Études
Publié le 31 aoû 2007Lecture 5 min
La metformine en monothérapie initiale sort-elle renforcée de l'étude ADOPT ?
L. MONNIER, C. COLETTE, Hôpital Lapeyronie, Montpellier
Le mois de décembre 2006 a été marqué par la publication de l'étude ADOPT1, acronyme de : « A diabetes Outcome Progression Trial ». Cette étude a été entreprise pour comparer les effets de la metformine, de la rosiglitazone et du glyburide en monothérapie initiale dans le diabète de type 2. Le critère principal pour juger l'efficacité respective des trois traitements était la durée du maintien d'un équilibre correct, défini par une glycémie à jeun inférieure à 1,80 g/l. De manière plus générale, cette étude était destinée à répondre à deux questions fondamentales :
- La prescription d'un insulinosensibilisateur en première intention dans le diabète de type 2 est-elle préférable à celle d'un insulino-sécrétagogue ?
- S'il est préférable de prescrire un insulinosensibilisateur, vaut-il mieux choisir une glitazone ou la metformine ?
Les insulino-sensibilisateurs mieux que les sulfonylurées
C'est la conclusion immédiate qui ressort d'une lecture rapide des résultats de l'étude ADOPT. Les deux insulinosensibilisateurs testés (la metformine et la rosiglitazone) sortent indiscutablement vainqueurs de leur confrontation avec l'insulinosécrétagogue, le glyburide. Bien que le nombre de sujets perdus de vue soit important, l'échec cumulatif du traitement est de l'ordre de 20 % pour les insulino-sensibilisateurs (15 % pour la rosiglitazone, 21 % pour la metformine), alors qu'il est de 34 % pour le glyburide.
Qu'en est-il de la comparaison entre les deux insulino-sensibilisateurs ?
Cette comparaison nécessite plusieurs lectures.
Lecture sur l'efficacité
Elle semble à l'avantage de la rosiglitazone. Comme nous l'avons indiqué plus haut, le pourcentage de sujets en échec thérapeutique, c'est-à-dire gardant une glycémie à jeun supérieure à 1,80 g/l, est légèrement inférieur avec la rosiglitazone qu'avec la metformine. Les résultats sur les autres critères d'efficacité (moyennes des glycémies à jeun et des taux d'HbA1c) au bout de 5 ans de suivi sont également en faveur de la rosiglitazone.
Lecture sur le rapport efficacité/sécurité
Une analyse plus approfondie des résultats en intégrant les effets parallèles et/ou néfastes consécutifs à l'administration des deux insulinosensibilisateurs conduit à des conclusions légèrement différentes, les deux médicaments apparaissant beaucoup plus proches l'un de l'autre quand on tient compte du rapport efficacité/sécurité.
Pour certains effets secondaires, il s'agit d'une simple « redécouverte ». En effet, tout le monde sait depuis plusieurs années que l'un des inconvénients les plus fréquents des traitements par la metformine est la survenue de problèmes digestifs. Nul n'ignore que les glitazones font prendre du poids et sont associées à un risque de rétention hydrosodée. Il est bien connu qu'il convient d'éviter la prescription de glitazones lorsque la fonction ventriculaire est altérée. Tous ces effets sont répertoriés et toutes ces remarques sont énoncées dans l'article original1 et dans l'éditorial rédigé par David Nathan2 pour commenter les résultats de l'étude ADOPT. En tenant compte du rapport efficacité/sécurité, il semble que la confrontation metformine vs glitazone se solde par une quasi-égalité, voire même une légère supériorité de la metformine.
Lecture qui intègre le coût respectif de la metformine et de la glitazone
Dans son éditorial2, D. Nathan souligne très fortement et à juste titre que le coût des traitements par metformine est nettement plus faible que celui des glitazones. Dès lors, son analyse se termine par la phrase suivante : « La metformine reste le choix logique pour débuter un traitement médicamenteux dans le diabète de type 2 »2. Cette recommandation est en accord avec celles qui ont été prônées au nom de l'ADA (American Diabetes Association) et de l'EASD (European Association for the Study of Diabetes) par un groupe d'experts dirigés par David Nathan3.
Arguments scientifiques supplémentaires pour conforter le choix de la metformine
Bien que l'argument financier soit important, n'y a-t-il pas un (ou des) arguments scientifiques qui permettrait (ent) de faire pencher la balance vers la metformine en s'affranchissant du rationnel économique pour ne retenir que le rationnel efficacité/sécurité qui reste le gold standard du choix médical ?
En effet, les deux insulinosensibilisateurs sont si proches l'un de l'autre que la lecture de l'étude ADOPT conduit à une impression mitigée, entretenue par le fait que les auteurs de l'article1 n'ont pas osé prendre une position ferme pour l'un ou l'autre des deux médicaments : metformine ou glitazone. Et pourtant, la solution du problème est peut-être cachée dans une observation, en apparence anodine, puisqu'elle n'a été relevée par aucun des auteurs.
Si l'on examine avec soin l'une des figures de l'article ADOPT (figure), il apparaît que les taux d'HbA1c sont strictement identiques dans le groupe metformine et le groupe rosiglitazone lorsque l'analyse est limitée aux 3 premières années du suivi. En revanche, sur la même période de temps, on observe que les glycémies à jeun sont nettement plus élevées chez les patients traités par metformine lorsqu'on les compare à ceux qui sont traités par la rosiglitazone.
La question majeure qui est soulevée par cette surprenante observation est la suivante : pourquoi y a-t-il une différence entre l'évolution au cours du temps de l'HbA1c et de la glycémie à jeun ? Considérant que l'HbA1c intègre à la fois les variables des glycémies à jeun et postprandiales, la relation entre les courbes qui décrivent les variations de l'HbA1c [HbA1c(t)], de la glycémie à jeun [GàJ(t)] et de la glycémie postprandiale [GPP(t)] peut être mathématiquement décrite par l'équation suivante :
Figure. Évolution de l'HbA1c et de la glycémie à jeun dans les groupes metformine (points noirs) et rosiglitazone (points blancs) de l'étude ADOPT1.
Puisque l'intégrale de la glycémie à jeun du groupe metformine est supérieure à celle du groupe rosiglitazone alors que les deux intégrales de l'HbA1c sont strictement identiques, on est en droit de penser que l'intégrale de la glycémie postprandiale, si elle avait été mesurée, aurait été plus faible avec la metformine qu'avec la rosiglitazone. Même si la metformine et la rosiglitazone sont connues toutes les deux comme des médicaments agissant sur la glycémie à jeun4,5, l'étude ADOPT suggère fortement que la metformine garantit un meilleur contrôle des glycémies postprandiales que la rosiglitazone. Étant donné que le diabète de type 2 est caractérisé par une perte précoce du contrôle postprandial6,7, l'étude ADOPT donne des arguments à ceux qui recommandent la metformine seule comme traitement initial2,3. De plus, l'étude ADOPT suggère que les médicaments agissant sur la glycémie postprandiale ou les glitazones, devraient être associés le plus tôt possible à la metformine.
En conclusion
À la question de départ – metformine ou glitazone ? – n'est-il pas préférable d'adapter les résultats d'ADOPT plutôt que de les adopter béatement avec une vision purement méthodologique ? Cela nous confirme que l'observation ne doit jamais être coupée de l'evidence-based medicine fondée sur les études d'intervention.
L'étude ADOPT est un essai interventionnel d'excellente qualité mais l'observation d'un fait négatif, l'absence de différence entre les deux courbes d'HbA1c chez les patients traités par metformine et par rosiglitazone sur les 3 premières années de suivi, est peut-être l'un des résultats les plus importants de cette étude.
Pour étayer cette affirmation, nous nous permettrons de rappeler au lecteur l'anecdote que nous avions rapportée il y a quelques mois dans cette même revue pour conclure notre éditorial : « L'observation : partenaire ou parent pauvre de la médecine fondée sur les preuves ? ». Conan Doyle, dans l'une de ses nouvelles, rapporte que Sherlock Holmes vient de résoudre l'énigme en observant le comportement du chien qui lui a semblé bizarre. Au fidèle Watson interloqué, qui lui demande en quoi ce comportement lui a paru suspect alors que le chien est resté immobile, Sherlock Holmes répond que c'est justement l'immobilité du chien qui lui a permis de résoudre l'énigme.
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