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Études

Publié le 31 oct 2008Lecture 5 min

Ischémie myocardique silencieuse - Faut-il dépister tous les diabétiques en 2008 ?

P. MOULIN1, A. SÉRUSCLAT2, S. BERNARD1 1. Centre de dépistage et de traitement des dyslipidémies Fédération d’endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques et nutrition 2. Département d’imagerie cardiovasculaire Hôpital cardiovasculaire Louis Pradel

Un dépistage ne vaut que s’il débouche sur une conséquence thérapeutique bénéfique. Cet adage connaît une actualité toute particulière dans le cadre de l’insuffisance coronaire des diabétiques, compte tenu des résultats récents publiés à propos des stratégies de prise en charge préventive de l’insuffisance coronaire stable.
De surcroît, l’apparition de nouvelles méthodes d’imagerie coronaire est susceptible de bouleverser les schémas d’exploration acquis au cours des 10 dernières années.

La réflexion qui suit ne concerne que l’insuffisance coronaire en situation stable voire silencieuse. Elle ne concerne en aucun cas l’angor instable et les syndromes coronaires aigus lors desquels il est clairement établi qu’une attitude de revascularisation rapide apporte un bénéfice en termes de morbi-mortalité cardiovasculaire.   La réalité des essais cliniques   L’essai randomisé COURAGE, publié dans le New England Journal of Medicine a montré que, chez des coronariens stables, les angioplasties par stent nu n’apportent aucun bénéfice sur le plan de la morbi-mortalité cardiovasculaire par rapport à une prise en charge médicale optimale en première intention1. Il s’agissait de sujets présentant une authentique insuffisance coronaire documentée ; un quart d’entre eux avait des antécédents de revascularisation et 38 % avaient un antécédent d’infarctus. La majorité avait une atteinte de plusieurs territoires en scintigraphie myocardique et une atteinte pluritronculaire en coronarographie. Un tiers des sujets inclus étaient diabétiques et, dans ce sous-groupe, le risque d’événement ischémique dans le groupe angioplastie était identique à celui du groupe traitement médical exclusif. Il faut remarquer que le traitement médical était particulièrement complet avec plus de 75 % des sujets sous blocage du système rénine angiotensine, plus de 90 % sous statine, 95 % sous antiagrégant. Seul l’usage des nitrés et des calcium-bloqueurs a été plus important dans le groupe traitement médical, témoignant d’une moindre correction des douleurs angineuses. Il faut reconnaître que cette équivalence du traitement médical a été obtenue en observant une étroite vigilance clinique avec coronarographie et revascularisation de tous les épisodes d’angor instable survenus dans le groupe traitement médical, ce qui s’est produit dans 35 % des cas (figure). Figure. Infarctus et mortalité totale lors de l’essai randomisé COURAGE. COURAGE n’est pas un essai clinique isolé ; depuis le développement de l’angioplastie, une dizaine d’essais cliniques randomisés de plus petite taille a été réalisée, conduisant à une métaanalyse effectuée par Katritsis, publiée dans Circulation en 2005 et aboutissant aux mêmes conclusions2. L’absence de supériorité des revascularisations basées sur l’angioplastie par stent nu aurait pu conduire à défendre une stratégie de revascularisation basée sur les stents actifs. La métaanalyse des essais stent nu vs stent actif ne montre pas de supériorité décisive des stents actifs au cours du suivi3. Compte tenu de l’absence de supériorité décisive de l’angioplastie, il était également logique de discuter une éventuelle chirurgie de revascularisation. Là aussi, une métaanalyse récente ne montre pas de supériorité décisive de la chirurgie sur l’angioplastie, à fortiori dans le cas particulier des diabétiques4. Finalement, seul l’essai BARI I a montré un bénéfice supérieur de la revascularisation chirurgicale sur l’angioplastie conduite à l’époque sans stent5.   Pourquoi un tel décalage de pratique ?   Il existe donc un décalage flagrant désormais entre la pratique quotidienne qui, en cas de dépistage positif et de coronarographie positive, consiste le plus souvent à implanter des stents actifs multiples et plus rarement à procéder à une revascularisation chirurgicale. Une telle attitude agressive ne débouche pas sur un bénéfice substantiel, à fortiori chez un malade qui ne souffre pas puisque souvent les diabétiques se trouvent en situation d’ischémie myocardique silencieuse. Les raisons du choix de l’option agressive tiennent à la fois au diabétologue et au cardiologue. Le premier, soucieux du risque cardiovasculaire indéniablement élevé de « son » malade, ne peut se résoudre à demeurer passif et peut sous-estimer le bénéfice découlant d’un traitement médical bien conduit. Le diabétologue peut dans son subconscient redouter une mise en cause secondaire explicite ou implicite pour défaut de prise en charge. Le cardiologue est soumis, lui aussi, au désir d’agir et de répondre aux attentes formulées par le malade et « son » correspondant. Un geste concret lui paraît plus efficace que le bénéfice virtuel d’un traitement médical. Lors de la coronarographie, il est exposé au réflexe oculodilatateur conduisant à déclencher une angioplastie devant une sténose accessible qui, certes, est hémodynamiquement significative, mais ne sera pas nécessairement coupable lors d’un futur accident aigu.   Quelle posture adopter désormais en 2008 chez les diabétiques ?   Cette question se pose en dehors des syndromes coronaires aigus et de l’angor instable. En complément de l’absence de preuve d’un bénéfice après revascularisation préventive, l’essai clinique multicentrique DYNAMIT avait consisté à évaluer le bien-fondé de l’ensemble de la stratégie de dépistage telle qu’elle est recommandée par l’Alfediam, en laissant à l’appréciation de chaque centre le choix de l’opportunité d’une revascularisation. À l’issue du suivi de 630 diabétiques à haut risque potentiel, sur une durée de 3 ans avec une exhaustivité de suivi atteignant 95 %, randomisés entre suivi médical simple ou stratégie de dépistage de l’IMS, il n’apparaît aucune différence de l’incidence de la morbi-mortalité cardiovasculaire. Certes, le manque de puissance de l’étude ne permet pas d’exclure un bénéfice modeste. Néanmoins, la stricte superposition des deux courbes rend peu probable l’émergence d’une supériorité décisive de la stratégie de dépistage. Compte tenu de l’absence de bénéfice thérapeutique qui se dessine, il conviendrait désormais de limiter l’usage d’une stratégie de dépistage pouvant conduire à une revascularisation aux seuls diabétiques qui pourraient en tirer un bénéfice. Pour en revenir à des fondamentaux solides, tels que l’étude CASS6, ces patients seraient potentiellement tritronculaires, ou avec une sténose serrée du tronc coronaire gauche, ou avec un mauvais VG. Mais bien malin qui connaît le profil type de ces diabétiques à ce jour. Il correspond certainement à une minorité de malades avec un cumul particulier de facteurs de risque, ayant un âge suffisamment avancé et une durée d’exposition au diabète prolongée. L’autre situation correspond à celle des diabétiques qui, à la suite de contre-indication ou de mauvaise tolérance, ne bénéficient pas du sacro-saint « traitement médical optimal » et demeurent hors d’atteinte des objectifs consensuels, d’ailleurs très proches de l’essai COURAGE.   Conclusion   En ces temps de ressources médicales limitées, il faut s’interroger sur l’efficience de nos stratégies. Nous avons désormais des raisons légitimes de considérer que notre prise en charge de l’insuffisance coronaire, pour la majorité des diabétiques, doit être révisée en repensant le dépistage à la lumière de l’essai DYNAMIT (à fortiori, s’il est confirmé par d’autres études) et au profit d’un meilleur traitement médical à la lumière de l’essai COURAGE. À ce titre tenons compte également des études observationnelles de la « vraie vie » qui montrent combien nous avons du mal à appliquer les données de la littérature et à faire vraiment bénéficier nos patients d’un traitement optimal (EUROASPIRE, MONICA), etc.

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