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Rein

Publié le 31 jan 2006Lecture 5 min

Comment adapter la thérapeutique chez un patient diabétique atteint d’insuffisance rénale chronique ?

H. GIN, hôpital du Haut-Levêque, CHU de Bordeaux, Pessac

L’insuffisance rénale chronique est une complication toujours possible chez les patients diabétiques. Elle se définit par un calcul de la clairance de la créatinine calculée par la formule de Cockcroft* (une clairance normale se situe entre 110 et 120 ml/min, on parle d’insuffisance rénale modérée à partir de 60 ml/min de clairance et d’insuffisance rénale sévère vers 30-40 ml/min de clairance).
Pour éviter l’apparition de l’insuffisance rénale chronique ou ralentir son évolution, il importe d’avoir le meilleur contrôle tensionnel possible et le meilleur contrôle glycémique possible.

Or, malheureusement, un certain nombre des médicaments utilisés pour traiter le diabète, et donc améliorer l’équilibre métabolique, ont eux-mêmes un métabolisme rénal et en conséquence leur posologie doit être modulée avec précaution en cas d’altération de la clairance de la créatinine. Cependant, cette précaution ne doit pas conduire à les supprimer sans les remplacer par autre chose au risque alors de voir la glycémie s’élever et, bien sûr, les objectifs thérapeutiques de ralentissement de progression d’insuffisance rénale non atteints. Bien sûr, dès que le patient diabétique présente une insuffisance rénale chronique, il est soumis aux mêmes restrictions thérapeutiques que tous les autres patients non diabétiques. Il importe chez lui de faire particulièrement attention aux AINS, parfois manipulés en autoprescription ; il faut être vigilant vis-à-vis des fibrates et, surtout dans le cas particulier du diabète, à l’utilisation de tous les produits de contraste iodés. Certes, l’urographie intraveineuse n’est quasiment plus pratiquée, mais l’artériographie et le scanner avec injection sont des examens qui, en cas d’insuffisance rénale chronique, doivent être demandés avec circonspection et encadrés de toutes les recommandations nécessaires chez le patient diabétique. Pour ce qui est de la gestion des antidiabétiques oraux, les règles sont simples à condition de les respecter.   Les médications de l’insulinorésistance (biguanides et glitazones)   Les problèmes posés par ces deux classes thérapeutiques sont tout à fait différents. Les biguanides sont formellement contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale chronique, étant donné leur voie d’élimination rénale pour une certaine part et le risque majeur d’accumulation dans cette hypothèse. Les glitazones, en revanche, n’ont aucune élimination par voie rénale et peuvent donc être prescrits et maintenus chez le patient diabétique insuffisant rénal chronique. Il importe cependant d’apporter une toute petite nuance à cette facilité thérapeutique : les glitazones n’ont, certes, pas de métabolisme rénal et donc pas de risque d’accumulation, mais elles sont susceptibles de participer à un certain degré de rétention hydrique. Une nuance clinique existe donc à ce niveau là et la vigilance s’impose tout au long de l’évolution de l’insuffisance rénale.   Les médications de l’insulinosécrétion   La situation est totalement différente. Les sulfamides sont éliminés pour partie par voie hépatique et pour partie par voie rénale ; ils n’ont pas de toxicité en soi en cas d’insuffisance rénale, mais leur accumulation au sein de l’organisme est susceptible de participer à l’apparition d’hypoglycémies iatrogènes. C’est pour cette raison que, pendant longtemps, a été discutée leur contre-indication absolue ou relative. De toute évidence, il n’y a pas de contre-indication absolue, mais l’hypoglycémie n’est pas un objectif, et lorsqu’elle survient chez un patient présentant une insuffisance rénale, elle est toujours plus grave en raison de l’allongement de la demi-vie des produits. Il est donc recommandé, si les sulfamides sont maintenus, de diminuer et d’adapter leur posologie pour éviter la iatrogenèse hypoglycémique.  Cependant, ce conseil est d’une application toute relative, dans la mesure où l’insuffisance rénale chronique est toujours une maladie évolutive, et qu’une posologie efficace et sans risque un jour donné peut, quelques années plu tard, devenir trop efficace avec un risque hypoglycémique du fait même de la modification de la demi-vie de la molécule. L’apparition des glinides a en partie résolu ce problème car ces molécules, qui sont aussi des insulinosécréteurs, n’ont aucun métabolisme rénal ; les glinides en temps qu’insulinosécréteurs peuvent donc être prescrits sans risque iatrogène chez le patient insuffisant rénal chronique. Une alternative : l’insulinothérapie   Cependant, la prescription des antidiabétiques oraux a, certes, comme objectif de ne pas entraîner de iatrogenèse, mais elle a aussi comme devoir d’assurer un excellent contrôle métabolique, seul moyen de ralentir la progression de l’insuffisance rénale ; les objectifs d’HbA1c doivent être atteints. C’est pourquoi l’insulinothérapie est souvent l’alternative proposée aux antidiabétiques oraux chez les patients diabétiques en insuffisance rénale chronique. En effet, ces patients sont déjà diabétiques depuis de nombreuses années, ils ne sont parfois pas loin de l’échec des antidiabétiques oraux, leur équilibre métabolique n’est pas parfait, l’apparition de l’insuffisance rénale contre-indique certaines molécules et, si après adaptation des thérapeutiques et des posologies, le niveau d’HbA1c n’est pas atteint, il est logique de chercher à augmenter la thérapeutique, mais de la modifier et de la remplacer par de l’insuline. Néanmoins, il importe, là aussi, de connaître les effets de l’insuffisance rénale sur l’insulinothérapie : la clairance métabolique de l’insuline est altérée en cas d’insuffisance rénale chronique. Cela n’a pas de conséquence particulière si ce n’est que les doses d’insuline utilisées chez le patient insuffisant rénal chronique sont souvent relativement faibles et chacun sait qu’il est beaucoup plus facile d’adapter les posologies insuliniques lorsque les doses utilisées sont déjà d’un certain niveau, alors que lorsqu’elles sont réduites à quelques unités, le fait de rajouter ou d’enlever une unité est souvent un changement quantitatif majeur, si bien qu’avec une unité de plus le patient fait des hypoglycémies et avec une unité de moins il reste en hyperglycémie.   Conclusions   L’adaptation des thérapeutiques chez le patient diabétique insuffisant rénal chronique est donc fondée sur le respect des contre-indications formelles, la connaissance des contre-indications relatives, et surtout l’autosurveillance glycémique permettant : - soit au médecin de moduler la posologie des sulfamides s’il les a maintenus, - soit au patient d’avoir une adaptation fine de son insulinothérapie s’il est traité par insuline, tout en étant prévenu de la sensibilité de son équilibre métabolique à de faibles variations de doses d’insuline. Dans tous les cas, l’obtention de l’objectif d’hémoglobine glycosylée et un bon contrôle de la tension artérielle ne peuvent que ralentir l’évolution de l’insuffisance rénale. L’enjeu justifie donc que l’on s’en donne les moyens.

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