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Publié le 31 mai 2006Lecture 7 min

Pourquoi et comment dépister l’ischémie myocardique silencieuse chez le diabétique ? Les nouvelles recommandations SFC-ALFEDIAM

J. PUEL, H. HANAIRE, Hôpital Rangueuil, Toulouse

La progression rapide et constante de la prévalence du diabète, et la fréquence des complications cardiovasculaires, qui sont la cause du décès de plus de deux tiers des patients diabétiques, sont un sujet majeur de préoccupation pour les médecins généralistes, les diabétologues et les cardiologues. Les spécificités de la coronaropathie des patients diabétiques, volontiers insidieuse dans sa présentation et dans son évolution, rendent nécessaire la mise en œuvre d’une stratégie simple mais rigoureuse de dépistage pour ne pas la méconnaître. Cela est d’autant plus important que les diabétiques sont largement bénéficiaires des progrès thérapeutiques tant dans le domaine du traitement anti-ischémique que dans celui du contrôle des facteurs de risque et de la prévention secondaire.

La Société française de cardiologie (SFC) et l’Association de langue française pour l’étude du diabète et des maladies métaboliques (Alfediam) ont récemment actualisé les recommandations professionnelles pour le dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse (IMS) chez les diabétiques1.   La coronaropathie des diabétiques est particulière   Deux à trois fois plus fréquentes que chez le sujet non diabétique, les complications cardiovasculaires participent à raccourcir l’espérance de vie d’un diabétique de 8 ans pour les sujets de 55 à 64 ans et de 4 ans pour les individus plus âgés. Les accidents cardiaques, particulièrement l’infarctus du myocarde (IDM), sont plus fréquents et plus graves chez les diabétiques, qui représentent environ 30 % des patients hospitalisés pour infarctus ou exploration coronarographique. Après un geste de revascularisation, le risque de resténose est plus élevé que chez le non-diabétique. Les lésions sont volontiers diffuses. Les anomalies de la microcirculation, la présence fréquente d’une neuropathie autonome cardiaque, contribuent au caractère souvent asymptomatique de l’ischémie myocardique : l’ischémie myocardique silencieuse (IMS) est ainsi 2 à 6 fois plus fréquente chez les diabétiques que chez les non-diabétiques ; 10 à 30 % des patients diabétiques sont concernés. L’existence d’une IMS multiplie par 3 le risque de survenue ultérieure d’un événement cardiaque majeur ; elle justifie la réalisation d’un bilan angio-coronarographique à la recherche de sténoses, dont l’existence fait le pronostic (encadré 1). Chez quels patients faut-il dépister l’ischémie myocardique silencieuse ?   Si la population des diabétiques est exposée à un risque cardiovasculaire accru, chaque diabétique asymptomatique ne présente pas cependant une IMS et encore moins une coronaropathie à haut risque myocardique susceptible de bénéficier d’une revascularisation. Le dépistage large et systématique de l’IMS chez le diabétique asymptomatique serait peu efficace, pratiquement peu réalisable et inutilement dispendieux. Ce dépistage doit être mis en œuvre auprès de sujets à haut risque cardiovasculaire dont la probabilité de présenter une IMS est élevée. Les paramètres permettant de cibler les patients à haut risque comportent tout d’abord l’âge des sujets et l’ancienneté du diabète, ensuite la mesure des autres facteurs de risque et enfin l’existence éventuelle d’une atteinte vasculaire périphérique ou d’une néphropathie (encadré 2). Le sexe n’intervient pas dans la sélection des patients à dépister, car le diabète expose la femme au même risque cardiovasculaire que l’homme. En revanche, la fréquence et la valeur prédictive positive d’une IMS augmentent considérablement avec l’âge et l’ancienneté du diabète, même si celle-ci est souvent sous-estimée dans le diabète de type 2. Il faut dépister l’IMS chez les patients diabétiques de type 2 de plus de 60 ans, dont le diabète est ancien de plus de 10 ans, et qui présentent en outre deux facteurs de risque cardiovasculaire (HTA, dyslipidémie, tabagisme, antécédents familiaux d’accident cardiovasculaire majeur précoce). L’HTA et la dyslipidémie sont très fréquentes chez les diabétiques, et ces facteurs de risque se potentialisent. À titre indicatif, ces critères de sélection amènent à retenir pour la recherche d’une IMS et d’une éventuelle coronaropathie, les sujets diabétiques asymptomatiques dont le risque d’événements coronaires à 10 ans est égal ou supérieur à 30 % chez l’homme et à 24 % chez la femme. Pour cette population ainsi sélectionnée,  le risque relatif d’événements coronaires à 10 ans est 2,3 fois supérieur à celui des diabétiques ne présentant aucun autre facteur de risque. Chez le diabétique de type 1, la recherche d’une IMS est recommandée sur les trois critères associés suivants : un âge supérieur à 45 ans, un diabète traité depuis plus de 15 ans et la présence d’au moins deux autres facteurs de risque. Enfin, la recherche d’une IMS est recommandée chez les sujets qui envisagent de reprendre une activité physique sportive intense après l’âge de 45 ans. Deux situations particulières, à très haut risque cardiovasculaire, justifient, quel que soit l’âge, de dépister l’IMS : – l’existence d’une atteinte vasculaire périphérique, – la présence d’une protéinurie ou d’une microalbuminurie (30 à 300 mg/24 h). Dans ces deux situations, le risque de décès et d’événements cardiovasculaires majeurs est multiplié par 2. Cela renforce l’importance de la recherche clinique de l’artériopathie et du dosage annuel de la microalbuminurie. Comment dépister l’ischémie myocardique silencieuse ? (figure)   Figure 1. Stratégie de dépistage de l’IMS. Chez les patients ainsi identifiés à haut risque, le dépistage commence par la réalisation annuelle d’un ECG de repos. En cas d’anomalie fortement évocatrice d’ischémie myocardique, le recours à la coronarographie est justifié d’emblée. En l’absence d’anomalie, le dépistage repose en première intention sur l’épreuve d’effort (EE), examen peu coûteux et validé. Elle doit être démaquillée. Ses résultats amènent à distinguer les cas de figure suivants : - EE maximale négative (la fréquence cardiaque atteignant 220 batt/min moins l’âge). La valeur prédictive négative du test est ici proche de 90 % et, par conséquent, la probabilité d’une atteinte coronaire sévère est très faible, une réévaluation est à prévoir dans 3 ans ; - EE fortement positive : sous-décalage du segment ST > 2 mm pour un seuil < 75 watts ou critères de gravité rythmiques ou hémodynamiques. Dans ce cas, le risque d’une atteinte coronaire est élevé et il est justifié de pratiquer une coronarographie ; - EE faiblement positive ou douteuse. La valeur prédictive positive d’une EE positive au-delà du seuil de 75 watts et ne présentant aucun critère de gravité est faible, la pratique d’une coronarographie n’est pas recommandée en première intention. Il faut réaliser un autre test fonctionnel (isotopique ou échocardiographique) qui possédera une valeur pronostique supplémentaire incontestable ; - EE sous-maximale. Chez les diabétiques présentant deux autres facteurs de risque vasculaire et incapables de réaliser une EE, le taux annuel d’événements cardiaques majeurs est 6 à 7 fois plus élevé que chez les mêmes sujets capables de développer un test négatif. Les examens fonctionnels avec stress pharmacologique de seconde ligne sont fortement recommandés dans ce cas de figure. La scintigraphie myocardique de perfusion (TSMP) et l’échocardiographie de stress (ES) : des examens de seconde ligne en cas d’EE impossible ou douteuse. Largement disponible en France, la TSMP couplée à un test de provocation d’ischémie, ergométrique et/ou pharmacologique (dipyridamole), a une bonne valeur prédictive négative : chez le diabétique asymptomatique présentant d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, une TSMP normale ou subnormale (anomalie de perfusion touchant moins de 10 % de la masse ventriculaire gauche) permet d’affirmer l’absence de coronaropathie relevant d’une revascularisation dans 80 à 85 % des cas. En revanche, une anomalie de perfusion > 10 % du ventricule gauche est associée à une majoration du risque cardiovasculaire dans un rapport de trois à sept, et oriente vers une exploration coronarographique. De développement plus récent, l’ES explore la cinétique systolique segmentaire. Le stress appliqué au cours de cet examen est de nature pharmacologique par l’emploi le plus souvent de fortes doses de dobutamine. Cet examen est peu ou pas interprétable dans 5 à 10 % des cas en raison de la mauvaise échogénicité des sujets. L’ES semble présenter des performances diagnostiques et une valeur pronostique identiques à celle de la TSMP. Le choix entre l’une ou l’autre de ces deux méthodes fonctionnelles, pratiquées en deuxième intention, sera guidé par les caractéristiques échocardiographiques du patient, l’expérience des opérateurs et la disponibilité du plateau technique.   Quel bénéfice pour les patients ?   Le bénéfice potentiel repose sur la mise en œuvre d’un traitement anti-ischémique, le renforcement des mesures de prévention cardiovasculaire et, au besoin, la pratique d’un geste de revascularisation. La mise en évidence d’une IMS doit conduire à la mise en route d’un traitement médicamenteux anti-ischémique précoce. L’efficacité des bêtabloquants est prouvée chez les diabétiques coronariens. La découverte d’une IMS place le diabétique dans une logique de prévention secondaire et incite à un contrôle très strict des facteurs de risque associés. De nombreux traitements ont prouvé leur efficacité dans le domaine de la prévention secondaire chez les diabétiques (statines, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, aspirine, pioglitazone). Le contrôle strict et attentif de la glycémie participe également à améliorer le pronostic cardiovasculaire dans les deux types de diabète. Dans l’étude STENO-2, la prise en charge simultanée et attentive de l’ensemble des facteurs de risque de patients diabétiques de type 2 microalbuminuriques a permis de réduire de 50 % leur risque vasculaire à 7 ans. Enfin, la découverte d’une IMS et la mise en évidence de sténoses coronaires serrées peuvent conduire à envisager un geste de revascularisation : chirurgie notamment en cas d’atteinte pluritronculaire, angioplastie avec pose d’un stent pour limiter le risque de resténose. Les résultats obtenus avec les stents actifs semblent aujourd’hui prometteurs et, s’ils sont confirmés, conduiront à faciliter l’angioplastie chez le diabétique et possiblement à élargir les indications de revascularisation chez ces patients.   Conclusions   L’atteinte coronaire des patients diabétiques est un sujet de préoccupation majeur pour les médecins généralistes et les diabétologues, qui craignent de la méconnaître et en redoutent le pronostic pour leur patient, et pour les cardiologues, confrontés à la difficulté de prise en charge des coronariens diabétiques, et à la masse des patients à dépister. Ces nouvelles recommandations proposent une stratégie de dépistage centrée sur les patients à haut risque et reposant sur l’utilisation rationnelle des examens complémentaires, dans un objectif de simplicité et d’efficacité.

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