diabétiques de type 2 âgés de 60 à 75 ans montre la relation qui existe entre la fréquence des hypoglycémies sévères rapportées par le malade et les capacités cognitives(3). Les hypoglycémies sévères survenues entre 55 et 65 ans semblent d’ailleurs constituer un facteur de risque de survenue d’une démence après 20 ans d’évolution, comme le montrent les résultats de la Fremantle Diabetes Study. Dans cette étude, le risque de survenue d’une démence était majoré de 26 % chez les diabétiques ayant présenté un épisode grave d’hypoglycémie, de 80 % pour 2 hypoglycémies et de 94 % pour ≥ 3 hypoglycémies(4).  En revanche, les conséquences des hypoglycémies mineures sur les fonctions cognitives ne sont pas connues et font l’objet de débats. L’existence d’un déficit cognitif favorise les accidents hypoglycémiques La reconnaissance des manifestations cliniques des hypoglycémies est difficile chez les malades présentant une démence. En effet, une agitation, une majoration de la confusion ou d’autres troubles du comportement peuvent être rattachés à l’état démentiel et conduire à l’instauration d’un traitement psychotrope inapproprié. C’est pourquoi la constatation d’un taux particulièrement bas d’HbA1c doit faire suspecter l’existence d’épisodes hypoglycémiques passés inaperçus.  Les démences constituent par elles-mêmes un facteur de risque important dans la survenue d’hypoglycémies sévères en raison du caractère aléatoire de l’alimentation de ces malades et des erreurs dans l’observance du traitement. Ainsi, dans la Fremantle Diabetes Study portant sur 302 diabétiques âgés de plus de 70 ans, l’existence d’une démence constituait un facteur de risque très important de survenue d’hypoglycémies sévères dans les 5 années de suivi de l’étude(5). Dans l’étude ADVANCE, une majoration de la fréquence des hypoglycémies sévères a été observée chez les sujets présentant des troubles cognitifs importants(2). Ce fait est confirmé par les données de l’étude de suivi ACCORDMIND, une étude ancillaire d’ACCORD, qui montre que l’existence de troubles cognitifs favorise la survenue des hypoglycémies sévères(6).  Conclusion  Les hypoglycémies sévères retentissent sur le fonctionnement cérébral qui dépend fortement du glucose mais il existe un véritable cercle vicieux entre troubles cognitifs et hypoglycémie, chacune de ces manifestations favorisant la survenue ou l’aggravation de l’autre. En revanche, les conséquences cérébrales qui pourraient résulter d’hypoglycémies mineures sont mal connues. Toutefois, le risque hypoglycémique ne doit pas être un obstacle à l’optimisation de l’équilibre glycémique chez les diabétiques âgés qui sont restés en bonne santé et dont les objectifs glycémiques doivent être fixés individuellement en fonction du terrain et de la fragilité des malades. Des études spécifiques sur les liens entre les hypoglycémies du diabétique âgés et les troubles cognitifs méritent donc d’être poursuivies en raison du vieillissement de la population et de la prévalence croissante du diabète et des démences.    Conflits d’intérêt : L’auteur ne déclare pas de conflit d’intérêt avec la teneur de cet article.  "Publication avancée en ligne"

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